Marc Rameaux. La conjuration des imbéciles

La crise maintenant très grave se déroulant en Ukraine n’est pas seulement le révélateur de tensions géopolitiques qui couvent depuis des décennies. Elle est aussi la consécration d’une imbécilité maintenant triomphante qui rend impossible aussi bien la confrontation des idées que l’analyse sérieuse. Je veux parler de la « disneylandisation » des conflits, qu’ils soient politiques, géopolitiques ou économiques, consistant à identifier un camp du bien et un camp du mal préalablement à toute discussion, puis à asséner de pseudo-arguments manichéens en guise de confrontation d’idées.

L’imbécilité a pris deux formes dans la crise ukrainienne, en apparence diamétralement opposées et ennemies mortelles, en réalité se ressemblant fortement dans l’argumentation et dans les méthodes, simplement avec des couleurs et des drapeaux inversés. Comme au jeu d’échecs, ces deux camps affichent des couleurs opposées, mais leurs pions, leurs pièces et leurs règles de déplacement sont exactement les mêmes.

Portrait des deux imbéciles

Le premier imbécile se veut défenseur du monde libre, voit dans l’OTAN, les USA et l’UE la source de la vérité et du bien. Il présente le camp occidental comme une sorte de chevalier blanc défenseur de la liberté et de la démocratie, environné d’ennemis fourbes et cruels, qu’il faut régulièrement rappeler à l’ordre, éventuellement rééduquer voire envahir au mépris de toutes les règles du droit international. Afin de se donner bonne conscience et ne pas paraître trop caricatural, il s’environnera de partenaires provenant de pays non occidentaux, à condition que ceux-ci lui fassent allégeance et se rangent avec obéissance à tous ses avis. Il porte des jugements moraux avant tout commencement d’analyse des causes antécédentes. La posture est son attitude principale, écharpe au vent, chemise ouverte ou cheveux en bataille, afin d’ajouter un zeste de romantisme prouvant au monde entier qu’il est un chevalier de la liberté.

Le second imbécile voit dans l’OTAN, les USA et l’UE le mal absolu, responsable de tous les maux et toutes les manipulations dans ce monde. On « ne la lui fait pas » : il remettra en question de façon systématique toute information officielle, ce qui est aussi stupide que de l’approuver sans discussion et sans regard critique. Il se voit aussi en chevalier de la liberté et du bien, sous une forme non moins romantique que celle du premier imbécile : il accaparera l’image de la résistance et de la lutte des petits contre les gros, des opprimés et damnés de la terre contre les exploiteurs. Il regorge de canaux d’informations secrètes validées dans un petit cénacle dont il ne sort jamais et qu’il croit dur comme fer, à partir du moment où l’argumentation ne le surprend jamais c’est-à-dire valide la conclusion dont il a déjà décidé au départ. Au bout de quelques minutes de « discussion » avec lui, le « complot juif mondial » ne tarde pas à apparaître comme le suprême maître et tireur de ficelles de l’ensemble des forces du mal, avec une régularité et une prévisibilité aussi implacable que le premier imbécile portera la faute sur les « populistes », « souverainistes » et autres agents de ses propres forces du mal. Nous le verrons, la parole des deux imbéciles est entièrement prévisible précisément parce qu’elle n’est pas une parole, c’est-à-dire la traduction d’une pensée, mais un réflexe pavlovien.

Les trois facteurs de la complexité du réel et leur application à la crise ukrainienne

Dans la dialectique des deux imbéciles, le réel est simple, le monde divisé en bons et en méchants, les conflits destinés à démasquer la désinformation de l’autre camp. Les deux imbéciles se sont drapés dans leurs discours dès le déclenchement de la crise ukrainienne, comme attirés comme des mouches par cette nième opportunité de cultiver leur narcissisme.

La complexité de n’importe quelle situation historique nécessite pourtant de prendre en compte trois facteurs, que les discours bêtifiants de nos deux imbéciles ignorent toujours : 1. Les effets d’auto-renforcement (prophéties auto-réalisatrices) 2. La multi-modalité du réel 3. La tension contradictoire des notions importantes. La crise ukrainienne nous donne des exemples très concrets de l’application de ces trois facteurs.

  1. Les effets d’auto-renforcement (prophéties auto-réalisatrices)

A force de considérer que Vladimir Poutine était le diable, et à force de la diaboliser, il est devenu le diable. Les deux imbéciles ne connaissent pas les dynamiques temporelles, bien qu’ils se prétendent férus d’histoire. Mais comme tous les révisionnistes, ils nous abreuvent de détails historiques en sélectionnant soigneusement ceux qui vont dans le sens d’une conclusion qu’ils ont déjà décidée d’avance. Il y a un Vladimir Poutine de la fin des années 1990 et des années 2000 jusqu’à 2008. Un Vladimir Poutine de 2008 à 2012. Un Vladimir Poutine de 2012 jusqu’à 2018. Et sans doute un Vladimir Poutine des 4 dernières années. Penser que cet homme n’a pas vécu de grandes évolutions dans sa vision du monde, de la Russie et de l’occident pendant ces périodes, c’est revenir dans le territoire des benêts.

Au-delà de Poutine lui-même, les relations de la Russie, des USA et de l’Otan depuis la chute de l’union soviétique et les deux mandats de Boris Eltsine ont été autrement plus complexes que les litanies des deux orientés ne veulent le faire croire. Le camp russe comme le camp américain ont été beaucoup plus partagés qu’on ne le pense sur la conduite à tenir, parfois très divisés intérieurement, et tâtonnant sur la nouvelle donne géopolitique.

