Ce soir sur France 5. “Goulags” par Michaël Prazan: Ce qu’en écrivait Véronique Chemla

 

Plongée dans l’un des systèmes pénitentiaires les plus effroyables du XXe siècle, ce documentaire explore les traces du Goulag de Moscou aux confins de la  Sibérie orientale. Il présente cette histoire en suivant Assia Kovrigina sur les traces de son grand-père, un intellectuel juif emprisonné par le régime soviétique”.

Acronyme formé d’après le russe Glavnoïé oupravlénié laguéreï, Goulag signifie “Direction principale des camps”.

Instrument de terreur, de colonisation territoriale et d’expansion économique, le Goulag regroupe des réalités multiples et changeantes qui occupèrent une place centrale dans l’histoire de l’URSS.
« Si le mot « Goulag » résonne comme un symbole – celui de la terreur stalinienne, de l’archipel tentaculaire dont la géographie est à la démesure du plus grand pays du monde -, son histoire demeure méconnue. Le Goulag a en effet revêtu bien des réalités. Il poursuit les bagnes de l’époque tzaristes – où nombre de ses architectes ont eux-mêmes séjourné -, avant de devenir l’instrument de la terreur révolutionnaire, puis de muter en une gigantesque entreprise coloniale, censée exploiter à moindres coûts les richesses des territoires situés aux marges de l’empire », notamment aux confins (sub)arctiques (Oural, Sibérie).
Institué en 1934, le Goulag était l’organisation administrant les camps de travail forcé en Union soviétique. Des camps visant à la fois à assurer l’essor industriel vers l’est asiatique et à terroriser des populations soumises au communisme, régime totalitaire. C’est en 1991 que fut fermé le dernier camp correctionnel de travail.
L’historienne Anne Applebaum évalue à 18 millions le nombre d’êtres humains internés, sous l’ère stalinienne, dans ces camps pour ce qu’ils sont – Ukrainiens, Arméniens, juifs, Tatars de Crimée, Koulaks – ou leurs actes : délinquants, « saboteurs », opposants réels ou supposés, communistes occidentaux, etc. Et à une moyenne annuelle de 2,5 millions par an. Parmi eux : Varlam Chalamov, Margarete Buber-Neumann, Alexandre Soljenitsyne, Sergueï Korolev, le cofondateur du Parti communiste allemand, Hugo Eberlein, l’économiste Nikolai Kondratiev, le poète et essayiste Ossip Emilievitch Mandelstam (1891-1938)…
De 1934 à 1947, près d’un million de prisonniers y sont morts tant les conditions de vie et travail en usines, dans les mines ou dans la taïga y étaient pénibles.
« Né aux lendemains de la révolution Bolchevique, le Goulag, s’est progressivement éteint après la mort de Staline, en 1953. Pourtant, les traumatismes qu’il a engendrés perdurent jusqu’à nos jours. Après la chape de plomb imposée par la guerre froide, la mémoire du Goulag resurgit aujourd’hui en Russie. Des mémoriaux, des musées, et la volonté de conserver ses vestiges comme un patrimoine historique, participent de ce retour du refoulé. Particulièrement à Moscou, où, au sein des monastères, à un jet de pierre du Kremlin, surgirent les premiers camps. Dans l’anonymat le plus total. » 

En 2006, Emmanuel Amara avait réalisé “Le Goulag oublié”, un documentaire sur la “redécouverte avec Lev Alexandrovitch Neto, dit Leo, un ancien prisonnier du goulag de Norilsk – en 1948, âgé de 23 ans, il avait été condamné à trente ans de travaux forcés pour avoir été prisonnier des Allemands nazis durant la Deuxième Guerre mondiale ; des dizaines de milliers de soldats soviétiques, anciens prisonniers des Allemands avaient, à leur retour en Union soviétique étaient considérés comme “ennemis du peuple” et envoyés dans les Goulags – , une ville minière anciennement interdite située dans le cercle polaire russe. C’est également un débat sur la mémoire des années du goulag dans la Russie d’aujourd’hui” : “Le musée de Norilsk occultait le Goulag et ses victimes.

« Ce documentaire « Goulags » par Michaël Prazan est une plongée  dans l’un des plus effroyables et gigantesques systèmes concentrationnaires du XXe siècle. Des racines du Goulag, au centre même de Moscou, jusqu’aux confins de la Sibérie orientale, et ses emblématiques camps de la Kolyma, « Goulag(s) » tient autant du film historique que du road movie. En suivant l’enquête menée par Assia Kovrigina », chercheuse née en Sibérie et dont le grand père journaliste Samuel Shnapir a subi « l’exil à perpétuité » dans ces « camps spéciaux », il s’agit de comprendre la place centrale qu’a occupée le Goulag dans l’histoire de l’URSS : tout autant instrument de terreur que de colonisation territoriale et d’expansion économique.
Ce film de Michaël Prazan a « pour fil rouge  l’enquête menée par Assia Kovrigina, petite fille de “zek” – le nom des forçats du Goulag. Exposant, par un récit historique et de nombreuses images d’archives, les grands mouvements et les mutations successives du Goulag, il tient aussi du road movie à travers la région la plus glaciale et l’une des moins accessibles du globe. En faisant la route des camps sibériens ; celle de la Kolyma, autrement appelée la « route des ossements », qui relie Iakoutsk à Magadan, le Goulag prend soudain un autre visage. Celui de l’expérience vécue et de réalités humaines aussi saisissantes que contrastées. Égrené de rencontres, de paysages somptueux, de figures littéraires, Goulags est un voyage de l’extrême aux confins de l’histoire et de la géographie. »

