La chronique de Nidra Poller

Le droit de vote aux étrangers ? Jamais de la vie !

Chers compatriotes … 

Justement. Je n’en suis pas une. D’autant plus de raison de dialoguer avec vous, mes électeurs délégués, en vous faisant confiance pour bien choisir. Ni abstentionniste dans l’âme, ni militante convaincue, je place ma voix là où je peux, sachant qu’elle ne pèse rien dans la circonscription 100% à gauche de Baltimore dont je dépends. (Le citoyen américain résidant à l’étranger est inscrit dans le bureau de vote de son dernier lieu de résidence aux USA et il vote par correspondance.) En fait, un petit bulletin de vote n’est qu’un flocon de neige dans l’amplitude de nos démocraties.

La réflexion qui aboutit au choix n’est pas moins importante que le geste électoral. Passée la saison des programmes et des promesses, vient la réalité, forcément décevante. Le monde, finalement, n’est pas refait à neuf.  Attention, donc, à ce que tu es devenu, à force de croire en X, Y ou Z. S’il t’a mené en bateau, il va falloir ramer pour regagner la terre ferme.

La guerre des Juifs

Est-il possible d’évoluer dans  l’étroit couloir entre les antis, primaires, qui prennent plaisir à  lancer des quolibets et les envoûtés, blindés, qui ne veulent rien entendre ? Je m’exprime ici, sans chercher à vous convaincre. Ce serait obtenir par subterfuge le droit de vote d’un étranger.

Ce qui m’inquiète :

Un candidat, juif de surcroit, déclenche  une polémique identitaire. Supposé donner les clefs d’une identité franco-française unie, sans grumeaux ethniques, il nous provoque des fractures judéo-juives. Serait-il un Juif antisémite, est-ce antisémite de l’accuser d’antisémitisme, comment peut-on, en tant qu’électeur juif, refuser de le soutenir, de quoi se mêlent les institutions juives et comment osent-elles lui chercher des poux  tout en refusant de reconnaître les vrais méchants, ceux qui nous tuent, islamiquement … ?

Le Trump que notre candidat admire aime à dire que des Juifs qui ne votent pas pour lui n’aiment pas Israël. De  toute façon, l’Etat juif aurait péri, dit DJT, s’il ne s’était pas retiré du JCPOA. Ici, le candidat juif se garde d’exprimer un souci particulier pour Israël. Au contraire, il s’oppose à la double nationalité, au patriotisme partagé. Ça ne vous dérange pas ? Ou bien vous ne le prenez pas au sérieux ? J’en connais qui troque volontiers la shechita [dit abattage rituel] en échange de l’interdiction du halal. Et ainsi de suite.

Guerres de religion

Ce qui me dérange :

Pas de hijab, pas de kippa dans l’espace public. Afficher sa foi est un manque de respect. Faudrait-il aussi interdire le schtreimeil, les tsitsis et le tenu noir des haredim ? Pas d’horaires de piscine séparées homme/femme, pas de dérogation aux examens universitaires le samedi. Moi, je refuse les fondements de cette symétrie fallacieuse qui met le judaïsme et l’islam sur le même plan, comme des emmerdeurs qu’il faut gommer du tableau de la belle France. Pas de mosquées monumentales, voyons, faites comme les Juifs qui ont accepté docilement de cacher leurs synagogues derrière  des façades d’immeubles. Le paysage français est chrétien. Le candidat israélite moderne accepte qu’on «refuse tout aux Juifs comme nation et qu’on leur accorde tout comme individus ». Les musulmans n’ont qu’à faire pareil.  Et les Juifs sionistes aussi ?  

Peut-on prétendre définir et articuler enfin, pour la première fois et comme personne n’ose le faire, ce qui menace notre civilisation, et se tromper sur ce point ?  Il me semble que le hijab pose un défi à la démocratie, pas à la laïcité. Hijab, niqab, commerces halal, quartiers islamisés … il n’y a pas de pendant juif à tout cela.

L’avenir : un vieux film en noir et blanc

Comment défendre la civilisation contre la menace existentielle du jihad en s’abaissant à des mesquineries sur les prénoms ? S’agit-il vraiment d’un petit dérapage à balayer au prétexte que le candidat est, par ailleurs, extraordinaire ? La portée symbolique de l’ensemble–l’interdiction des prénoms à consonance qu’on sait, l’ambiguïté de la promesse d’immigration zéro comprise comme zéro immigrés, une série de mesures choc hautement improbables – serait le rêve de la disparition magique d’un problème quasiment insurmontable. De l’autre côté de la simplification, on redonnera vie à la ruralité, lui rendra son vrai visage, en offrant une prime de €10 000 pour la naissance d’un enfant franco-français. Tombé d’un arbre généalogique convenable.  

La banlieue, l’école, nos campagnes, notre politique étrangère et notre gloire, tout restauré comme un bon vieux film, n’est-ce pas un aveu d’échec ?  Notre dernière chance de sauver la France c’est de revenir en arrière en effaçant tout ce qui gêne sur le parcours effectué depuis la date fatidique établie par l’homme providentiel.

Briser le cordon sanitaire et réunir la droite

Les « dérapages » du commencement—Pétain, Dreyfus, les victimes juives des meurtres islamiques enterrées en Israël—ne sont ni innocents ni aléatoires. On me dit que tout cela est sorti de son contexte. Or, le candidat nous donne les clés pour comprendre : il va briser le cordon sanitaire et réunir la droite.