Curieusement, aucun des deux imbéciles ne cite l’acte Otan – Russie du 27 mai 1997 signé par Boris Eltsine, ni son approfondissement signé par Vladimir Poutine le 28 mai 2002. Ces faits historiques cadrent mal avec leur vision manichéenne du monde. Elle réfute à la fois l’idée d’une Russie éternellement barbare et état voyou que celle d’un camp occidental éternellement arrogant. Après la dissolution de l’Union Soviétique et du pacte de Varsovie, le camp atlantique n’a cessé d’osciller entre les trois choix de continuer une défiance et une mise à l’écart constante de la Russie, un partenariat stratégique de deux blocs distincts mais coopérant pour la défense du monde civilisé, ou une intégration complète dans un commandement militaire qui aurait dû être rebaptisé pour aller de l’Atlantique à Vladivostok. Côté Russe, les mains tendues pour constituer une force internationale gardienne contre les véritables états voyous n’ont pas manqué, y compris à plusieurs reprises de la part de Vladimir Poutine. Ni l’Otan ni les Russes n’ont été à cette époque, diaboliques de façon univoque. Il a pu y avoir des manipulateurs dans les deux camps, ayant déjà décidé de trahir au moment de la signature. Mais également de bonnes volontés dans les deux camps, prêtes à construire une autre scène internationale.

Un élément de la psychologie collective russe est toujours à prendre en compte pour comprendre ce qui s’est joué entre la fin des années 1990 et maintenant. D’autant que cet élément de psychologie collective date de plusieurs siècles. La Russie a toujours été tiraillée entre deux tendances dans son rapport à l’occident : un double complexe, d’infériorité et de supériorité. Sur le complexe d’infériorité, la Russie se voit souvent comme le rustre vis-à-vis du civilisé. La France on le sait, a longtemps bénéficié d’un grand prestige dans ce rapport d’admiration : les enfants du Tsar et des aristocrates se devaient de parler le français, langue du raffinement et de la culture. Pierre le Grand alla jusqu’à modifier les mœurs de ses sujets, le port de la barbe, la tenue vestimentaire et la tenue à table. Jusqu’à encore maintenant, les Russes ont toujours la crainte de paraître comme des soudards invités à un dîner sélectif. Ce complexe comporte une face inverse de la médaille : le raffinement peut dégénérer en déliquescence puis en décadence. Les Russes peuvent alors se voir comme investis d’une force vitale et naturelle, supérieure à celle des occidentaux, perçus comme trop choyés et manquant de courage. La rudesse est ainsi perçue tantôt comme un signe de déclassement, tantôt comme un signe de supériorité sur le confort bourgeois.

Le camp occidental aurait dû depuis longtemps jouer sur ce ressort psychologique. Les Russes partiront tout autant en fureur s’ils se sentent méprisés qu’ils feront preuve d’une adhésion sans faille si on les invite à notre table. Il y a toujours chez les Russes un point ultra-sensible, dans la colère comme dans la reconnaissance, d’être reconnu comme faisant partie ou non du monde civilisé.

Tout comportement sur ce point à leur égard sera auto-réalisateur. Considérez-les comme des rustres et ils réagiront brutalement. Faites leur confiance sur leur capacité à adopter des mœurs civilisées, et ils iront parfois plus loin que vous dans ce domaine. Sur le plan du caractère humain, la Russie est pour cette raison la terre de contrastes par excellence : elle rassemble en son sein les seigneurs de guerre les plus brutaux, y compris maintenant tant les oligarques russes et la mafia russe sont les descendants des boyards féodaux, comme les écrivains, les artistes et les scientifiques les plus inspirés.

Les meilleurs commentateurs de la crise ukrainienne ont rappelé qu’à plusieurs reprises, Henry Kissinger a regretté le manque d’ambition du camp occidental pour faire participer les Russes à la sécurité internationale, après la chute du mur. Cette simple reconnaissance eût suffi à modifier la perception qu’ils avaient de l’occident. Il est maintenant trop tard pour le faire, tant la défiance s’est établie de part et d’autre.

Le camp occidental perçoit maintenant le gouvernement de Poutine comme une bande de voyous mafieux capables des pires coups de force et des mensonges les plus scandaleux. Poutine et son gouvernement perçoivent maintenant le camp occidental comme n’ayant aucune parole, reprochant aux autres ce qu’eux-mêmes font en dix fois pires, pervers et décadents dans toutes leurs relations humaines.

Le problème est que ces deux perceptions ont maintenant quelque chose de vrai. Elles n’avaient rien d’inéluctable dans les années 1990. Mais la mise en contact de l’orgueil russe avec l’arrogance occidentale a créé un cercle vicieux auto-réalisateur, une escalade des griefs, des rancœurs et des accusations portées sur l’autre camp, renforçant à chaque fois leur perception.

Dans ce tourbillon des haines, le premier imbécile ne mettra en lumière que la moitié préjudiciable aux Russes en rappelant leurs coups de force ayant précédé l’Ukraine, leurs assassinats politiques d’opposants ou de journalistes, leurs actions de déstabilisation et de piratage numérique des démocraties occidentales.

Le second imbécile, lui, brandira sans cesse les hypocrisies de l’occident, les paroles non tenues, les entorses totales au droit international ou les victimes du gouvernement ukrainien dans la région du Donbass. Ces deux facettes sont toutes deux véridiques, mais chacun ne présente que la moitié qui l’arrange. Savoir si dans l’empoignade des deux camps, c’est l’orgueil panslave ou l’arrogance occidentale qui est le principal responsable est un exercice totalement stérile : ils se sont entraînés mutuellement dans la chute, entrelacés aussi étroitement que deux branches de lierre ayant construit leur croissance ensemble, la croissance des haines et des défiances enchevêtrées. Il existe des effets de dynamique temporelle en politique et en géo-politique et qui plus est ces effets sont auto-réalisateurs. Une complexité qui dépasse largement la rhétorique des deux imbéciles, figés dans leur monde manichéen qui ne connaît que les accusations ad vitam aeternam contre le camp du mal.

