Jonathan Haidt : “Les réseaux sociaux ont plongé toute une génération dans la dépression”

Le grand psychologue Jonathan Haidt ne “critique par internet en général, mais un modèle commercial en particulier : celui lancé par Facebook, dans lequel l’utilisateur n’est pas le consommateur mais le produit”.
Rob Kim/ Getty Images via AFP

Selon Jonathan Haidt, les réseaux sociaux sont en train de détruire nos sociétés démocratiques, entre trumpisme et wokisme. Sa thèse a fait grand bruit aux Etats-Unis. Jonathan Haidt ne “critique par internet en général, mais un modèle commercial en particulier : celui lancé par Facebook, dans lequel l’utilisateur n’est pas le consommateur mais le produit”.


Quand un ancien président des États-Unis, l’un des hommes les plus riches de la planète et une chanteuse parmi les plus connues au monde citent et diffusent les propos d’un chercheur en psychologie, il y a de quoi légitimement penser que celui-ci a deux ou trois choses à nous apprendre. Paru il y a une semaine dans le magazine The Atlantic, le long et remarquable texte de Jonathan Haidt, « Why the past ten years of American life have been uniquely stupid » (« Pourquoi les dix dernières années de la vie américaine ont été exceptionnellement stupides ») est devenu viral. Barack Obama, Jeff Bezos et Katy Perry – l’assentiment de cette dernière rendant notre chercheur particulièrement fier – l’ont chaudement recommandé. Un comble, car cet article est une charge contre les réseaux sociaux, qui fragmentent selon lui la société et menacent nos démocraties libérales.

Méconnu en France, Jonathan Haidt est un grand intellectuel aux États-Unis. Professeur de « leadership éthique » à la prestigieuse New York University Stern School of Business, le chercheur a acquis une solide réputation dans le domaine de la psychologie morale via The Righteous Mind et The Coddling of the American Mind, deux best-sellers autant prisés par le grand public que scientifiquement novateurs.  

Reprenant ses recherches sur les fondations morales des choix politiques et la fragilité des jeunes Américains tentés par la culture victimaire, le professeur analyse avec brio les conséquences délétères de l’expansion spectaculaire des réseaux sociaux ces dix dernières années. L’Amérique est, décrit-il, similaire à une Babel fragmentée, et l’avenir proche n’annonce rien de bon. Ce qui ne l’empêche pas, fidèle à la visée réconciliatrice qui l’anime – il est notamment cofondateur de l’Heterodox Academy, qui cherche à accroître le pluralisme, la compréhension mutuelle et le désaccord fécond – de proposer des pistes concrètes pour que nos sociétés démocratiques puissent à nouveau parler le même langage. Depuis la publication de ce brûlot, Jonathan Haidt est très sollicité par les médias américains. Mais ce francophile a accepté de s’exprimer en longueur sur sa thèse auprès de L’Express.


Vous qualifiez ces dix dernières années d’ «exceptionnellement stupides ». Vous n’y allez pas de main morte…

Jonathan Haidt : Je ne qualifie personne de stupide. En fait, dans nos sociétés, les gens sont de plus en plus éduqués et intelligents au niveau individuel. Mais je m’intéresse aux institutions et à la morale collective. Or il s’est passé quelque chose au début des années 2010. Ce sont nos institutions qui sont devenues plus stupides, en particulier celles qui produisent des connaissances. Cela a commencé par les universités, mais on a vu le phénomène se répandre dans le journalisme, en médecine ou dans le monde professionnel. Depuis 2014, j’essaie de comprendre ce qui se passe. Une stupidité structurelle s’est installée. Quelque chose ne va pas dans la façon dont nous traitons les informations.
« Même au sein de la gauche ou de droite, on ne se comprend plus ! »

Vous comparez notre société actuelle à Babel. Pourquoi cet épisode biblique serait-il la meilleure métaphore pour comprendre ce qui nous arrive ?

