Joseph Ciccolini. Dénoncer et bannir : quand les universités américaines dévorent leurs propres enfants

Goya. Saturne dévorant ses enfants. Scène des Peintures noires

 L’actualité universitaire nord-américaine récente a, à travers deux exemples distincts, illustré les délires de la Cancel Culture, cette démarche empreinte d’humanisme, de tolérance à l’autre et de principes démocratiques qui consiste à détruire purement et simplement tout contradicteur ne rentrant pas dans un format idéologique désigné comme la seule doctrine digne d’exister. 

L’exemple du Pr Gordon Klein

Le premier exemple relativement médiatisé est le cas du Pr Gordon Klein, de la faculté d’économie d’Anderson (UCLA).

Le Pr Gordon Klein, [1], juriste et économiste, y a tranquillement enseigné l’économie pendant une quarantaine d’années et officie également comme Conseil dans divers cabinets juridiques en vue. Sa vie universitaire a brutalement basculé au décours d’un email délirant envoyé en juin 2020 par un étudiant Blanc, lui demandant d’appliquer un barème différentiel aux étudiants de couleur noire lors des prochains examens relatifs à ses cours (à priori, les étudiants Noirs en question ne demandaient rien, pour leur part). La motivation était un curieux mélange de violence policières amplifiant les effets du COVID et de stress post-traumatique : « The unjust murders of Ahmaud Arbery, Breonna Taylor and George Floyd, the life-threatening actions of Amy Cooper and the violent conduct of the [University of California Police Department] have led to fear and anxiety which is further compounded by the disproportionate effect of COVID-19 on the Black community. As we approach finals week, we recognize that these conditions place Black students at an unfair academic disadvantage due to traumatic circumstances out of their control.”. Devant pareilles incohérences, le Pr Gordon Klein prend le temps de se fendre d’un mail de réponse circonstancié dans lequel il interroge son interlocuteur sur l’attitude et le barème à appliquer alors aux étudiants métis – terminant par une citation de Martin Luther King sur son rêve de voir prendre fin toute ségrégation raciale aux USA. Cela aurait pu et cela aurait dû en rester là, mais ce mail anodin a tout simplement déclenché l’ouverture de la Porte des Enfers pour Gordon Klein.  Le soir même en effet, une foule de personnes demandait sa démission aux instances de sa faculté et une pétition en ligne sur Change.org (« Fire UCLA Pr Gordon Klein ») récoltait plus de 20 000 signatures.  A ces demandes de mise à mort professionnelle et sociale se rajoutent rapidement des demandes de mise à mort tout court : traité sur les réseaux sociaux de « sale Juif Bigot », on regrette que Hitler ne soit plus là pour « le doucher au Zyclon B ». La police stationne désormais devant son domicile pour le protéger, lui et sa famille.  Comme toujours dans ces affaires, sa faculté d’origine (ici la Anderson School of Economics donc), tétanisée, préfère se ranger derrière la meute des hyènes anonymes (on dit aussi « Social Justice Warriors ») et publie un communiqué consternant de veulerie et de stupidité, s’excusant par avance auprès de toutes les personnes offensées par le mail de son méchant professeur (« Respect and equality for all are core principles at UCLA Anderson. It is deeply disturbing to learn of this email, which we are investigating. We apologize to the students who received it and to all those who have been as upset and offended by it as we are ourselves.”). Pour montrer sa bonne volonté et sa collaboration envers la meute, Le Doyen de la Faculté, Antonio Bernardo, suspend Gordon Klein de toutes ses fonctions éducatives et lui interdit même de remettre le pied dans le campus. Mais se basant sur l’article 209 de la  Constitution californienne qui prohibe toute discrimination liée à la race, d’autres instances d’UCLA (l’Office de Prévention de la Discrimination ainsi que le Comité Universitaire sur la Liberté Académique) condamnent l’administration de Anderson pour sa décision, précisant que rien dans les propos de Gordon Klein ne relevait d’une posture raciste envers les Noirs – tandis qu’une contre-pétition (Justice for UCLA Professor Gordon Klein) sur Change.org demandant le retour du professeur banni rassemble rapidement plus de 75 000 signatures.

Devant cette résistance inattendue et surtout le désaveu public des instances supérieures d’UCLA, le Doyen Bernardo n’a alors d’autre option que réintégrer piteusement dans ses fonctions le Pr Gordon Klein – lequel attaque désormais la faculté en justice pour le préjudice moral et financier subi [2]

L’exemple du Pr Dorian Abbot

L’autre exemple, plus récent, bien moins médiatisé mais tout aussi révélateur du climat délétère qui touche le milieu académique nord-américain, est celui du Pr Dorian Abbott, un géophysicien de Chicago[3].