2. La multi-modalité du réel

Toute réalité se décrit généralement selon de nombreux axes indépendants, comme les dimensions d’un espace à trois, quatre ou n dimensions. Ces axes décrivent des réalités indépendantes les unes des autres, qu’il faut être capable de penser comme différentes facettes de la réalité, sans les confondre. Une caractéristique de la pensée des deux imbéciles est de ne savoir raisonner que sur une seule ligne, une seule dimension, amalgamant et mélangeant tout et n’importe quoi. Car une seule chose importe pour eux : savoir si l’on se trouve plus ou moins à droite ou à gauche de la ligne, dans la direction du bien ou dans la direction du mal. Vision appauvrissante et débilitante de la vie.

La multi-modalité du réel se comprend bien dans l’exemple pratique de la personnalité d’un individu. Ainsi, l’on peut penser que Vladimir Poutine est un dictateur autoritaire et à l’occasion extrêmement brutal, mais également qu’il a démontré à certaines occasions des qualités de chef d’état que l’on aimerait voir plus souvent chez nos dirigeants affadis, notamment dans la défense de son peuple et de l’identité de son pays. Ce sont deux dimensions indépendantes d’une personne, deux facettes de ce qu’il est. Il n’y a lieu ni de les confondre ni de voir une corrélation entre elles.

Un exemple humain permet de comprendre encore mieux la multi-modalité du réel, ainsi que de la compréhension de différents aspects de la mentalité russe : Alexandre Soljenitsyne. Soljenitsyne est ce résistant au totalitarisme soviétique, qui a livré avec tout son courage ce témoignage sur l’univers concentrationnaire de l’URSS. C’est une première dimension du personnage. C’est aussi un observateur acerbe du monde moderne occidental et de sa déliquescence. Lors du célèbre discours de Harvard en 1978, Soljenitsyne s’est livré contre toute attente non à un réquisitoire contre le système soviétique, mais contre le post-modernisme occidental. Depuis, la perte d’âme, le mercantilisme et la vacuité de nos démocraties modernes sont dénoncées sans cesse par l’auteur de l’Archipel du goulag. C’est une seconde dimension du personnage. Enfin, Soljenitsyne appuie sa critique aussi bien du système soviétique que de la déliquescence occidentale sur un appel à la tradition russe, à l’âme de son peuple. Cet appel comporte le meilleur comme le pire, aussi bien un retour de la dimension spirituelle de l’homme que des tentations panslaves ou des traces d’antisémitisme. Les appels à l’authenticité de la tradition russe ont été le fait aussi bien d’un ultra-nationalisme agressif que d’une spiritualité profonde et émouvante, ayant inspiré leurs artistes comme leurs scientifiques. Il y a chez Soljenitsyne, un mélange de ce pire et de ce meilleur, synthétisé par un de ces personnages de prophètes sombres dont la Russie a le secret. Et c’est là une troisième dimension du personnage.

Il n’y a pas lieu de relier les trois dimensions de Soljenitsyne. On peut admirer le courage du résistant au système concentrationnaire, apprécier son œil acéré sur le ridicule et la vacuité de nos sociétés modernes, exécrer et se méfier grandement de ses tentations violentes et sombres du mystique russe, en faisant la part des choses entre la beauté de la spiritualité orthodoxe et les dangers extrêmes qu’elle recèle lorsqu’elle s’allie avec un nationalisme agressif et un pan-slavisme.

Soljenitsyne est-il un héros, un grand écrivain, un monstre ou un fanatique ? Le problème est qu’il est tout cela à la fois dans les multiples aspects du personnage. En un mot, il est un être humain, c’est-à-dire quelqu’un qui renferme toujours en lui un monstre potentiel ainsi que de grandes qualités potentielles. Il en est de même de Poutine ou des dirigeants de l’Otan. S’il est maintenant incontestable que Poutine est devenu un monstre – ce n’est plus une potentialité mais une actualité – il faut être conscient que c’est aussi le cas pour la plupart des dirigeants de l’Otan. Les belligérants sont tous devenus des carricatures d’eux-mêmes, Poutine par sa brutalité, les dirigeants occidentaux par leur cynisme. Pour les deux imbéciles, leur ennemi l’a toujours été depuis le début. Leur vision du monde n’est qu’à un seul sens, une seule dimension.

Il est donc parfaitement hypocrite de reprocher à certains dirigeants souverainistes d’avoir apprécié Poutine par le passé : cela ne signifie nullement qu’ils l’adulaient, simplement qu’ils prenaient en compte toutes les dimensions du personnage. Que ces dimensions se soient maintenant rétrécies à une seule, et la plus mauvaise, est incompréhensible pour le premier imbécile. Que nos démocraties libérales soient devenues des carricatures de démocraties véritables, ne devant cependant pas nous faire abandonner ce qu’elles ont été, est incompréhensible pour le deuxième imbécile.

Dernier exemple de multimodalité du réel : il est tout à fait possible de tenir compte de l’enchevêtrement des causes et des responsabilités décrit précédemment et conduire une ligne extrêmement dure de rétorsion à l’égard de Poutine, ici et maintenant. Parce que ce sont deux choses totalement indépendantes, deux dimensions du réel, correspondant à des phases temporelles n’ayant rien à voir. C’est la position que je prends depuis le début de cette crise, et elle provoque comme prévu les hauts cris aussi bien du premier que du deuxième imbécile.

3. La tension contradictoire des notions importantes

Tout ce qui a de la valeur, tout ce qui est riche et complexe, tout ce qui nécessite un engagement du fond de notre âme, est forgé dans la tension contradictoire entre deux idées. Les notions puissantes et authentiques ne sont jamais univoques. Elles ne sont pas non plus une tiède mélasse de compromis entre deux idées, comme le fait Macron. Elles sont la résultante d’une extrême tension entre deux choses contradictoires et complémentaires, comme l’éclair jaillit de pôles chargés électriquement à bloc de part et d’autre, avec des polarités opposées.