Beaucoup de personnes retiennent de cette histoire que Dieu, contrarié par l’hubris de l’humanité, détruit la tour. Mais en réalité, Dieu ne provoque pas l’effondrement de la tour. Il s’arrange pour que les humains ne puissent plus se comprendre en introduisant une diversité de langues. Babel est une image parfaite pour décrire la fragmentation actuelle de notre société. Nous savons tous que les réseaux sociaux nous mettent en colère. Des centaines d’articles scientifiques ont été publiés sur la façon dont Twitter ou Facebook mettent à mal la démocratie en répandant mensonge et indignation. Mais la clé, je pense, est que nous ne parvenons même plus à comprendre la personne qui se trouve à côté de nous. Nous sommes désorientés. Nous ne sommes plus aptes à parler la même langue ou à avoir la même vérité qu’autrui. Nous sommes coupés les uns des autres.
En tant que psychologue social, j’ai passé une grande partie de ma carrière à étudier la polarisation entre la gauche et la droite. Ce sont deux pays séparés qui se battent l’un contre l’autre. C’est facile à comprendre. Mais aujourd’hui, ce qui nous arrive dépasse le simple tribalisme. C’est une fragmentation totale. Il y a certes une « Amérique bleue » démocrate et une « Amérique rouge » républicaine. Mais même au sein de la gauche ou de droite, on ne se comprend plus ! La plupart des personnes ne sont certes pas sur Twitter ou ne sont guère politisées. Mais dans notre monde « post-Babel », cette majorité ne compte plus vraiment, sauf le jour des élections. Le reste du temps, les réseaux ont changé si radicalement la dynamique sociale que le monde dans lequel nous vivons ne répond plus aux mêmes lois qu’il y a ne serait-ce qu’une dizaine d’années. Je n’aurais par exemple jamais cru que Donald Trump puisse être élu président des Etats-Unis. Mais comme bien d’autres commentateurs, je me basais alors encore sur les critères du monde d’avant Babel.

L’histoire humaine est, dites-vous, celle d’une coopération croissante à des échelles de plus en plus grandes. Nous sommes passés des tribus aux Etats-nations, et même aux organisations internationales. Serions-nous en train de connaître un retour en arrière ?

Nous sommes clairement en train de reculer. La tendance à la coopération nous vient d’abord de la biologie. Il y a eu une évolution décisive quand les cellules individuelles se sont associées pour former un organisme multicellulaire, avec une relation symbiotique. Puis les eucaryotes ont trouvé le moyen de rester ensemble en tant qu’organisme, comme une colonie. Mais la coopération croissante s’observe aussi dans l’histoire humaine, comme l’a expliqué Robert Wright dans son merveilleux livre Nonzero : The Logic of Human Destiny. Grâce à des innovations techniques comme l’écriture, les routes ou l’imprimerie, notre espèce a pu multiplier les échanges commerciaux et intellectuels. Je suis persuadé que la révolution numérique, à long terme, poursuivra cette tendance. Mais il y a des hauts et des bas dans cette évolution vers plus de coopération. L’imprimerie a permis la diffusion des informations, mais, en Europe, elle a aussi servi à répandre des idées hérétiques qui ont alimenté les guerres de religion. Nous assistons aujourd’hui à un phénomène similaire.
Je ne critique pas internet en général, mais un modèle commercial en particulier : celui lancé par Facebook, dans lequel l’utilisateur n’est pas le consommateur mais le produit. Et ce produit est manipulé pour générer des contenus servant à accrocher d’autres utilisateurs. Tout a basculé en 2009, lorsque Facebook a permis de « liker » (« aimer ») des posts, et que la même année Twitter a introduit quelque chose d’encore plus puissant : le bouton de « retweet », qui permet aux utilisateurs d’endosser un post tout en le partageant avec d’autres. C’est ce modèle qui, je le crois, nous rend collectivement stupides, et représente un revers pour la coopération humaine.

Chaque société n’a-t-elle pas besoin de pluralisme et de diversité d’opinions ?

Je suis un fervent défenseur de la diversité des opinions. Mon philosophe favori est John Stuart Mill, qui a écrit : « Celui qui ne connaît que sa propre position sur une question donnée ne connaît que peu de choses sur ce sujet ». Je suis professeur, j’aime l’université, et ce que je préfère au sein de l’université, ce sont les débats et les discussions. Ces débats étaient vifs et vigoureux jusqu’au milieu des années 2010. Mais aujourd’hui, dans le monde universitaire, la peur domine. Le monde que j’aimais a perdu de son intelligence collective. Depuis 2014, j’essaie de comprendre pourquoi.
La diversité des points de vue est essentielle à une démocratie, mais aussi au progrès scientifique. Mais cela ne fonctionne que s’il y a des institutions qui permettent de canaliser ces différences afin de produire des vérités communes. L’université, le système judiciaire, le journalisme sont basés là-dessus. Mais aujourd’hui, nous n’assistons pas à cela mais à une réelle fragmentation.

