Charles Baccouche. Eliane Amado Lévy-Valensi Une grande Dame méconnue

            Eliane AMADO Lévy-Valensi une grande Dame méconnue

                                         Une longue histoire d’amour

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On peut trouver la biographie d’Eliane Amado Levy-Valensi un peu partout sur les réseaux d’internet, ou dans des biographies tardives, mais surtout dans ses livres qui ont enrichi la Philosophie, la pensée juive et la psychologie, dans une discrétion étonnante des médias et éditorialistes à l’endroit d’une si grande dame.

On sait qu’elle est née à Marseille le 11/05/1919  et décédée à Jérusalem, le 10/05/2006, qu’elle possédait le Château de Celony sur la route d’Avignon à Aix en Provence.

Qu’elle possédait une belle villa de famille à Saint Mandé.

On sait moins que son père est mort jeune, que sa mère déportée et gazée par les allemands, lui a infligée une blessure inguérissable jusqu’à son dernier jour, et que son parcours fut éminemment solitaire.

On sait qu’elle participait activement aux « colloques des intellectuels juifs de France » avec les Grands de son temps, tels Léon Ashkénazi, (Manitou) André Neher et Renée Neher, et d’autres illustres représentants de l’Ecole de Paris et des anciens des EIF qui ont restauré le judaïsme français disloqué par les Allemands et leurs collaborateurs vichyssois.

Eliane Amado Lévy-Valensi aux côtés d’André Neher, de Leon Askenazi à l’Université de Bar Ilan

L’école d’Orsay, fondée par Robert Gamzon, héros de la résistance à la barbarie nazie, a été dirigée par Le Rabbin Gordin, premier maître ashkénaze de Léon Ashkénazi qui lui succéda à sa mort.

Eliane Amado Levy Valensi participait activement aux Colloques des intellectuels juifs de France dont elle compilait les annales avec ses alter égaux. Elle exerçait avec bonheur une activité de psychothérapeute.

A l’inverse de ce que l’on peut imaginer, le mystérieux Monsieur Chouchani était tellement indépendant qu’il n’a pas pu être un animateur de l’école d’Orsay :  Il apparaissait ici pour disparaître et réapparaître là-bas, brûlant de son impérieux et immense savoir des géants comme Elie Wiesel, Manitou, Levinas, André Neher.

Eliane Amado Levy Valensi  ne l’a pas ignoré, mais n’a pas subi son envoutement.

On apprend qu’elle est sortie Major de l’Agrégation de philosophie, qu’elle a enseigné à la Sorbonne, qu’elle fut l’amie et correspondante de Francine Bloch, leurs échanges se trouvant à la Bibliothèque de l’Alliance israélite universelle.

Le français et l’italien furent ses deux langues maternelles.

Elle a été mariée deux fois, une fois en 1942 et une fois en 1960.

En 1968, Elle monta seule en Israël.

Toutes ces informations ne forment néanmoins ni une vocation, ni une destinée.

Cette Dame exceptionnelle a enseigné la philosophie à la Sorbonne, tout en étant proche des pauvres, des esseulé(e)s, des laissés pour compte, des délaissés sans feu et sans pain.

A Saint Mandé, elle fut la protectrice des âmes perdues d’Israël, les réconfortant, les nourrissant et les entourant d’un amour rayonnant.

Elle poursuivit cette vocation en Israël, où la troupe de ses enfants, comme elle disait, s’est renforcée, y compris ceux qui prenaient sa générosité pour de la faiblesse et sous des dehors de capucins exploitèrent cette dernière sans vergogne.

Elle recevait chez elle les vrais et les faux amis sans distinction, en poursuivant les nombreuses activités qui l’accaparaient à l’Université de Bar Ilan où elle fut acceptée d’emblée comme professeur respectable, auréolée par son prestigieux passé d’agrégée et reconnue come une enseignante brillante, tout en poursuivant une œuvre littéraire colossale, dont la liste des ouvrages se trouve à la fin de ce texte. Elle en a dédicacé de nombreux à notre famille.