Ceci se vérifie une fois encore dans la crise ukrainienne.

Le patriotisme, tellement décrié en temps normal par le premier imbécile, surtout s’il est français, devient une vertu lorsqu’il est ukrainien. Le patriotisme est revendiqué par le deuxième imbécile, mais il en fait un esprit de clocher, considérant que nous n’avons rien à voir avec cette guerre, espérant en secret que ce soit son prédateur préféré qui l’emporte, c’est-à-dire jouant contre sa propre patrie. L’une des caractéristiques des deux imbéciles est de ne jamais assumer leurs contradictions, montrant que leurs prétendues convictions de fer ne sont que des réflexes pavloviens, car ils en changeront selon les circonstances.

Ce qui rend le patriotisme impossible à appréhender pour ces esprits étroits est qu’il n’est ni l’opposé de l’universalisme, ni une forme particulière de l’esprit de clan. Le patriotisme est né de la tension contradictoire – extrême – entre l’universalisme et le sentiment identitaire. Le patriotisme est la façon concrète dont des valeurs universelles communes à tous les hommes deviennent une réalité historique concrète, inscrite dans une généalogie particulière, portée par le génie national propre à un peuple. Le patriotisme, c’est l’universalisme réalisé de la façon unique et propre au génie national d’un peuple, afin qu’il l’inscrive dans l’histoire. Il n’est alors plus une abstraction, il se paie du sang, de la sueur et des larmes de toute une nation.

Le premier imbécile abhorre généralement le patriotisme (ou plus exactement lorsque cela l’arrange) et le range comme un particularisme ou un communautarisme parmi d’autres. Historiquement, les nations se sont pourtant toutes construites en opposition à leurs particularismes locaux, à leurs esprits de clocher.

Le second imbécile fait du patriotisme un égoïsme, il le rabaisse à l’échelle d’un vulgaire esprit de clan.

Toute la beauté et la puissance de la tension contradictoire du patriotisme réside dans l’oraison funèbre prononcée par Périclès et rapportée par Thucydide, en l’honneur des morts de la première année de guerre du Péloponnèse. Périclès y prononce des paroles d’un universalisme tout Athénien et défend corps et âme l’attachement à sa Cité. L’esprit athénien, celui de Périclès et de Socrate consiste à défendre l’universalité de certaines valeurs et de les porter à travers leur patriotisme, de toute leur âme.

Sans cette tension maintenue en permanence, cette belle notion dégénère en une carricature de l’un ou l’autre pôle. Un universalisme abstrait et fade pour le premier imbécile, qui appelle en temps normal aux valeurs de la République jusqu’à l’écœurement, sans se rendre compte que la république n’est qu’une abstraction vide si elle n’est habitée par la nation. Et un esprit de clocher étroit et mesquin pour le second imbécile, non dénué d’arrière-pensée et de soumission à une puissance autre que sa nation, pour chasser les maîtres obscurs qu’il s’est construit dans ses fantasmes : les collabos de tous temps n’ont jamais agi autrement.

Le premier imbécile découvrira les vertus du patriotisme quand elles l’arrangent, et le second imbécile ira jusqu’à jouer contre son pays en accumulant démission après démission, déculottée après déculottée. L’un comme l’autre n’aura aucune conscience qu’il a fait le choix de la soumission à l’un des deux prédateurs de la crise, et le justifiera par un patriotisme de pacotille : ceci est patent dans la crise ukrainienne. Qu’ils viennent donc ramper devant leurs maîtres, américain pour le premier, russe pour le second, puisqu’ils semblent aimer cela. Mais qu’ils ne viennent pas salir l’authentique patrie. La tension extrême qu’il faut maintenir entre humanisme et identité ne sied pas aux deux imbéciles. Ils préfèrent rompre les deux termes dès le départ pour décréter que l’un est le bien et l’autre le mal, parce qu’ils n’ont pas la force de soutenir un engagement authentique.

Les traits de grande ressemblance des deux imbéciles

Avec simplement des couleurs de camps inversées, les deux imbéciles ont plus d’un point commun. Ceci n’a rien d’étonnant, le structuralisme a toujours une grande part de vérité. Contenu opposé mais structures identiques, dans leur mode d’argumentation, leurs mécanismes de « pensée » :

Il faut un Grand Satan à l’un ou l’autre imbécile. Ce sera les Russes pour le premier et les USA ou l’Otan pour le deuxième. Qu’importe que l’un ou l’autre camp renferme des opinions contradictoires, des réalités humaines complexes et qu’historiquement ils n’aient pas correspondu à leurs canons manichéens.

La fermeture aux autres. Si elle est patente chez le deuxième imbécile qui cultive l’esprit de clocher, elle est toute aussi forte chez le premier imbécile, mais habillée de façon plus insidieuse. Le premier imbécile se présente souvent comme l’héritier des « sociétés ouvertes » mais agit exactement à l’inverse de ce que le père fondateur de cette notion, Karl Popper, entendait par là. Il pense en effet détenir la vérité et être porté par le sens de l’histoire allant irrémédiablement dans la direction qu’il indique. Lorsqu’il connaît vraiment Popper, ce qui est rare, il s’assied tranquillement sur le fait que cette attitude est précisément le chemin du totalitarisme selon l’auteur de « La société ouverte et ses ennemis ».

Dans la crise ukrainienne, la fermeture aux autres du premier imbécile a pris une tournure extraordinairement concrète et choquante, celle d’un racisme total envers le peuple Russe. J’ai vu des personnes se prétendant humanistes et chrétiennes déclarer que les Russes, pris totalement et dans leur ensemble, étaient par nature radicalement différents de nous, que pour cette raison ils ne pourraient jamais être des partenaires et toujours des ennemis, qu’il ne fallait jamais entretenir aucune relation avec eux.

