Les mystères d’Istanbul : tragicomédie en trois actes, par Michèle Mazel

Mordi Oaknin, the husband of Natali Oaknin, an Israeli couple who had been jailed for photographing the Turkish president's palace, seen after their arrival in their home in Modiin, on November 18, 2021. (photo credit: YOSSI ALONI/FLASH90)

Mordi Oaknin, mari de Natali Oaknin, un couple israélien emprisonné pour avoir photographié le Palais du Président turc, de retour à Modiin, le 18 Novembre 2021.(photo credit: YOSSI ALONI/FLASH90)

Un couple se promène dans les rues d’Istanbul. La quarantaine souriante. En bons touristes ils visitent la plus haute tour d’Europe et prennent des photos.

« Quelqu’un » les entend parler hébreu. Des Israéliens !  Rapidement entourés par des policiers, ils sont entrainés dans une salle d’interrogatoire puis emmenés manu militari elle dans une prison pour femme, lui dans une prison pour homme.

Un juge vient d’ordonner leur mise en détention. Leur crime : espionnage. Jugez-en : ils ont longuement photographié le superbe palais que le sultan turc Erdogan s’est fait édifier.

Dans tous les kiosques

Ce qui est d’autant plus suspect que l’on trouve dans chaque kiosque de la ville un choix impressionnant de cartes postales montrant ce palais sous toutes les coutures.

Alors quelle raison pouvait bien avoir le couple pour prendre des photos de l’édifice, avec une caméra ultraperfectionnée de surcroît ?

En Israël, on ne s’inquiète pas au début. Les autorités turques vont vite comprendre qu’elles font fausse route et expulser discrètement le couple.

Seulement la situation s’envenime rapidement. Les représentants consulaires israéliens qui ont demandé à voir leurs ressortissants comme il est d’usage, attendent vainement l’autorisation.

Turkey’s President Recep Tayyip Erdogan,in Istanbul, Wednesday, Aug. 5, 2020. (Turkish Presidency via AP, Pool)

La détention provisoire du couple est prolongée de vingt jours. Un avocat local retenu par la famille réussit à voir le mari, qui se plaint d’être à l’isolement et qui s’étonne de n’avoir été interrogé qu’une seule fois et pendant une demi-heure à peine.

Nir Yaslovitzh, l’avocat de Mordy et Natali Oknin qui avaient été emprisonnés pour avoir photographié le palais du président turc, arrive au domicile du couple à Modiin, le 18 novembre 2021. (Crédit : Yossi Aloni/Flash90)

Il faudra attendre plusieurs jours avant que l’avocat israélien puisse rencontrer ses clients ; ensuite les représentants consulaires leur rendent visite, leur apportant enfin des vêtements de rechange. 

Pendant ce temps les autorités israéliennes multiplient les contacts à tous les niveaux pour obtenir la libération du couple, expliquant qu’il s’agit d’une famille sans histoire, deux conducteurs d’autobus qui travaillent pour la grande compagnie de transports Egged ; d’ailleurs la femme a tourné quelques années auparavant un clip publicitaire pour la compagnie ; on l’y voit souriante au volant de l’un des bus.

Natali and Mordi Oaknin, à Modiin, on November 18, 2021. Photo by Yossi Aloni/Flash90

Rien n’y fait. Le ministre turc de l’intérieur, réputé proche du président, déclare dans un discours inflammatoire qu’il y a là de toute évidence une grave affaire d’espionnage non seulement politique mais encore militaire.

La famille en Israël est au désespoir et tente de lever des fonds pour payer la défense.

Soudain coup de théâtre : au bout d’une longue, très longue semaine, un avion affrété dans le plus grand secret par le ministère israélien des affaires étrangères atterrit de nuit à Istanbul et rapatrie les deux Israéliens. Les Turcs se sont rendus à la raison. Il ne faut, bien sûr, pas s’attendre à des excuses.

 MORDI AND NATALI Oaknin stand outside their home in Modi’in yesterday following their release from a Turkish jail. (photo credit: AMMAR AWAD/REUTERS)

MORDI AND NATALI Oaknin stand outside their home in Modi’in yesterday following their release from a Turkish jail.(photo credit: AMMAR AWAD/REUTERS)

Détail intéressant, alors que l’affaire faisait, jour après jour, la une de la presse israélienne et des journaux télévisés, les médias occidentaux, pourtant toujours à l’affut des nouvelles venant de l’Etat juif, sont restés pour la plupart silencieux…

Par Michèle Mazel

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