On peut avec profit chercher où elle trouvait le temps d’ajouter à ses activités d’enseignement et d’écriture les Conférences données partout dans le monde, en France, au Canada et ailleurs. Elle ne fut pas reconnue par ses pairs à sa juste hauteur.

Ces activités multiples ont masqué la femme avec ses angoisses, ses joies et ses chagrins, qui se révéla aussi une amie et une proche parente attentive et bienfaisante pour ma famille et pour moi-même qui le lui rendîmes bien.

Voici comment Eliane est entrée dans ma vie : J’ai connu mon épouse Mireille en 1967 à Aix en Provence, ville superbe de fontaines  au cœur de la Provence si sèche. Aix, ville d’art, de culture et de musique, avec son Festival d’été qui, imperturbable, débutait avec Don Giovanni et la Flute enchantée, ville de lumière et de beauté, ville d’étudiants par sa Faculté de droit et d’économie et sa Faculté de lettres, en passant par le Parc Jourdan après l’Hôtel du Roi René, pour rejoindre la Cité U et le Restau U.

Au Grillon, terrasse qui nous accueillait pour 50 centimes de franc, Mireille, brune et solitaire, plus aixoise que les aixois eux-mêmes, assise seule au Grillon, ne regardait que le fond de sa tasse ou le lointain chatoiement des fontaines scintillantes au soleil.

On s’est rencontré et avant le mariage, elle me présenta à sa protectrice et amie Eliane Amado Levy-Valensi, grande dame, châtelaine du château de Celony qui fait face au Mas d’Entremont sur la route d’Avignon.

Eliane dispensait sans compter sa générosité à la Communauté juive d‘Aix en Provence, de Marseille et de Paris.

Elle m’apprécia surtout parce que je semblais sérieux dans ma relation avec Mireille, mais aussi pour des affinités intellectuelles et des liens affectifs qui sont les secrets de l’âme.

Eliane Amado Levy Valensi était une gloire de la philosophie, elle enseignait en se fondant notamment sur Jankélévitch, son maître, elle bousculait la psychanalyse sans craindre le microcosme jalousement gardé de ce cercle d’initiés, elle s’essayait aussi à la pensée juive dont « La racine et la Source» et en écrivant de nombreux livres et essais dans les champs piétinés de notre histoire.

Elle animait et suivait les très courus Colloques des intellectuels juifs, (Ils étaient nombreux en ce temps-là). Il faut rappeler que des penseurs et éducateurs tels Manitou et Robert Gamzon pour les EIF et l’Ecole de Paris, Paul Roitman avec Thora vé Tsion, et d’autres tels André Neher et Rina Neher, ont relevé et restructuré les restes de la Communauté juive de France désarticulée par les barbares nazis et leurs complices de Vichy.

Eliane, par nature et par vocation, a pris toute sa part dans cette œuvre de redressement.

Ils ont tous contribué à la sauvegarde de la culture et de la communauté juive après la catastrophe irréparable qui devait amener à la destruction de tous les Juifs de la terre.

Le tonnerre de la Guerre des six jours en juin 1967 a repoussé les ennemis du jeune Etat d’Israël et a élargi ses frontières. En même temps, la victoire éclair de l’armée de défense d’Israël a bouleversé le monde juif et a éveillé l’intelligentsia juive qui, en 1967-1968, prise par un élan messianique irrésistible, monta en Israël.

Les lumières du judaïsme renaissant de France représenté par les EIF, l’école d’Orsay,

André Neher et Renée Neher Bernheim, Léon Ashkénazi, (Manitou) qui devait ranimer l’amour de Sion et appeler au retour au pays des hébreux,  Le grand Rav Hazan, Aumônier des prisons et fondateur du Keren Hatechouva, Eliane Amado-Levy Valensi qui a fait son Alya en 1968 (pas 1967) comme elle se plaisait à dire,  sont montés comme une seule âme à Jérusalem, la ville de l’espoir éternel du peuple juif, jamais abandonné de retrouver un jour son Histoire sur la Terre de ses Pères.