Ils sont ainsi assignés à être éternellement des soudards, sournois et brutaux, ceci étant inscrit pour toujours dans leur histoire et dans leur sang et légitime qu’on les tienne indéfiniment à l’écart de la zone sacrée de l’occident. J’ai lu ceci sous la plume de personnes se considérant comme « humanistes », « modérées », « chrétiennes », défendant les sociétés ouvertes et les démocraties occidentales. Ceci est évidemment non seulement une vision désespérante de l’humanité mais un racisme évident.

Les premiers imbéciles semblent beaucoup moins gênés que nous continuions à entretenir des liens étroits avec l’Arabie Saoudite ou le Qatar. Dieu sait si je pense qu’il faut se garder de ces deux derniers pays. Mais je n’irai jamais prétendre qu’il faut les contenir parce que la nature de leur population, inscrite dans le sang, est différente de la nôtre et interdit toute relation à jamais : je serais et à bon droit accusé de racisme anti-arabe par une telle attitude. Les dynamiques temporelles, la capacité des hommes à changer et à évoluer, ne sont pas appréhendées par les deux imbéciles, y compris par le premier qui y prétend sans cesse. La fermeté totale avec Poutine et la condamnation du racisme anti-Russe qui s’est déchaîné chez les premiers imbéciles sont deux dimensions indépendantes. Compter jusqu’à deux est apparemment trop en demander à certains.

L’usage du terrorisme intellectuel. Le premier et le deuxième imbécile emploient toutes les manettes du chantage affectif, chantage à l’émotion, injonction de choisir entre l’un ou l’autre camp. Ils ne savent pas faire la différence, ou feignent de ne pas le savoir, entre se tenir dans la mélasse moyenne des neutres et non alignés, ou choisir un troisième camp qui peut tenir des positions tout aussi radicales que les leurs sur un seul point : les envoyer promener (pour rester poli) aussi bien l’un que l’autre. Un certain Charles de Gaulle tint ainsi une position indépendante à la tête de l’état français, sans aucun isolationnisme car il pouvait travailler avec l’un ou l’autre camp selon la cause à défendre, mais en toute indépendance.

Utilisation de la posture de romantisme de pacotille. N’insistons pas sur ce point : les résistants auto-proclamés ont ceci de ridicule qu’ils n’assumeraient jamais le prix d’appartenir à de véritables mouvements de résistance.

Non reconnaissance de leurs contradictions. Deux exemples de ceci dans la crise ukrainienne. Pour le deuxième imbécile, l’appel à l’histoire pour justifier les exactions de Poutine, rappeler les origines de Kiev comme berceau de la Russie et finalement légitimer par avance à peu près n’importe laquelle de ses revendications. Conseillons aux imbéciles de la deuxième catégorie la lecture de Vassili Grossman, notamment « Tout passe », le récit le plus puissant jamais écrit sur la famine organisée sciemment par Staline en Ukraine en 1933. Si l’on a un minimum de respect pour l’histoire, je défie quiconque a lu ce récit d’aller dénier sa souveraineté à l’Ukraine. L’Ukraine est un jeune pays, dont la position géopolitique doit être absolument respectée. Car les Russes ne peuvent se permettre une Ukraine sous commandement occidental, pas plus que l’occident ne peut se permettre une Ukraine sous commandement Russe : c’est là la clef de ce conflit. On demandera donc au deuxième imbécile qui se dit « souverainiste » de respecter l’indépendance du pays au drapeau bleu et jaune.

Pour le premier imbécile, les comparaisons entre Poutine et Hitler n’ont cessé de fleurir. Or les imbéciles de la première catégorie sont en grande majorité macronistes ou apparentés (LR macro-compatibles, etc.). S’ils sont cohérents et un minimum honnêtes, si Poutine est Hitler, alors Macron est Daladier, un capitulard, un déjà collabo.

Car avec Hitler, aucune négociation n’est possible et ce dès le départ. Selon l’expression volontairement ultra-choquante de Sartre : « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande », il faut entendre que le nazisme est une singularité de l’histoire, où le choix entre le bien et le mal était posé de façon absolument claire à tout homme, ce qui n’arrive habituellement jamais.

Hitler est le seul cas dans l’histoire, peut-être avec Staline, où la question du mal ou du bien absolu nous est présentée sans filtre. Où il nous serait permis dans ce cas, d’être le premier ou le deuxième imbécile. Dans ces cas extrêmes, finie la prise en compte des dynamiques temporelles : le nazisme était le mal absolu dès son commencement, il n’y a pas d’évolution historique ou personnelle à prendre en compte chez Hitler. Si c’est aussi le cas chez Poutine comme l’argumentent nos premiers imbéciles, alors la totalité des dirigeants occidentaux sont des munichois corrompus jusqu’à la moelle.

Magie des situations de crise, où je me trouve à défendre l’une des seules actions de Macron que j’approuve, continuer la négociation avec Poutine, tandis que ses thuriféraires nous clament qu’il est le mal absolu. Un minimum de réalisme géopolitique honnête conduit à reconnaître que Poutine a pu être un interlocuteur valable et raisonnable pendant de nombreuses années. Mais il faudrait alors reconnaître pourquoi la situation s’est envenimée, c’est-à-dire nos propres responsabilités et comment nous avons contribué à la fabrication du monstre. Le premier imbécile ne s’embarrasse pas d’une telle complexité.

Pour finir, la ressemblance entre le premier et le deuxième imbécile n’a rien d’étonnant lorsque l’on observe que des passerelles existent régulièrement, où l’imbécile se transforme et rejoint le pôle opposé. Il sera un zélateur d’autant plus obséquieux de sa nouvelle imbécilité qu’il se sera compromis plus profondément dans la précédente.