Pourquoi êtes-vous si critique envers les réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux ont plongé toute une génération dans la dépression, l’anxiété et la fragilité. Avec la chercheuse Jean Twenge, nous avons documenté la poussée de dépressions ou d’automutilations chez les adolescents américains au début des années 2010. La concomitance avec l’essor des réseaux sociaux suggère que ceux-ci y ont grandement contribué.
Par ailleurs, j’aime la démocratie libérale. J’ai été ravi du triomphe, durant le XXe siècle, de celle-ci sur les régimes autoritaires, le communisme ou le fascisme. Mais les réseaux sociaux représentent aujourd’hui une vraie menace pour cette démocratie. Un article de Philipp Lorenz-Spreen and Lisa Oswald, qui passe en revue la recherche actuelle, conclut que même si la littérature scientifique sur le sujet est complexe, les médias sociaux semblent préjudiciables à ce système politique.

Pourquoi ?

Encore une fois, je critique un modèle commercial particulier. En général, connecter les personnes est bénéfique. Les emails ont permis de communiquer gratuitement de manière massive et mondiale. Internet, les blogs, WhatsApp ou Zoom sont des innovations incroyables qui favorisent les échanges. C’est ce qui nous permet aujourd’hui de nous entretenir vous et moi. Mais une rupture s’est produite quand des plateformes comme Facebook et Twitter ont mis en place une communication qui se passe devant un public, dans le but d’obtenir des « likes » et le plus de partages possibles. Dans ce cas, je ne communique plus avec vous, je communique sur vous dans l’espoir d’impressionner d’autres personnes qui nous regardent. Je ne juge donc pas la révolution numérique dans son ensemble, ni même les applications qui permettent de communiquer, mais exclusivement les réseaux sociaux qui mettent les personnes devant un public. Cela corrompt la qualité des échanges.
Imaginez que dans les années 1980, on ait dit aux gens : « Hey, vous pouvez appeler qui vous voulez au téléphone partout dans le monde de manière totalement gratuite ». C’est formidable ! Mais ensuite, on changerait les règles et on leur dirait : « Continuez à communiquer, mais désormais, cela se passera au centre du Colisée à Rome, devant des spectateurs qui veulent du sang et lèvent leur pouce vers le haut ou le bas. » C’est vraiment ce qui s’est passé avec les réseaux sociaux.

On pourrait aussi penser que les gens se sont tournés vers les réseaux sociaux pour s’exprimer librement parce que les institutions traditionnelles, comme les médias, sont devenues trop uniformes et centralisées…

Ce que vous décrivez, c’est le rêve démocratique. Il est parfaitement réalisable avec les nouvelles technologies. Taïwan par exemple est un leader en termes de démocratie numérique.

Les gouvernements, en général, sont lents, sclérosés et refermés sur eux-mêmes. En théorie, c’est donc une bonne chose de les ouvrir vers l’extérieur et de recueillir davantage de commentaires et de participation de la part des citoyens. Ce n’est pas ce qui s’est passé avec Facebook et Twitter. Comme l’a expliqué Martin Gurri dans The Revolt of the Public, les réseaux sociaux sont propices à briser les institutions. Comme l’écrivait déjà cet ancien analyste de la CIA il y a près de dix ans, les réseaux sociaux servent aux révoltes et aux renversements. Cela peut être bénéfique dans des pays non démocratiques. Mais il faut garder en mémoire que la Révolution française a mal fini parce que vous Français avez tout renversé, jusqu’au calendrier.
La révolution américaine a, elle, été une réussite car nous avions de bonnes institutions héritées des Anglais, que nous avons améliorées. Les réseaux sociaux sont de même très efficaces pour tout renverser mais ils ne construisent rien. Aujourd’hui, on utilise d’ailleurs en anglais le terme de « digital jacobins », ou « jacobins numériques », pour qualifier les activistes utilisant Twitter. Ce n’est pas un hasard…

