Thierry Amouyal. L’alya à 65 ans ? C’est possible je vous raconte…

Devenir israélien, glisser sa teoudat zeout1 dans son portefeuille et la porter sur son cœur, j’en rêvais depuis longtemps, et puis, finalement, à 65 ans, ça m’est arrivé.

L’histoire commence à Paris, dans les locaux de l’agence juive ; c’est sombre, c’est morne, mais c’est la porte d’entrée d’Israël et le passage obligé des futurs « olim2 » ; on y vient avec ses papiers, celui qui certifie que tu es juif, celui qui garantit que le fisc français ne s’intéresse pas à toi, celui qui promet que tu n’abandonnes ni femme ni enfant.

L'Agence Juive pour Israël

On y répond à quelques questions, parfois indiscrètes, et tout se termine par une petite fête improvisée ou l’on chante la Hatikva3 tous ensemble : chouette petit avant-goût d’Israël.

Le voyage

Il survient juste après, 4h30 de vol dans le grand oiseau bleu et blanc, nous arrivons à Ben Gourion. Aussitôt séparés de nos frères touristes par une équipe de bénévoles francophones souriants qui nous remettent quelques centaines de Shekels, une puce de téléphone, quelques documents administratifs et un sandwich. Enfin, le minibus affrété par l’agence distribue géographiquement les nouveaux immigrants : Herzliah, Natanyah, et enfin Hadera, notre nouvelle maison dans notre nouveau pays.

Le premier matin

Quand tu te réveilles, citoyen d’Israël sur la terre d’Israël, aussitôt le café avalé, tu as une mission : prendre tout seul les rendez-vous qui te permettront de franchir les étapes que l’administration de ton nouveau pays a prévues pour toi, et là, tu comprends très vite l’importance de la puce de smartphone qui était collée près de ton sandwich !

En effet, dans ce pays que Théodore Herzl nomma « Alt neu land » la carte SIM constitue l’indispensable part du « NEU »…

À partir de tout de suite, et, définitivement, ton smartphone sera ton guide spirituel. On te demandera son numéro avant même de connaître ton nom. Ne sors jamais sans lui, il sera ton MOÏSE sur le mont SINAÏ du fourbi administratif de ton nouveau pays.

La première immersion

Dans ce bain de peuple israélien qui t’attend, cette immersion se fera au sein de ta future agence bancaire.

La banque est ici un lieu de passage (et souvent de stationnement) obligé. Quelle que soit la taille de l’agence, tu y prends un ticket et tu attends patiemment ton tour, car quel que soit le jour ou l’heure, toute la ville est là avec toi ! Jeune ou vieux, riche ou pauvre, ancien sabra ou nouvel immigrant, ne compte pas, ils sont tous là !

Ainsi tu as tout le temps de préparer ton explication avec les 12 mots d’hébreu que tu baragouines pour ouvrir ton compte d’olé hadash (nouvel immigrant)

Enfin, après 50 minutes, ton numéro s’affiche sur l’écran et là, tu as 25 secondes pour comprendre qu’il fallait monter au 1er étage, car c’est là, et seulement là, qu’on va s’occuper de toi !

Inutile de préciser que ton stress est palpable et que tu t’imagines déjà repartir sans avoir abouti, et, bien sûr, en ne pigeant que 10 % de ce qu’on te raconte, et tu frôles le désespoir ! Mais c’est à ce moment précis que tu vois sous tes yeux se dérouler un des nombreux « miracles de la terre sainte » : car l’employé te prend le papier remis à l’aéroport où tu avais vaguement déchiffré le mot « banque » en hébreu, et, instantanément, il te sourit, te félicite chaleureusement pour ta montée au pays et, en quelques minutes, le compteur de ton « stressomètre » redescend a la vitesse où ton compte s’ouvre.

En entrant dans la « vraie vie en Israël », tu frémis en pensant à toutes les histoires terrifiantes que tes amis t’ont rapportées, pourtant tu découvres aussi qu’ici les comportements évoluent vite et parfois bien. Il en est ainsi de la circulation automobile qui, bien qu’assujettie à l’usage sacro-saint et permanent du klaxon, semble s’être largement civilisée : ainsi tu constates que lorsqu’un piéton s’approche d’un passage clouté, tous les véhicules ralentissent pour lui donner la priorité.

Autre bonne surprise, chaque achat important comme les meubles ou l’électroménager s’organise autour de règles très claires et policées : les prix sont précisés, tu reçois souvent un devis détaillé, les livraisons, systématiques et payantes, s’effectuent en bon ordre, dans le respect des horaires et de façon plutôt fluide.