Les passages du deuxième imbécile au premier sont légion dans notre époque contemporaine : les « progressistes » et atlantistes de maintenant ont pour beaucoup un passé d’ancien maoïstes ou staliniens lorsqu’ils ont l’âge d’avoir connu ces années, ou ont gardé les stigmates de cette « école » de pensée née en 68 par déférence envers leurs ainés lorsqu’ils sont plus jeunes, allant jusqu’à copier leurs manières et leurs styles vestimentaires. La filiation de Louis Althusser et de son école de terrorisme intellectuel est florissante : elle a engendré des légions d’imbéciles du deuxième type devenus presque tous des imbéciles du premier type, mais ayant gardé les mêmes réflexes : injonction totalitaire en lieu et place de réflexion, posture pseudo-romantique, manichéisme et diabolisation de l’adversaire.

L’on pourrait penser que comme les passerelles du premier imbécile vers le deuxième semblent très faibles, la symétrie n’est pas assurée. Il n’en est rien, car cela dépend de l’époque. Ainsi, le fait est connu, les plus gros effectifs de la collaboration vichyste ont été fournis par des sociaux-démocrates humanistes et pacifistes des années 1930, bien plus que par d’horribles nationalistes d’extrême-droite. Les tenants de l’époque du mondialisme béat se sont fort bien accommodés de la mise en œuvre de la solution finale et de la lutte contre le complot juif mondial. Cerise sur le gâteau, ceux qui purent échapper à l’épuration ont été pour la plupart les pères fondateurs de la communauté européenne, bouclant ainsi la boucle entre les premiers et seconds imbéciles. Car une dernière caractéristique commune des deux imbéciles est d’être très opportunistes. Il est actuellement plus payant socialement de passer de la deuxième catégorie à la première, mais l’inverse a pu être vrai à d’autres moments de l’histoire. Et l’on trouve toujours une bonne proportion des deux imbéciles à toutes les époques, car même sur un marché minoritaire, il est possible aux plus habiles de se tailler leur fonds de commerce.

L’école réaliste en géo-politique

Les meilleurs observateurs de cette crise ont tous mentionné le regret de ne plus voir en action une certaine école de la diplomatie et de la géopolitique aux USA : l’école dite « réaliste ». Celle-ci, dont le leader emblématique est Henry Kissinger, avait l’immense mérite d’analyser les rapports de force et les jeux d’intérêts sur le théâtre géopolitique avant de porter tout jugement de valeur. Et le second et non moins grand mérite de rester humble quant à leur primat moral, en reconnaissant que bien souvent ce sont avant tout les intérêts des Etats-Unis qu’ils défendaient, avant la liberté ou la justice qu’ils essayaient de sauvegarder autant que possible.

Henry Kissinger a été sur plus d’un plan une franche crapule. Mais cette franche crapule est infiniment plus morale que ceux qui ramènent leur éthique à tout bout de champ, sans avoir l’honnêteté de reconnaître qu’ils rentrent dans les jeux d’intérêt humains comme tout le monde. Nicolas Machiavel est pour cette raison le plus important des moralistes : la vertu ne commence que lorsque l’on admet ses propres imperfections dans ce domaine et que morale et calculs d’intérêt sont étroitement imbriqués.

L’école réaliste aux USA a dû céder le pas aux folies des néo-conservateurs, annoncées à grand renforts de visions grandioses de l’avenir de la planète et de discours d’autant plus moralisateurs qu’ils étaient conduits par des appétits totalement répugnants. Il est intéressant de noter que l’antienne néo-conservatrice a été parfaitement adoptée et même améliorée dans la tartufferie par la gauche progressiste américaine : les premiers imbéciles ont reconnu tout de suite leur élément naturel.

J’ai aussi le regret de cette période et de la finesse d’analyse des réalistes américains. Face à la Russie contemporaine, l’histoire aurait très probablement tourné autrement. Ils savaient tout autant être fermes avec l’autre camp, parfois plus, mais en toute lucidité sur leurs propres défauts.

Deux concentrés d’intelligence nous ont été donnés heureusement sur la crise ukrainienne, comme pour répondre aux deux formes de l’imbécilité.

L’article de Roland Lombardi :

https://fildmedia.com/article/guerre-en-ukraine-poutine-est-il-tombe-dans-le-piege-americain?fbclid=IwAR1mqlo9WaKyBoEp4gyQDrOmiQ-GEq0CJAwEwfOdpZEL_jNqnmPRWRifl0w

et celui d’Alexandre Del Valle :

https://atlantico.fr/article/rdv/le-drame-de-l-ukraine-la-derive-irredentiste-de-vladimir-poutine—-risque-de-iiieme-guerre-mondiale-guerre-en-ukraine-dialogue-nord-stream-ii-chine-alexandre-del-valle?fbclid=IwAR3DUKIBzB267BVQAodnMMmEEekyXA4wJDUz9SlM1DJDsz_1_te4P8C8pBI

Lombardi et Del Valle sont les antidotes aux deux formes d’imbécilité. Leur pensée est fine mais sans concession, complexe mais parfaitement claire. Ce sont eux que l’on devrait voir sur les plateaux-télé sur la crise ukrainienne, bien plus souvent que les pseudo-philosophes et penseurs qui nous sont infligés.

S’il fallait les rattacher à l’une des deux tendances, encore que leurs articles montrent justement l’extrême complexité de le faire, Roland Lombardi nous aiderait plutôt à comprendre le point de vue russe et Alexandre Del Valle à défendre l’occident. Cela n’empêche nullement Lombardi de ne faire aucune concession et d’être parfaitement lucide sur ce qu’est la vie quotidienne sous le régime de Poutine et sur son caractère fortement dictatorial. Ni Alexandre Del Valle de porter un jugement extrêmement sévère sur le jeu irresponsable de l’Otan, y compris lors du règne d’Eltsine donc avant Poutine.

Lombardi et Del Valle ont tout pour énerver les deux imbéciles, à commencer par être infiniment plus brillants qu’eux, honnêtes intellectuellement et lucides sur la situation quant à l’analyse et l’action.