Selon vous, les principaux symptômes politiques de cette nouvelle ère post-Babel sont le trumpisme à droite et l’essor du wokisme à gauche…

Le trumpisme est un mouvement inédit qui n’a rien à voir avec le conservatisme d’Edmund Burke, ce député et philosophe père du conservatisme anglais, ni même avec le reaganisme des années 1980. Trump lui-même est un cas pathologique : selon mes collègues psychologues cliniciens, il souffre d’une forte pathologie narcissique. Mais au-delà de son cas personnel, le parti républicain n’est plus « conservateur » au sens historique d’un parti de droite responsable prêt à faire des compromis avec un parti démocrate lui aussi responsable. La droite est devenue structurellement stupide : une aile autrefois marginale, aux penchants nationalistes et autoritaires, s’est emparée du parti, et, galvanisée par les réseaux sociaux, s’attaque systématiquement à ceux qui voudraient rester modérés.
La gauche est dans une autre situation : au niveau politique, elle reste dominée par le centre gauche : Joe Biden ou Nancy Pelosi sont des démocrates classiques. Mais elle est noyautée par les « woke » dans les institutions culturelles : les universités, les musées, la Silicon Valley, Hollywood ou certaines administrations. Que ces institutions penchent à gauche n’est pas nouveau ; cela s’explique notamment par des dispositions psychologiques. Les recherches montrent que les gens de gauche ont tendance à être créatifs et ouverts à la nouveauté, d’où leur attrait pour ce genre de métier. Ce biais idéologique n’est pas forcément un problème. Cela en devient un quand les institutions deviennent stupides au sens où elles ne tolèrent plus la dissension interne et persécutent voire « annulent » ceux qui se distinguent de la norme. Or dans ces métiers, l’humiliation publique est vécue dramatiquement : la mise au pilori sur Twitter, qui engage votre réputation, est difficilement acceptable.

Ne donnez-vous pas trop d’importance aux médias sociaux ? Twitter n’est-il pas qu’un microcosme, où une élite culturelle se chamaille ? La polarisation politique était déjà visible dans les années 1980 et 1990. Par exemple, Fox News a été lancée en 1996, en réaction à CNN. Par ailleurs, certains travaux de recherche – comme ceux du cognitiviste Hugo Mercier dans Not Born Yesterday, tendent à relativiser la crédulité des individus, et donc leur propension à croire aux fake news et à les transmettre. Tout cela ne devrait-il pas concourir à relativiser l’impact des réseaux sur la société ?

Non ! Je ne m’intéresse pas tant à la moyenne des individus qu’à la dynamique des réseaux sociaux – et à nouveau, je précise que je ne critique pas tout l’Internet ou les réseaux en général mais ces plateformes de partage d’opinions aux caractéristiques très particulières (« partager », « retweeter ») que sont Facebook et Twitter, qui permettent à certains contenus de devenir viraux. L’opinion du citoyen ordinaire ne compte que le jour des élections ; celle des quelques pourcents de personnes qui s’écharpent sur Twitter compte tous les jours, d’autant qu’elles viennent d’une élite influente, à l’image des journalistes.
Or cette dynamique est clairement négative, depuis une dizaine d’années : la puissance des réseaux et leurs effets se sont accrus. Précisément, l’extrémisme de la droite est un vrai danger, concret, pour notre pays : certains en viennent à espérer la guerre civile, la destruction totale de nos institutions. Celui de la gauche est moins fort, au sens où il laisse moins craindre des poussées de violence, mais il n’en reste pas moins très dommageable. Les réseaux sociaux fournissent à tous leurs utilisateurs des pistolets à fléchettes, et leur permettent de se faire justice eux-mêmes. Une plateforme comme Twitter s’est transformée en Far West, sans que les justiciers soient tenus responsables de leurs actions. On a ainsi assisté à des lynchages qui ont coûté à des personnes leur travail ou ont même poussé certains au suicide.

Et malgré tout cela vous restez sur Twitter !