D’un côté il y a les cris d’orfraie dès qu’on suggère que l’immigration (=les musulmans) pose problème.  On est frappé d’étiquettes : islamophobe, raciste, xénophobe, affreux et d’extrême droite. Soulevez le problème de la sécurité et vous vous êtes droitisé. Est-ce que le cordon sanitaire relève de la même manipulation perverse ?

Mitterrand a manigancé la transgression du tabou en se servant du FN pour affaiblir la droite parlementaire. Marine a quasiment fait disparaître le cordon en se dédiabolisant. Sa présence dans le paysage politique s’est normalisée sans qu’elle puisse franchir la barrière du « front républicain ». Elle n’a pas, non plus,  réuni la droite.

L’entrée en lice d’un nouveau diable a révélé l’appétit pour une version modernisée du Front National, une offre musclée, décomplexée, plus classe, plus intellectuelle, solide, virile, moins marginale. Populiste, mais pas piche.  

Selon les sondages, c’est efficace. Des transfuges sont venus. Mais de quel côté ? 

Quid du cordon sanitaire ? Si les ralliements proviennent du RN aujourd’hui, c’est une question de temps et de stratégie maligne, promet le candidat, pour  qu’ils viennent, massivement, du LR.  Qui disparaîtra, comme les socialistes.

Est-ce bon pour les Juifs ?

Dans quel mesure peut-on appliquer au RN et à Reconquête l’appellation d’extrême droite remontée des fascismes foncièrement antisémites du XXe siècle ?  Peut-on faire abstraction de l’antisionisme virulent logé dans des partis dits de l’extrême gauche ? Difficile de savoir par où on devrait tirer le cordon sanitaire ! Il ne restera pas grand monde  de l’autre côté de la ligne de démarcation.

Guerre chaude ou froide

Voici, en gros, l’argument du candidat ultranationaliste : la France, puissante et souveraine, devrait se positionner en neutralité. Pas l’amie des Etats-Unis, pas l’ennemie de la Russie. En ce qui concerne l’Ukraine, la Russie s’engagerait à respecter ses frontières si on promettait que l’Ukraine n’intégrera jamais l’OTAN.

N’est-ce pas incohérent ? La fonction de l’OTAN est d’assurer, par sa puissance militaire défensive, l’intégrité des frontières des nations affiliées. En promettant de priver l’Ukraine de cette protection, on laissera à Poutine toute liberté de l’envahir, massivement ou petit à petit, pour ramener l’ancien satellite dans le giron du nouvel empire post-soviétique. Au lieu de reconnaître cet objectif, clairement annoncé et aujourd’hui acté, des ultranationalistes désignent l’OTAN comme l’agresseur, prêt à se jeter sur la Russie. C’est, aux yeux des souverainistes, comparable à l’installation des missiles soviétiques à Cuba.

Sans dire clairement qu’il faut céder aux exigences de la Russie, le candidat se moque de Macron, « télégraphiste de Washington ». La France, libérée des entraves du commandement intégré de l’OTAN, parlera sa langue unique avec toute la puissance de sa singularité. Or, des témoins divers et nombreux constatent la solidarité exceptionnelle des membres de l’OTAN face à la crise ukrainienne. Quel rapport entre cette réalité et la nostalgie du candidat de la France libre, rejointe sur ce point par Marine, Mélenchon et l’ancien président américain qui voulait quitter l’OTAN et laisser les Européens se défendre à leurs frais, comme des grands ?

Croyant pouvoir diviser l’OTAN, Vladimir Poutine l’a renforcé.

Incapable de rallier à ses côtés la droite parlementaire, le candidat risque de se placer du mauvais côté de la ligne de démarcation … entre les démocraties et les tyrannies.

© Nidra Poller


Nidra Poller, née aux Etats-Unis dans une famille d’origine mitteleuropéenne et posée à Paris depuis 1972,  est une romancière devenue journaliste, le 30 septembre 2000, par la force des choses, dit-elle, par  l’irruption brutale, dans mon pays d’adoption, d’un antisémitisme génocidaire, Nidra Poller est connue depuis comme journaliste, publiée entre autres dans  Commentary, National Review Online, NY Sun, Controverses, Times of Israel, Wall Street Journal Europe, Jerusalem Post, Makor Rishon , CauseurTribune Juive, Pardès

Elle rédigea longtemps le vendredi une Revue de la Presse anglophone pour la newsletter d’ELNET.

Elle est l’auteur d’une œuvre élaborée en anglais, en français, en fiction et en géopolitique, dont L’Aube obscure du 21e siècle (chronique), madonna madonna (roman), So Courage & Gypsy Motion (novel)

J’assume la contradiction, ajoute Nidra, me disant romancière mais pas auteure.

Observatrice des faits de société et des événements politiques, elle s’intéresse particulièrement aux conséquences du conflit israélo-palestinien et aux nouvelles menaces d’antisémitisme en France. Elle fait partie des détracteurs de Charles Enderlin et France 2 dans la controverse sur l’Affaire Mohammed al-Durah  et soutient la théorie d’Eurabia (en particulier avec Richard Landes).

Elle a fondé les Éditions Ouskokata.

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