Cerise sur le gâteau, ils sont tous deux ardemment patriotes et souverainistes à titre personnel, horreur complète pour le premier imbécile, rationnels et réfutant les mauvais scénarios sensationnalistes pour se concentrer sur les causes démontrées, abomination pour le second imbécile.

La complexité de Kolmogorov ou comment mettre l’imbécilité en boîte

La complexité d’un objet, d’un discours ou de toute production et par voie de conséquence son simplisme et sa pauvreté intellectuelle, peuvent faire l’objet d’une mesure rigoureuse. La complexité de Kolmogorov est la taille du plus petit programme informatique ou algorithme permettant d’engendrer l’objet ou le discours en question. Si le discours est engendré par un algorithme simple de quelques lignes, c’est qu’il ne vaut pas grand-chose : il est une mécanique simpliste. S’il nécessite un jeu d’instructions plus important et plus élaboré, il commence à avoir de la valeur.

Le discours des deux imbéciles ne peut être qualifié de « pensée », dans la mesure où il est possible de le générer par une procédure entièrement automatique. Il serait impossible de faire un générateur automatique d’un article de Del Valle ou de Lombardi, c’est le propre d’une véritable réflexion.

En revanche, les petits générateurs automatiques qui vont suivre peuvent être facilement programmés pour en faire des widgets de production en continu d’imbécilité. Appuyer sur le bouton du premier générateur et vous obtiendrez un Tweet de Raphaël Enthoven ou une « réflexion » de BHL. Appuyez sur le bouton du second générateur et vous obtiendrez l’une de ces sottises absconses émanant des trolls encombrant la toile. Le mode d’emploi est très simple : nous sommes dans les scores très bas de la complexité de Kolmogorov.

Combinez n’importe quel terme de la première colonne avec n’importe quel terme de la deuxième colonne et n’importe quel terme de la troisième. Vous obtiendrez un Tweet de Raphaël Enthoven ou de BHL :

La fauteincombe entièrement auxsouverainistes
La responsabilitéest pleinement le fait desPopulistes
La culpabilitérevient intégralement auxanti-européens
Le déshonneur ennemis du monde libre
L’infamie partisans de Zemmour

Faites de même avec ce générateur et vous obtiendrez un Tweet de troll professionnel, imbécilité accompagnant parfaitement la première pour un « dialogue » pouvant durer à l’infini. Notez l’identité de structure syntaxique de discours des deux imbéciles :

La fauteincombe entièrement auxforces de l’OTAN
La responsabilitéest pleinement le fait desUSA
La culpabilitérevient intégralement auxmondialistes
Le déshonneur forces du complot juif mondial
L’infamie agissements du nouvel ordre mondial

Lorsque la « conversation » « progresse », employez ces deux autres petits générateurs. A noter que l’emploi immodéré du point Godwin est un autre des points communs du premier et du deuxième imbécile, Poutine = nazi et Ukrainiens = nazis étant généralement la conclusion de ces pensées très subtiles. Également, l’emploi d’un vocabulaire ordurier est omniprésent chez les « philosophes », défenseurs de la civilisation et du rationalisme critique occidental :

Premier imbécile :

Toute explication desintérêts de l’Otan et des Russesest le  fait de collabos de Poutine.
Toute analyse desconflits passés entre la Russie et l’Ukrainerevient à se déculotter devant l’oppression
Tout raisonnement sur lespromesses non tenues et mensonges de l’occident et des Russesest la marque de personnalités basses et serviles
Toute rétrospective historique sur lesintérêts économiques sous-jacents au conflit en Ukraineest le fait de lâches et de quasi-nazis

Deuxième imbécile, seul le premier élément de la troisième colonne change : étonnant non ?

Toute explication desintérêts de l’Otan et des Russesest le fait de collabos du nouvel ordre mondial.
Toute analyse desconflits passés entre la Russie et l’Ukrainerevient à se déculotter devant l’oppression
Tout raisonnement sur lespromesses non tenues et mensonges de l’occident et des Russesest la marque de personnalités basses et serviles
Toute rétrospective historique sur lesintérêts économiques sous-jacents au conflit en Ukraineest le fait de lâches et de quasi-nazis

Au fait, Kolmogorov, cela ne sonne pas un peu Russe cela ? Ah oui, ce peuple a eu la déplorable manie de fournir nombre des meilleurs mathématiciens et physiciens au monde et actuellement parmi les meilleurs Data Scientists. Apparemment, le Russe soudard et impropre à rejoindre notre monde occidental, comme le veut le racisme du premier imbécile, devra être revisité. Cela plaira peut-être au deuxième imbécile ? Ah non, le problème est que nombre de ces esprits brillants ont été des dissidents et des opposants à Vladimir Poutine… La réalité est complexe ? Ah oui, la réalité est complexe.

La leçon des arts martiaux

Terminons par un point qui nécessite de penser aux moins dans deux dimensions : celle de l’analyse et de l’action. Nous sommes arrivés à un point où Vladimir Poutine cherche à intimider le camp occidental en brandissant la menace nucléaire.

Dans une telle situation, l’analyse des causes antécédentes ne rentre plus en ligne de compte : en face d’un danger immédiat, vous devez répondre à celui qui vous menace de l’anéantissement, indépendamment des fautes de chacun.

Face à la menace nucléaire, comme dans toute situation de combat ultime, vous devez faire comprendre par votre attitude que vous êtes parfaitement prêt à aller jusqu’au bout, au combat à mort. La très grande erreur de Vladimir Poutine est qu’il ne nous laisse plus le choix que de le considérer comme un ennemi implacable.