Oui, comme presque toutes les figures publiques. Ce réseau n’a pas que du mauvais ! Il permet de s’informer, de faire connaître des choses, de s’amuser parfois. Mais pas de dialoguer. Je ne réponds jamais aux interpellations sur Twitter, car ce médium ne permet pas de débattre sereinement.
Selon vous, nous n’en serions qu’au début, avec la capacité croissante de l’IA à imiter les humains, et l’influence russe et chinoise…
Je pense que nous en avons encore pour plusieurs années de « merde », oui. Avant 2019 et les manifestations à Hongkong, la Chine se focalisait plutôt sur ses propres réseaux, comme WeChat. Mais depuis, elle a découvert à quel point Facebook et Twitter peuvent être utiles, pour des coûts très faibles, dans son conflit grandissant avec les Etats-Unis. L’intelligence artificielle va bientôt permettre de transmettre presque sans limites des fausses informations qui paraissent crédibles.
Mais je suis aussi moins pessimiste qu’au moment où j’ai écrit cet article, notamment parce que les réactions auxquelles il a donné lieu ont été presque unanimement positives. D’ordinaire, quand je publie un article sur ces sujets, on me traite de conservateur ou, mieux, de « right-adjacent » – adjacent à la droite. Ce qui m’amuse toujours puisque quand on est au centre, on est forcément adjacent à la droite… En tout cas je n’ai pas été inondé de messages hostiles cette fois-ci, preuve que les choses évoluent.

Quelles solutions voyez-vous à cette stupidité généralisée ?

J’en dessine trois : le renforcement des institutions démocratiques, la préparation de la génération suivante et la réforme des médias sociaux.
Il est dramatique qu’aux Etats-Unis, nos enfants passent tant de temps soit sur les réseaux, soit surveillés par leurs parents qui s’inquiètent de les laisser jouer seuls. Or jouer sans supervision et librement, c’est la façon dont la nature enseigne aux jeunes mammifères les compétences dont ils auront besoin à l’âge adulte. Pour les humains, cela inclut la capacité à coopérer, à établir et à faire respecter des règles, à faire des compromis, à régler les conflits et à accepter la défaite. Sans cela, les individus en viennent à faire appel systématiquement aux autorités pour résoudre les conflits, ce qui fabrique progressivement un monde plus conflictuel.
Concernant les réseaux, il faut revoir leurs infrastructures. Frances Haugen, la lanceuse d’alerte de Facebook, plaide par exemple pour des changements simples plutôt que des efforts massifs et finalement inefficaces pour contrôler l’ensemble des contenus. Par exemple, elle suggère de modifier la fonction « Partager » de Facebook de sorte qu’après qu’un contenu a été partagé deux fois, la troisième personne de la chaîne doit prendre le temps de copier et coller le contenu dans un nouveau post. Les réformes de ce type ne sont pas de la censure ; elles sont neutres en point de vue et en contenu. Elles n’empêchent personne de dire quoi que ce soit ; elles ne font que ralentir la diffusion d’un contenu qui a, en moyenne, moins de chances d’être vrai. Comme Frances Haugen, je ne vois pas l’intérêt d’en appeler uniquement à l’accroissement de la modération par les réseaux. Les modérateurs des réseaux ne reçoivent en général qu’une infime partie des contenus haineux et des incitations à la violence. Puisque c’est l’architecture de ces réseaux qui nous a conduits où nous sommes, c’est elle qu’il faut revoir.

Pensez-vous que la France est elle aussi submergée par cette vague de « stupidité » ?

La France me semble tout d’abord protégée par son anti-américanisme. Puisque l’esprit woke est anglo-américain, et que vous avez tendance à vous opposer à l’Amérique assez systématiquement, cela vous rend assez naturellement hostile au « wokisme », alors que la politique identitaire semble gagner tous les pays anglophones.
Par ailleurs, le système politique américain est favorable à la polarisation. Le pire système politique est celui du parti unique. Le deuxième pire est celui qui n’a que deux partis, comme c’est le cas chez nous.

Propos recueillis par Thomas Mahler et Laetitia Strauch-Bonart

https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/exclusif-jonathan-haidt-ces-dix-dernieres-annees-ont-ete-exceptionnellement-stupides_2172265.html

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