Eliane avait acquis un bel Appartement à Réhavia, 18, rue Hovévéi Sion (Les amants de Sion), pas un hasard pour elle qui aimait faire des rapprochements et se plaisait à rappeler que « Tout est signe disait Plotin ». Elle a repris immédiatement le cours de son écriture et a été choisie pour enseigner dans la prestigieuse Université de Bar Ilan.

Son salon était enveloppé de plantes grimpantes qui obligeait le visiteur à se courber pour se frayer un passage jusqu’à son siège. Sa maison bruissait du murmure de ses amis, de ses admirateurs, de ses patients en psychothérapie et des pépiements des oiseaux qui se croisaient alentour, un Gecko avait élu domicile sur son balcon.

Elle animait aussi, au sein d’une association francophone, des « Hougué bait » (Cercles d’étude) auxquels elle m’a initié.  

Elle trouvait le temps pour nous voir, nous téléphoner pour nous emmener au «shemesh » (Le soleil) réhov Ben-Yéouda, où notre petite fille Judith, née en 1970, s’endormait sur deux chaises accolées. Judith entra immédiatement dans l’affection d’Eliane, et d’ailleurs son deuxième prénom est Eliana.

Eliane, bien sûr, se réjouit de l’arrivée des trois sœurs, Emmanuelle, Sarah et Déborah.

Les années ont passé. Eliane est restée à Jérusalem tout en poursuivant ses activités et ses cycles de Conférences de par le Monde.

Nous allions chez elle dans sa villa de l’Avenue Herbillon à Saint Mandé, nous la recevions chez nous Rue Sainte Marie, allions la chercher et revenions en devisant comme de vieux amis, comme des gens qui s’aiment.

Le temps a rattrapé cette grande dame, qui est partie en mai 2006, quelques mois après Mireille.

Nos allions souvent en Israël et nous restions auprès d’elle, dans son bel appartement tout près, aimait-elle à dire, du Gan hachouchanim.

Nous avons ensemble, parcouru le chemin qui va depuis Aix en Provence jusqu’à Jérusalem.

© Charles Baccouche

ANNEXE : Les œuvres d’Eliane Amado Levy Valensi.

Les Niveaux de lêtreLa connaissance et le Mal, PUF

La Racine et la source. Essai sur le judaïsme. Editions Zikarone

Le Moïse de Freud, Éditions du Rocher

Jobréponse à Jung, Cerf

La Poétique du Zohar, Éditions de l’éclat

La Nature de la pensée inconsciente, JeanPierre Delarge, coll. « Études de psychologie et de philosophie »

La Communication, Ed. Universitaires

Le Temps dans la vie psychologique, Flammarion

Le Temps dans la vie morale, Vrin

LImagination: philosophie et tradition juiveLesempêcheursdepenserenrond – Institut édition Synthelabo

La Dignité des motsLesempêcheursdepenserenrond – Institut édition Synthélabo.

La Névrose plurielle, Aubier

Tentations et actions de la conscience juive, PUF

Les Voies et les pièges de la psychanalyse, éditions Universitaires

Le grand désarroi aux racines de lénigme homosexuelle. Collection Encyclopédie universitaire

La onzième épreuve dAbraham ou de la fraternité, Lattès.

Le Dialogue psychanalytique, PUF / L’actualité psychanalytique

Le Dialogue psychanalytiqueLes rapports intersubjectifs en psychanalyse, PUF

Penser ouet rêver – Mécanismes et objectifs de la pensée en Occident et dans le judaïsme

Lesempêcheursdepenserenrond-Institut édition Synthélabo

Israël dans la conscience juive, PUF

A la gauche du seigneur ou l’illusion idéologique. Editions Bibliophane

A noter: Sandrine Szwarc nous a offert dans Eliane Amado Lévy-Valensi, Itinéraires, la première biographie sur cette intellectuelle juive encore trop méconnue du grand public.

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