Certains pensent qu’il faut jouer l’apaisement. D’autres surenchérir. Ils sont tous les deux dans l’erreur. Dans une situation de combat réel, une expression telle que « calmez-vous » ne fera qu’exciter l’adversaire comme une marque de faiblesse et l’invitera à vous attaquer. Une provocation grossière dégénérera également. Il faut à la fois rester parfaitement calme, mais pour faire comprendre et cela passe essentiellement par de la communication non verbale, que l’on envisage parfaitement d’aller jusqu’à la destruction mutuelle totale. C’est le paradoxe de la dissuasion : c’est parce que l’on est dans l’état d’esprit d’accepter d’aller jusqu’à la mort que cela n’arrive pas.

Les précédents historiques sont au moins au nombre de deux : la crise des missiles de Cuba et la crise des euromissiles dans les années 1980. Ce que ceux qui appellent à la « négociation » et à la « désescalade » ignorent, est qu’une négociation avec les Russes est toujours dans un mode de dureté totale. C’est un combat à mort psychique pour que le combat à mort physique n’advienne pas. Il s’agit de la seule façon de se faire respecter. Lors des deux précédents, Kennedy comme Reagan ont pu faire baisser la tension non parce qu’ils ont fait des gestes d’apaisement ni parce qu’ils ont surenchéri, mais parce qu’ils ont calmement fait comprendre que s’il en était ainsi, ils étaient prêts à ce que les USA comme l’URSS soient rayés de la carte.

Là encore, nos deux imbéciles n’ont aucune idée de ce que cela signifie. Le premier imbécile est pareil à ces planqués de l’arrière qui excitaient au combat en 1914 sans aucune idée de ce qu’est un combat réel. Les va-t-en guerre ne récoltaient que des crachats de mépris de la part des poilus qui allaient au front. Le premier imbécile répond par la provocation grossière de l’adolescent boutonneux et immature.

Le deuxième imbécile qui prétend pourtant ne rêver que d’empoignades viriles dont les Russes sont coutumiers et qui provoquent son admiration se dégonfle au moment de le faire, et fait passer sa lâcheté pour de l’apaisement.

C’est peut-être une fois encore la Grande-Bretagne qui nous montrera la voie de l’indépendance, du courage et de la liberté.

Boris Johnson a entretenu jusqu’à encore récemment de bonnes relations avec Vladimir Poutine. La photo qui suit date de Janvier 2020 :

Il n’a pas été le seul à le faire, la plupart des chefs d’état occidentaux, y compris Emmanuel Macron, ont considéré Vladimir Poutine comme un interlocuteur valable il y a encore quelques semaines avant l’invasion de l’Ukraine.

Il est amusant de noter que les géopoliticiens de salon ont déclamé dès l’invasion de l’Ukraine qu’il était Hitler et que toute prise en compte du point de vue Russe était le fait d’ignobles collabos : il faudrait dans ce cas traîner la totalité des dirigeants occidentaux devant le tribunal moral des imbéciles de la première espèce.

BoJo a été l’un des premiers dirigeants à faire preuve d’une totale fermeté avec la Russie dès le début du conflit. Il y a le temps des responsabilités partagées et le temps de l’action, sans que l’action nous empêche de garder en mémoire les responsabilités. Penser en plus d’une seule dimension, sortir de l’univers étroit et stupide des deux imbéciles.

BoJo a employé la meilleure méthode pour être très ferme avec la Russie sans être hystérique. Il n’a pas rejoint le concert de piaillements des premiers imbéciles, hurlant à tue-tête à la guerre, cris ridicules de ceux qui ne savent pas se battre. Et il n’a pas baissé les yeux devant la brutalité de l’envahisseur, n’a pas trouvé de pseudo-justifications historiques pour ne pas agir, comme le firent la lâcheté et l’esprit de collaboration du deuxième imbécile.

BoJo a envoyé les SAS sur le terrain, dès le début du conflit. D’autres ont suivi depuis, mais il est le premier à avoir envoyé des forces spéciales pour participer à l’effort de guerre des Ukrainiens. Une action décidée avec fermeté, sans déclaration tonitruante, sans provocation infantile, mais avec un message parfaitement implicite : Poutine avait clairement menacé du feu nucléaire quiconque empêcherait militairement l’avancée de ses troupes. En envoyant des SAS, BoJo accomplissait le parfait acte guerrier au bon sens du terme : faire comprendre, sans harangue et sans hystérie, que les menaces de Poutine ne lui faisaient pas peur et qu’il défendrait jusqu’au bout sa liberté d’agir.

Le théâtre géopolitique est une partie d’échecs et ce sont aux échecs que nous jouons. La vérité de la position ne réside pas dans les combinaisons simplistes à un ou deux coups du premier imbécile. L’énorme arborescence des variantes doit être prise en compte, celle des responsabilités historiques, sans que celles-ci soient des excuses, mais des enseignements évitant de réitérer les erreurs du passé. La vérité de la position ne réside pas non plus dans quelque trame cachée et quelque complot obscur du deuxième imbécile : aux échecs, tout est clairement visible devant nous. Ce qui nous rend les choses obscures, n’est pas une partie cachée de l’échiquier mais l’insuffisance de notre intelligence à comprendre tous les ressorts de la position.

Qui est le pire entre le ravi de la crèche hystérique et simpliste, ou le crétin abscons barbotant dans l’univers sombre qu’il s’est lui-même créé ? Je les vois véritablement à égalité comme étalons de l’imbécilité : le premier provoque des guerres en toute bonne conscience et avec une parfaite hypocrisie, le deuxième est le carburant de tous les terroristes et de tous les veules adorateurs de la force brutale.

Un dernier point : BoJo est un horrible souverainiste, responsable du Brexit. Et voici pour le premier imbécile. Et un horrible anglo-saxon, allié des USA et du grand complot mondial international. Et voici pour le deuxième imbécile. Echec et mat.

© Marc Rameaux

Marc Rameaux est économiste et professionnel des hautes technologies. Il a publié Le Tao de l’économie. Du bon usage de l’économie de marché (L’Harmattan, Février 2020)

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Marc Rameaux
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