Les Apartés de Félie. “L’art d’avoir toujours raison” à défaut d’avoir tort

L’art d’avoir toujours raison à défaut d’avoir tort

La plainte. Non, point cette de la douleur, de la tristesse, du chagrin.
La plainte. Non point celle de la supplication, de le l’attente, du désespoir.
La plainte. Non point celle de la détresse, de l’absence, de l’abandon.
La plainte. Non point celle du plaisir, de l’orgasme suprême, de la jouissance.
La plainte.
Celle que l’on dépose. Non pas devant soi sur un plateau pour accompagner thé et petits fours.
Celle qui expose, sans concessions et de façon exhaustive, des faits dans toute leur noirceur, leur violence, leur cruauté.
Celle qui relate avec précision et une incision au scalpel le drame qui s’est produit.
Mais, il faut attendre. La gendarmerie n’est point en accès libre. Horaires définis.
Pardon, j’ai plage.
Alors, on scrute les heures sur la comtoise des souvenirs en attendant l’heure bénie sans bénitier.
Puis, la délivrance.
La scène est plantée.
Un flic derrière son ordinateur qui vous observe l’œil en coin, et tape avec peine sur le clavier ce que vous exposez.
Un peu de commisération fleure au coin du regard. De la pitié aussi.
Mais, la victime se replie en nous.
Pas besoin de cet œil apitoyé alors que l’on refuse soi-même de céder à cette posture.
Innocente victime quasi obligée de se justifier des faits exposés.
Victime et plainte devraient-elles par un habile tour de passe passe devenir des synonymes ? Afin de justifier de ne pas être l’agresseur mais l’agressé fortement agacé devant la complexité judiciaire
Pourquoi soulever ce questionnement ?
Pourquoi sembler mettre en doute les paroles et donc les faits relatés en toute lumière crue ?
Cruauté indirecte devenue frontale et sans frontières entre vérités et et licences.
Pirouette mentale.
Si celui qui tapait cette plainte devenait vous ?
Ça n’arrive pas qu’aux autres, hélas, mille fois hélas, y’a le telefon qui son et franchit le mur du son.
Bruit sourd à donner des acouphènes aux oukases de la pensée.
Détraquée cette histoire quand elle est relatée et apparaît frelatée.
C’est pas moi c’est l’autre.
Oh pardon mais cet autre n’est-ce pas moi ou vous ou nous ?
C’est qui ce reflet dans la glace de l’ordinateur ? Pas celui du marchand qui vous tend un cornet. Deux boules à en avoir les boules et des sévères.
Quel parfum ? Amertume ou désillusion.
Vous préférez lequel ?
N’est-ce pas une bonne question ?
Vous préférez mourir avec lequel en bouche ? Celui que vous préférez ? Ou l’autre un peu moins aimé ?
Ce serait idiot de caner avec des regrets de plus sous la langue, la fatalité qui deviendrait nauséabonde et nauséeuse.
Corps sans vie dans un poste de police du bout du monde.
Pas gaie ni gagnée cette histoire presque perdue d’avance.
On rembobine les événements de la détresse.
Plainte déposée ad hominem ou ad personam ? À faire se retourner Schopenhauer dans sa tombe.
Là pointent la différence et le stress qui s’expriment en termes balbutiés.
Victime avérée ou histoire d’eaux, de larmes inondées ?
Pas de plaisir, ni de douceur au grand déballage.
On lave plus blanc que blanc.
C’est pas moi c’est l’autre.
Et, que deviennent Sarah, Rene et les autres qui n’ont pas eu la chance d’exposer l’horreur de leur départ ?
Les suspects sont-ils au-dessus et au-delà des lois ?
Revivons-nous en un temps répétitif et interminable le dernier western de John Wayne ?
Mais, pas de colts, ni de carabines dans ces histoires innommables.
Pas d’œil pour œil ni de dents pour dents bien camouflées sous des implants.
Ultra brite le sourire du déposeur de plainte, pas le droit à la moue de travers ni au rictus amer.
Ultime et unique attitude qui frôle l’ultimatum.
La droiture.
Remettre son mouchoir dans sa poche et bien la serrer. Appuyer sur l’éponge pour moins pisser.
Déposer plainte sans plainte.
Pas si aisé que ça en a l’air.
Et, se redresser tel le loup de Vigny avec ses vers en tête « gémir, prier, pleurer est également lâche.”
Puis, circulez. Plus rien à voir.
Reprenez le cours de votre vie avec un nouveau tatouage. Une ride en plus. Une ride de l’âme.

© Felicia-France Doumayrenc

Felicia-France Doumayrenc est autrice, critique littéraire, éditrice et peintre.

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