Hubert Bouccara. Georges Perec. “Lieux”

Georges Perec. Lieux. Inédit.
Le Seuil 2022. 600 pages.
Illustrations, photos, documents.

L’objectif de ce projet était de décrire chaque année, pendant 12 ans, 12 lieux, une fois par observation directe, une autre fois de mémoire.

L’ ensemble devait aboutir à 288 textes, selon une grille de construction gouvernée par deux carrés latins fournis par le mathématicien C. P. Ramanujam. Cette ossature permettait de décrire chacun des lieux en des mois différents, et de jamais décrire dans le même mois le même couple de lieux.

La manière d’utiliser ces textes, conservés dans des enveloppes scellées, serait choisie par Perec à la toute fin du projet, en 1981 d’après le planning initial.

Le projet est exposé en détail dans deux lettres de 1969, l’une à Maurice Nadeau, l’autre à Ramanujam, et plus tard dans l’ouvrage “Espèces d’espaces.”

Ce livre, dès que reçu, sera assurément ma prochaine lecture.

© Hubert Bouccara


Spécialiste de Kessel, Hubert Bouccara tient “La Rose de Java“, librairie hors-norme entièrement consacrée à l’œuvre de Gary et Kessel, et décrite par Denis Gombert comme “un lieu atypique, vrai petit coin de paradis parisien pour lecteurs passionnés”.

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Pour rappel

Extrait de « Lettre à Maurice Nadeau » du 7 juillet 1969, dans Je suis né, Seuil, « La Librairie du XXe siècle », 1990.

Ce […] livre est parti d’une idée assez monstrueuse, mais, je pense, assez exaltante.

J’ai choisi, à Paris, douze lieux, des rues, des places, des carrefours, liés à des souvenirs, à des événements ou à des moments importants de mon existence. Chaque mois, je décris deux de ces lieux ; une première fois, sur place (dans un café ou dans la rue même) je décris « ce que je vois » de la manière la plus neutre possible, j’énumère les magasins, quelques détails d’architecture, quelques micro-événements (une voiture de pompiers qui passe, une dame qui attache son chien avant d’entrer dans une charcuterie, un déménagement, des affiches, des gens, etc.) ; une deuxième fois, n’importe où (chez moi, au café, au bureau) je décris le lieu de mémoire, j’évoque les souvenirs qui lui sont liés, les gens que j’y ai connus, etc. Chaque texte […] est, une fois terminé, enfermé dans une enveloppe que je cachette à la cire. Au bout d’un an, j’aurai décrit chacun de mes lieux deux fois, une fois sur le mode du souvenir, une fois sur place en description réelle. Je recommence ainsi pendant douze ans […].

J’ai commencé en janvier 1969 ; j’aurai fini en décembre 1980 ! j’ouvrirai alors les 288 enveloppes cachetées […]. Je n’ai pas une idée très claire du résultat final, mais je pense qu’on y verra tout à la fois le vieillissement des lieux, le vieillissement de mon écriture, le vieillissement de mes souvenirs : le temps retrouvé se confond avec

le temps perdu ; le temps s’accroche à ce projet, en constitue la structure et la contrainte ; le livre n’est plus restitution d’un temps passé, mais mesure du temps qui s’écoule ; le temps de l’écriture, qui était jusqu’à présent un temps pour rien, un temps mort, que l’on feignait d’ignorer ou que l’on ne restituait qu’arbitrairement (L’Emploi du temps), qui restait toujours à côté du livre (même chez Proust), deviendra ici l’axe essentiel.

Je n’ai pas encore de titre pour ce projet ; ce pourrait être Loci Soli (ou Soli Loci) ou, plus simplement, Lieux.

Georges Perec

Extrait de « Lettre à Maurice Nadeau » du 7 juillet 1969, dans Je suis né, Seuil, « La Librairie du XXe siècle », 1990.

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