La Chronique de Michèle Chabelski. Grandir l’Autre

Bon
Jeudi

Une rue huppée de l’ouest parisien.

Les premiers frimas ont cogné Paris, je marche tête baissée pour offrir moins de prise au vent…

Une mendiante est assise par terre, couverte d’oripeaux…

Je vois soudain la dame élégante qui me précède fouiller dans son sac et en sortir quelques pièces.

Qu’elle dépose dans l’escarcelle de la SDF.

Qu’elle assortit de quelques mots et d’un large sourire, puis elle s’éloigne en continuant à sourire à la malheureuse assise par terre…

Et je me demande qui regarde dans les yeux le mendiant à qui on offre parfois quelques piécettes.

Je reconnais que je glisse lâchement mon obole en regardant souvent ailleurs, tant on se sent coupable d’être celui qui donne, privilégié de la vie, protégé d’un toit et d’une intégration sociale…

On rechigne à plonger son regard de nanti dans celui du malheureux déclassé, honteux même parfois, soulagé quand on a tourné les talons en oubliant la misère humaine…

Les quelques mots échangés et le sourire de cette femme ont humanisé un lien totalement asymétrique, en offrant à la malheureuse un retour – éphémère – dans le monde des hommes…

Le pire étant les mendiants serrant dans  leurs bras un enfant aux larges yeux hagards qui posent un regard de supplication muette qu’on voudrait vainement soulager…

Je ne découvre pas la misère aujourd’hui et j’ai depuis longtemps fait mon deuil d’un monde idéal, je décris simplement une courte anecdote qui me renvoie à une certaine lâcheté quand je n’ose pas affronter le regard de celui que la vie a lourdement pénalisé…

Notre égoïsme nous cuirasse contre un un effondrement émotionnel que certains transforment en énergie altruiste au service d’une cause humanitaire…

Donner un sou en regardant ailleurs est mieux que  de ne rien faire du tout…

Mais grandir l’autre en échangeant un éclat d’humanité n’effacera pas son malheur mais lui rappellera l’espace d’un instant qu’il appartient toujours à la race humaine…

Je ne fais pas l’apologie des SDF, des sans-papiers, des gangs de mendiants structurés, des clodos alcooliques, des clandestins, je décris juste une poussière d’étoile qui a pu éclabousser un être humain un petit matin d’automne…

Commémorations du 11 novembre…

Ont-elles encore un sens quand les derniers poilus sont morts, que moisissent dans des malles les uniformes des arrière-grand-pères  parfois morts héroïquement au combat et que le sang séché a été recouvert d’autres sangs versés dans des folies guerrières enragées…

On célèbre la victoire d’une France d’honneur qui a redressé la tête, mais ne restent que les baby-boomers pour avoir connu vivants ces soldats valeureux souvent mutilés à vie…

Pour les autres, c’est de l’Histoire , qui leur rappelle celle de leur pays de naissance ou d’accueil …

Mais l’ennemi d’hier est devenu l’ami d’aujourd’hui dans une Europe qui peine à se fédérer, l’heure est plus à une communion qu’au souvenir d’une haine largement périmée…

 Que cette journée signe la bulle bienfaisante d’une journée qu’on peut consacrer au présent en s’offrant un petit week-end, un bon film, un délicieux massage…

Une pensée pour  les malades et les endeuillés…

Je vous embrasse

 © Michèle Chabelski

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