La Chronique de Michèle Chabelski. Senior?

Bon

  Vendredi

  Chabbat

  Chabes

   On parle beaucoup de progrès sanitaire mais qui évoque cette irrémédiable injustice qu’est la sclérose cérébrale, incurable affaiblissement de l’outil essentiel à notre vie: la tripaille de la tête.

   Quand les muscles et les articulations commencent à s’essouffler, à renâcler devant l’effort ou même à refuser de faire un boulot qui paraissait éminemment naturel , comme marcher, courir, la médecine, futée, a inventé des solutions thérapeutiques ou chirurgicales.

    Qui vont des anti inflammatoires à la canne , ou au remplacement immédiat du morceau défectueux par une pièce synthétique en passant parfois par la chaise roulante …

   Mais coexistent moult traitements…

   Tandis que quand les entrailles de la tête sont sévèrement élimées et commencent à dysfonctionner, ou même à carrément dérailler , on fait quoi?

  On met une prothèse ?

    Un cerveau en polystyrène amalgamé ?

   Une boîte de neurones neufs cueillis au petit jour sur le balcon d’un scientifique tibétain qui a découvert le secret d’une culture de neurones bios, une dure- mère synthétique constituée d’huile de moteur recyclée?

  Ou prélevée dans un crâne de porc qui est dit on compatible avec un organe humain ?

Sans parler des maladies neuro dégénératives encore incurables dans l’état actuel de la science, que dire des troubles de la mémoire qui signent l’arrivée sans fanfare dans l’univers pudiquement appelé monde des seniors?

    D’abord, ça joue à cache-cache.

Les mots galopent pour éviter de se faire cravater. Ha ha! Très drôle ! Tu freines brusquement des quatre fers au milieu d’une phrase, fouillant désespérément ton coffre perso pour essayer de retrouver ce foutu mot que tu dis avoir sur la pointe de la langue, mais qui s’est tapi dieu sait où sans que tu puisses remettre la main dessus. Ton interlocuteur essaie parfois de t’aider, ses offres de service tombent souvent à plat.

  J’ai lu un…

  Un blanc…

  L’interlocuteur : un livre?

  Nan.

 L’interlocuteur : un magazine ?

  Nan.

 L’interlocuteur , un rien agacé: un article ?

  Nan.

En fait j’ai vu à la télé un …

  Un reportage ?

Nan…

Une interview ?

   Nan

L’interlocuteur , un peu lassé est reparti…

Et que dire quand il s’agit d’un nom propre qui s’est fait la malle et que tu retrouveras tranquillement installé comme un chat devant un feu de bois quelques heures plus tard quand tout le monde sera parti?

   T’as pas vu le film de…

    Ah comment s’appelle-t-il déjà?

  Spielberg ?

   Non

  Lelouch?

    Non

 François Ozon?

Tavernier?

 C’est quoi, le titre?

  Je sais plus. J’ai oublié…

Je sais juste que je l’ai vu le jour de la mort de Belmondo…

Et comment justifier la nécessité d’une appli ou d’une photo propres à t’éviter cette harassante réflexion sur l’emplacement où tu as pu déposer ta voiture quelques heures plus tôt?

   Je passe sur la tête de ton fils ou de ta fille exaspérés dont le regard te fusille à la troisième fois où tu poses la question à laquelle il a déjà répondu les deux fois précédentes.

Tu agaces.

   Et t’as intérêt à avoir des jambes solides, vu le nombre de fois où tu te diriges avec assurance vers un lieu où tu comptes trouver…

  Trouver quoi, déjà?

    Tu sais plus.

    Alors tu refais l’itinéraire en sens inverse, pensant ingénument que t’as perdu l’objet de ta recherche en route, et puis tu repars…

  L’asthénie de la mémoire développe une solide musculature. C’est toujours ça.

Est-il nécessaire de parler de cette ombre grise qui voile tes yeux et de cette insupportable habitude qu’ont pris les gens de parler tout doucement ?

  Hein?

Kesse t’as dit? Tu peux répéter stepl?

  J’entends rien à cause du masque…

Bien sûr, le masque…

Déficit d’attention, excès d’automatismes, bla bla, diagnostique le docte expert qui n’en peut mais.

      Et je prends quoi, docteur?

Ha ha!

  Un élixir de jeunesse, dit son air soucieux…

  Vous devez avoir ça dans votre armoire à pharmacie?

  Mais c’est le mythe de… de….

    Mince… Le mythe de qui, déjà??

        Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre une usure de la hanche et une rouille neuronale…

    Les deux signent l’au revoir à l’espace juvénile qui tutoie l’éternité…

  On admire alors bouche bée l’incandescence mentale de certains seniors,  Robert Badinter, Serge Klarsfeld, Balladur, Pierre Nora, et bien d’autres qui font triompher la curiosité et l’ouverture d’un esprit en perpétuelle activité…

Octogénaires et nonagénaires qu’émerveille ou révolte la marche du monde, ils traversent les années l’esprit en bandoulière, photographiant à l’envi cet univers qui ne repaît jamais leur appétit de connaissance et de réflexion …

  Le monde est trop compliqué pour être abandonné aux seuls jeunes, notre soif de savoir lestée d’une expérience souvent chèrement acquise ne s’étanche que si on renonce volontairement…

 Je ne parle pas des problèmes de santé bien évidemment…

  Alors vive le monde attentif qui sait écouter à la fois ses sages et ses jeunes…

    Que cette journée vous offre cette jeunesse éternelle qui huile les rouages et se résigne aux prothèses . Le cœur n’en a nul besoin, lui. L’amour et le rire n’ont pas d’âge…

   Chabbat Chalom

   Git chabes

   Je vous embrasse

© Michèle Chabelski

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est 243530041_10225899433533020_210735288096499524_n-2-1-2.jpg.

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

1 Comment

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*