« En partant sur les traces de Samuel Shnapir, ancien journaliste à la Pravda envoyé en Sibérie, le film  aborde notamment la campagne antisémite menée par le régime soviétique à partir de 1946 contre les “cosmopolites sans racines”. Touchant d’abord les cercles littéraires et intellectuels, elle s’est rapidement propagée à d’autres secteurs de la société. L’histoire tragique du Comité antifasciste juif – créé en 1942 et présidé par Solomon Mikhoëls, acteur et directeur de théâtre yiddish – est emblématique de la répression qui s’est abattue sur les Juifs soviétiques après la Seconde Guerre mondiale. Documentaire historique d’envergure, Goulags est une enquête sur les lieux de la terreur soviétique qui s’appuie sur des archives inédites et de nombreux témoignages. Sur les routes gelées de l’hiver russe, c’est un voyage dans la mémoire collective de l’ex-URSS. »
« Ma rencontre avec Assia Kovrigina, à l’occasion d’un colloque international sur les massacres de Babi Yar, en 2011, constitue le point de départ de ce projet. Assia, jeune journaliste et chercheuse universitaire en histoire et littérature, est née en Sibérie parce qu’issue d’une lignée de zeks – après leur détention, les anciens prisonniers du Goualg étaient assignés à résidence dans la région de leur détention » aconfié Michaël Prazan.
Et le documentariste de poursuivre : « A l’occasion de ce colloque, nous avons noué des liens d’amitié. Assia m’a raconté son histoire, celle de sa famille, et notamment de ce grand père, Samuel Shnapir, journaliste à la Pravda, qui fut déporté au Goulag, sans pourtant jamais perdre ses idéaux communistes. Pendant des années, Assia m’a poussé à m’intéresser à l’histoire des « camps spéciaux », m’incitant à lire Varlam Chalamov, le plus grand écrivain des camps de la Kolyma, et à raconter cette histoire toujours méconnue à travers un film documentaire. J’ai fini par me laisser convaincre. A mon tour, je l’ai convaincue d’apparaître dans le film et de devenir sa voix autant que son fil conducteur. Assia me semblait la mieux qualifiée pour nous raconter cette histoire. Elle en porte l’héritage ; sa légitimité est incontestable. »
Et Michaël Prazan de conclure : « Jeune femme moderne et parfaitement francophone, résidant en France depuis de nombreuses années, il m’a semblé qu’elle devait être notre guide dans les méandre d’une histoire souvent prisonnière des idéologies et ensevelie aujourd’hui, du moins en Occident, sous une épaisse chape d’oubli. A travers ses périodes et ses lieux les plus emblématiques, ce documentaire met en lumière la prolifération du Goulag au sein de la géographie soviétique, la conquête, par la terreur et le cynisme, de ces espaces situés aux confins de l’empire. Il montre aussi l’empreinte profonde qu’a laissé le Goulag, et la manière dont il a marqué les consciences de la Nouvelle Russie. Grâce à des prises de vues filmées sur place aujourd’hui, d’abondantes images d’archives, et de témoignages récoltés au long de notre voyage, ce film est nourri de micro-histoires et de portraits qui dessinent, au fil des séquences et de sa progression, une « contre épopée » soviétique ». 

Le 2 avril 2019, France 2 diffusa, dans la case « Infrarouge » présentée par Marie Drucker, « Goulags » par Michaël Prazan.  

Ce film a été sélectionné  en 2020 par le Festival International du Grand Reportage d’Actualité et du documentaire de société  (FIGRA) au Touquet dans la catégorie “Terre(s) d’Histoire”. ” Plongée dans l’un des systèmes pénitentiaires les plus effroyables du XXe siècle, ce documentaire explore les traces du Goulag de Moscou aux confins de la  Sibérie orientale. Il présente cette histoire en suivant Assia Kovrigina sur les traces de son grand-père, un intellectuel juif emprisonné par le régime soviétique. “


France, TV Presse Productions / France Télévisions, 2018, 77 min
Raconté par Sonia Rolland
Un documentaire co-écrit par Assia Kovrigina et Michaël Prazan
Produit par Jacques Aragones
Production : TV Presse Productions
Image : Laurent Chalet
Images aériennes : Louis Didaux
Son : Benjamin Haïm
Montage : Yvan Gaillard
Musique originale : Stéphan Haeri
Avec les soutiens du CNC, de la PROCIREP Société des Producteurs, de l’ANGOA, de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah , et de la Région Ile de France
Avec la participation de France Télévisions

Véronique Chemla

http://www.veroniquechemla.info/2019/04/goulags-par-michael-prazan.html

http://www.veroniquechemla.info/

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