André Markowicz. Un gars, on lui a coupé l’oreille…

« Un gars, on lui a coupé l’oreille… »
Une conversation

Aujourd’hui, ce sera juste ça.

Les services ukrainiens captent les conversations des soldats russes entre eux, ou celles qu’ils ont avec leurs familles, en Russie. Et les publient sur une chaîne youtube spéciale.

Ces conversations, auxquelles j’ai souvent fait référence, donnent une image réelle de la mentalité des soldats engagés dans la guerre. Il y a des cris de désespoir, des descriptions de combats terrifiantes, des conversations banales, et puis, dans ces conversations banales, les gens parlent, et disent la vérité de la guerre.

— Ici, visiblement, c’est un soldat qui parle à un ami qui n’est pas dans les combats. La conversation a été publiée le 17 mai, mais je ne sais pas quand elle a eu lieu. Sans doute il y a deux semaines Des soldats russes viennent de prendre un village dans la région de Kharkov.

Note sur la traduction :
traduire Dostoievski et Pouchkine ne m’a pas formé à traduire des textes comme celui que vous allez lire. Non seulement il y a des termes techniques (désignant telle ou telle arme), mais la conversation est ponctuée d’obscénités (ce qu’on appelle en russe le « mat »), qui servent à exprimer un champ lexical très vaste qui va de la destruction totale au bombardement ponctuel.

Bref, quand vous trouverez des […], c’est ça. Mon but, en tant que traducteur, n’est pas de retrouver en français le niveau de langue du type qui parle (je ne connais pas ce niveau de langue en français — ni en russe). C’est juste de montrer ce que c’est, tout banalement, que l’armée russe et les instructions que leur donne le régime de Poutine.

« — Comment ça va, je te dis ?
— Nous aussi, on est dans la province de Kharkov, on nettoie un village, là.
— Y a des « Grad » ?
— Ils sont de l’autre côté du village, ils nous [bombardent] de là-bas.
— Des Grad, des mortiers, des Bouks…
— Ahh…
— Mais nous, aujourd’hui on s’est montrés [comme des chefs]. On a entouré le village de trois côtés, bordel, on les a bien [baisés]. Toutes les maisons [….] on les a démolies, on a tiré sur tout, les maisons, les voitures, tout, toutes les maisons […] (petit rire), avec des tanks et des BTR (véhicules blindés). On a pris deux prisonniers. On leur a pris un AK-47, on leur a pris un fusil, un SVD (un fusil de sniper)
— Hm-hm.
— Un gars, on lui a coupé l’oreille.
— Pourquoi ?
— Il voulait pas parler, on lui a coupé l’oreille (petit rire).
— C’est dur, je dis, ce qui se passe chez vous, mmoui.
— Ça encore, c’est rien, c’est normal, on lui a pas mis une balle dans le front, ou on l’a pas écartelé avec un BTR, donc, ça, c’est encore normal, c’est doux (petit rire). Sinon, on aurait pu le mettre tout simplement, devant une mitrailleuse, 100 cartouches de 7 (mm), et lui tirer dessus, tout simplement, en faire une jolie passoire, bon, maximum, on aurait pu lui couper un doigt, ou deux…
— Aah… Et vos rations, on vous les donne ?
— Que dalle… En quittant la Russie, on nous a donné quelque chose, depuis — rien. On bouffe de loin en loin, pas tous, là, les gars ils sont partis en éclaireurs, ils ont rapporté du saucisson, de la mayonnaise, du lard…
— Vous êtes passés dans un magasin ?
— Mais non, on est passés chez les gens. Quel sens ça aurait [qu’ils résistent], on est armés, et eux…
— Ben oui.
— On a un tank […] Et s’il y a quelqu’un [qui bouge], plus de maison, vis comme tu veux, sur le trottoir.
— Vous avez le droit de faire, oui ?
— C’est ce qu’il faut qu’on fasse… »


Le plus étrange, évidemment, ce sont les quelques répliques de l’autre. Qui est-il ? Son ami commence par lui dire : « Nous aussi », nous sommes dans la province de Kharkov. Donc, lui aussi, il y est ? Mais où est-il alors ? Et que fait-il ? — Je ne sais pas.

Mais lui, visiblement, n’est pas au courant des « règles » de l’occupation.

Toujours est-il que ça ne le dérange pas plus que ça, ce que l’autre lui raconte.

© André Markowicz

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6 Comments

  1. La soldatesque russe c’est de la racaille de bas étage, de la chair à canon. Ils ne sont pas commandés et ne reçoivent aucune formation ni n’entendent parler du droit de la guerre ou des conventions de Genève.
    J’espère qu’un tribunal international sera mis en place pour juger tous ces criminels de guerre et leurs chefs, y compris le premier d’entre eux, Poutine, responsable de cette boucherie.

  2. Il serait intéressant de connaître également les sujets de conversation des soldats ukrainiens. Nul doute que chez eux ça doit voler très haut ! Mais là, on n’en parle pas, évidemment.

  3. Bonjour. Pourriez-vous parler du témoignage d’Adrien Bocquet sur les crimes de guerre (qui auraient été apparemment) commis par des Ukrainiens ?

  4. @Laurent Oui, en effet, il faudrait en parler : d’autant que de telles exactions de la part des militaires ukrainiens ont été plusieurs fois signalées par des ONG indépendantes depuis 2014. La propagande atlantiste passe évidemment sous silence ces faits avérés ou au mieux essaie de les minimiser.

  5. Comment peut-on être patriote ou souverainiste et défendre l’agression, l’invasion et la destruction par Poutine d’un pays souverain ?
    Sans compter bien sûr les milliers de victimes civiles, les villes, écoles, hôpitaux, systématiquement détruites et bombardées, les crimes de guerre et les viols …
    C’est tout à fait incompatible, sauf à avoir la même mentalité que les collabos sous Vichy.

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