La Chronique de Maxime Tandonnet. Réflexion sur le macronisme comme phénomène politique et sociologique

Jean Petaux pour Atlantico: Aujourd’hui, malgré une baisse dans les sondages, le candidat Macron reste le favori de l’élection présidentielle. Et si son élection ne fait pas l’ombre d’un doute pour les électeurs, son profil reste pourtant parfois nébuleux car il est aujourd’hui le candidat de la droite avec des idées issues de la social-démocratie. Comment cela se matérialise dans la perception du candidat par les électeurs ainsi que sur le profil électoral de ses soutiens si l’on en croit les sondages ? 

Le macronisme est un impressionnant pot-pourri idéologique où toutes les familles politiques peuvent se retrouver. Il est de droite libérale en raison de son rapport décomplexé à l’argent : suppression de l’ISF, recours massif à des cabinets de conseil et démantèlement des grands corps de l’Etat. Mais il est aussi socialiste sur d’autres aspects : hausse des migrations, thème du « sentiment d’insécurité », libéralisme sociétal avec la PMA sans père remboursée, politique de nivellement par le bas en matière éducative (suppression des séries, neutralisation du bac).  Il donne des gages aux centristes sur le thème de « la souveraineté européenne ». Il s’adresse à la gauche radicale en prônant la repentance sur la colonisation (qualifiée de « crime contre l’humanité ») ou en voulant « déconstruire » l’histoire de France. Mais il s’adresse aussi à la droite dite « réactionnaire » par l’effacement du Parlement ou la négation des libertés individuelles lors de la crise sanitaire.

Si l’on analyse idéologiquement les grands partis de gauche européens et qu’on les compare avec le positionnement d’Emmanuel Macron, peut-on dire qu’il s’inscrit dans cette veine ? Où se situent les idées de gauche chez le candidat Macron ?

Une certaine tradition de gauche dépensière et indifférente aux équilibres financiers (qui remonte au Cartel de 1924…) se retrouve dans la gabegie de dépenses publiques (560 milliards de dépenses supplémentaires en deux ans selon la Cour des Comptes dont 100 milliards liés à la crise sanitaire), l’explosion de la dette publique que devront rembourser les prochaines générations (116% du PIB) et un déficit public de près de 10% du PIB. La tonalité dominante de la campagne est plutôt donnée à la facette droite libérale (retraite à 65 ans, RSA conditionné à un travail) pour des raisons tactiques : étouffer la candidate de droite. Mais au-delà, cette campagne n’a pas vraiment de sens ou de direction spécifique. Celle de 2017 se présentait à l’aune du renouvellement ou de la « transformation ». Aucun slogan ne s’en dégage en 2022. Elle reste avant tout, sur le fond, une campagne connotée socialiste dépensier avec l’annonce d’un chiffrage à 50 milliards € annuels sans véritable esquisse de financement. Mais l’argent facile est la marque de fabrique du macronisme. Il faudra un jour rembourser les centaines de milliards de la réélection. Tel est le cadet de leurs soucis. 

Dans quelle mesure s’est-il inscrit dans le sillon tracé par François Bayrou jusqu’alors ? A-t-il profité d’une évolution sociologique de la gauche avec l’arrivée des cadres et cadres supérieurs ?

Le macronisme est certes un phénomène principalement urbain qui s’adresse aux catégories socio-professionnelles aisées. En cela, il s’inspire autant de la « gauche dite moderne », le rocardisme et du centrisme incarné par François Bayrou. Il combine l’argent décomplexé et une forme de modernité sociétale. Il séduit aussi les classes privilégiées et une partie des retraités par une certaine image autoritaire qui s’est exprimée lors de l’épisode des Gilets jaunes et de la crise sanitaire. « J’ai envie d’emmerder les non vaccinés » : le message est finalement bien passé dans cette population.  Sa faiblesse est en revanche de ne pas trouver d’appui dans les milieux populaires ou la France périphérique.

L’aliénation de la droite française a-t-elle permis à Macron d’occuper cet espace si particulier en venant de la gauche ?

Le relatif succès du macronisme tient au discrédit général de la classe politique et à la dépolitisation de la société française. La gauche, au sens du parti socialiste, a quasiment disparu du paysage politique. Pourquoi ? Son électorat se retrouve largement chez Emmanuel Macron et ce qu’il en reste chez Jadot ou Mélenchon. Mais la droite ne se porte guère mieux. Elle a toutes les peines à se différencier du macronisme. Elle n’a pas osé le critiquer sur la question du respect des libertés lors de la crise sanitaire, dans un contexte de grande peur favorable à la servitude volontaire. Face à une opinion anesthésiée et dépolitisée, le discours de la droite dénonçant la gabegie dépensière ne trouve guère d’écho. Le message de sa candidate Valérie Pécresse est brouillé par une impressionnante succession de trahisons qui donne une image détestable de la politique. Son électorat est écartelé entre la tentation du vote légitimiste en faveur de la réélection de l’actuel président et celle de la fuite vers les votes le Pen ou Zemmour. Le macronisme se nourrit évidemment de ce nouveau désastre annoncé… Il prospère sur les ruines de la politique, des partis politiques et plus généralement sur les ruines de l’esprit critique dans un climat étrange de béatitude médiatique (à l’exception d’une poignée de journalistes de la presse écrite).  

Quelle part de la réussite de la stratégie d’Emmanuel Macron est liée à son style personnel ?

Le macronisme est avant tout un culte de la personnalité. Le chef de l’Etat porte à la perfection la politique spectacle, se livrant, surtout depuis plus de deux ans à un exercice de communication, en tant que chef de guerre face au covid 19 puis dans le conflit ukrainien. A travers lui, la société française se donne l’illusion du chef providentiel. Cette auto sublimation a pour effet de couvrir les échecs et les souffrances d’une nation, la désindustrialisation et le déficit extérieur record, la violence quotidienne banalisée, la perte de la maîtrise des frontières, l’effondrement du niveau scolaire (PISA), la pauvreté (10 millions de personnes). La réalité quotidienne a tendance à s’estomper dans un climat de mystification. Ainsi le chômage a disparu grâce à la manipulation de statistiques contradictoires (2 millions selon l’INSEE, mais 3,4 à 6 millions selon pole emploi).  Dans le macronisme se retrouvent le transfuge libéral Woerth, l’anti maastrichien étatiste Chevènement, le libertaire écologiste Cohn Bendit, l’européiste chrétien-démocrate Bayrou, la socialiste (aile gauche) Marysol Touraine… Mais qui relève la contradiction ? Qui cela préoccupe-t-il ? La courtisanerie est devenue la forme la plus achevée du nihilisme.

Billet pour Atlantico avec M. Jean Petaux

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