Les courses

Je préfère passer rapidement sur les prix de l’alimentation et des produits de première nécessité, ceux-ci te paraîtront exorbitants, surtout si tu fais l’erreur fatale de les convertir en euros, et donc de les rapprocher de ceux que tu payais chez Carrefour ou Auchan !

En parcourant les allées du supermarché, tu découvriras rapidement que ceux qui acceptent de payer les yaourts au prix du caviar ou un filet de poisson au-dessus du cours de l’or ne sont pas des milliardaires de la Silicon Valley égarés dans ton quartier, mais simplement des Israéliens ordinaires qui ont décidé de profiter de la vie sans se taper la tête contre le linéaire de fromage. Et, très vite, tu feras comme eux, laissant les nouvelles désagréables attendre le relevé de banque du dimanche matin.

L’administration

Bon, tu n’en as pas fini avec l’administration ; le misrad hapnim t’attend pour te fournir ta nouvelle carte d’identité en échange de la montagne de documents apostillés que tu as apportés de France. Ne t’inquiète pas, si, finalement, on ne t’en réclame que la moitié, tout est normal et on te remettra la teoudat zeout (carte nationale d’identité) qui viendra remplacer la teoudat olé (carte d’immigrant) faisant de toi un citoyen à part entière.

Le sabra routier

Si tu as la chance de disposer d’une auto, tu vas commencer à rendre visite à tes amis et parents qui sont toujours à quelques kilomètres de ton domicile. Je n’ai pas très envie de m’appesantir sur les affres de la circulation automobile en Israël. Tu l’as déjà testée en tant que touriste depuis des années et donc tu sais que si le mot « savlanout » (patience) existe dans le dictionnaire hébraïque, il est totalement absent du réseau routier israélien.

Je préfère donc te faire partager la tendresse du sabra routier, par exemple lorsqu’une voiture de sport pile brutalement devant toi en plein carrefour et qu’un énorme « hipster » barbu et couvert de tatouages en surgit pour se précipiter au secours d’une jeune maman en panne au bord de la route alors que tu allais passer tranquillement devant sans avoir perçu le commencement de la situation ! C’est cela aussi le peuple d’Israël :celui qui gueule et te klaxonne parce que tu ne roules pas assez vite va s’arrêter net et se précipiter si tu es en détresse, en ayant compris instantanément le danger qui te guette. C’est ainsi qu’au détour d’une route déserte tu perçois un des ressorts majeurs de la résilience de ce pays.

Il est donc impossible de comprendre cette société sans assister à ce moment unique si fort et unificateur qu’est Yom hazikaron, le jour du souvenir de tous ceux qui sont tombés pour construire et défendre le pays.

Ainsi chaque année, la veille de Yom haatsmaout la fête de l’indépendance qui nous réjouit autour des merveilles de la souveraineté nationale juive, chaque ville ou village organise une très émouvante soirée du souvenir au cours de laquelle toutes les générations se retrouvent pour évoquer le souvenir des héros locaux, et ainsi les noms et visages de ces femmes et hommes qui ont tout donné pour la défense de leur pays, défilent sur un écran géant.

Au cours de ce « tekess4 », quelques témoignages sont sélectionnés, et ainsi, un père, un oncle ou un fils montent à la tribune pour nous faire partager un petit bout d’une vie écourtée mais pas effacée.

Voilà, peut-être, le plus grand secret d’Israël dévoilé : cette force que nous trouvons dans la proximité du sacrifice, pour aller de l’avant en y associant chaque génération. Ainsi, ces instants de grande tristesse partagés côte à côte génèrent chez tous un élan de vie jamais démenti…

Le Haim ! TA♦

© Thierry Amouyal


1 Carte d’identité

2 immigrants

3 Hymne israélien

4 cérémonial


Thierry Amouyal, lecteur fidèle et ami de TJ, écrit pour Mab@tim

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2 Comments

  1. Bonjour
    Merci de ce témoignage. A caractère optimiste.
    J’ai moi même tenté de faire mon alya il y a 5 ans.
    Ayant besoin de travailler, sans connaissance de la langue et sans suffisamment de moyens d’avance pour financer le quotidien assez longtemps pour l’apprendre et trouver du travail, j’ai du renoncer et revenir en France.
    Mais j’envisage une nouvelle tentative prochainement.
    Donc bien préparer financièrement son alya est la règle numéro 1.
    Shabbat shalom

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