Ses travaux couvrent une large étendue de champs de connaissances allant du changement climatique aux conditions de vie hors du système solaire – des sujets peu exposés politiquement, si ce n’est vis-à-vis des climato-sceptiques les plus radicaux ayant voté Trump pourrait-on penser. Mais ce n’est pas de cette partie de la population façon QAnon que le courroux divin est tombé sur la tête de Dorian Abbott, mais d’une autre frange tout aussi radicale et non-moins dangereuse pour la démocratie.  Le Pr Abbott a en effet commencé à poster sur divers médias (sa chaîne You Tube notamment) des messages insolents dans lesquels il osait remettre en question le nouveau dogme de la Sainte-Trinité du DEI (« Diversity Equity, Inclusion ») pour lui préférer la stratégie du MFE (« Merit, Fairness, and Equality »).  Globalement, replacer la méritocratie au centre du système de valeurs universitaires des USA, un principe qui pourrait sembler aller de soi, n’en déplaise à feu Richard Descoings.

L’impudent aggrave son cas en publiant en août dernier avec un de ses collègues, Ivan Marinovic, un article dans Newsweek[4]  dans lequel il re-affirme ses positions iconoclastes en faveur de la méritocratie universitaire et s’inquiète des menaces qui pèsent désormais sur la liberté d’expression dans le milieu académique.  Bien que moins violent que le tombereau d’insultes et de menaces qui tombèrent sur le malheureux Gordon Klein, il n’en fallait pas plus pour que les sourcilleux Gardiens de la Révolution Woke montent au créneau sur les réseaux sociaux, selon une stratégie de “name and shame” désormais bien rodée[5].

Bien que (fait notable) la présidence de l’Université de Chicago ait assuré Dorian Abbott de son soutien dans la tourmente,  ce dernier se retrouve toutefois ostracisé par ses pairs tant et si bien que le prestigieux MIT annonce le 3O septembre qu’il annulait purement et simplement une de ses interventions prévue de longue date  (le Pr Abbott devait y donner une conférence lors de la Carlson Lecture, une conférence prestigieuse au MIT) sous la pression d’un groupe de courageux étudiants anonymes offensés par la perspective de sa venue[6].

A la différence de l’Université de Chicago, le MIT a en effet préféré ramper et s’aplatir devant les « Social Justice Warriors » sévissant sur Tweeter. Une autre pétition sur Change.org (« Affirm Prof. Dorian Abbot’s Right to Free Speech and Uphold the Chicago Principles ») a récolté depuis plus de 15000 signatures pour défendre les droits du Pr Abbott à la libre expression, illustrant, comme pour Gordon Klein, qu’un nombre conséquent de citoyens s’inquiètent désormais de la folie Woke qui frappe le milieu universitaire. 

Loin d’être anecdotiques, ces deux exemples sont très paradigmatiques de la dérive totalitaire en cours en Occident – le décalage entre la réalité factuelle (Gordon Klein et Dorian Abbott sont tous deux attachés à la justice sociale, sont des enseignants estimés et rien dans leur propos ne permet de déceler le début de commencement d’un pensée raciste) et le déferlement de haine et de menaces à leur encontre est stupéfiant. Plus stupéfiant encore est la tétanisation de l’autorité académique (le Doyen d’Emerson pour pour G. Klein, le MIT pour D. Abbott)  qui loin de rappeler les principes de base qui régissent l’université, un lieu où l’on produit et dispense du savoir, préfère les abandonner à la meute (une position qui rappelle les mésaventures de Tomas Hudlicky à la Brock University au Canada, lâché lui aussi par son Doyen 1), même si à UCLA et à U Chicago, des instances supérieures ont finalement eu le courage de résister à ce déferlement de haine et faire un rappel à la simple raison.  

Le lynchage social du Pr Gilles Freyer à la Faculté de Médecine de Lyon en 2018 était déjà un avertissement notable

Grave serait l’erreur de considérer qu’il s’agit là d’un soubresaut curieux de la démocratie nord-américaine, comme on en connait parfois. La perméabilité de la gauche radicale européenne aux délires racialistes en cours aux USA n’est plus à prouver, y compris en France. Que chez nous, des étudiants petits blancs issus de familles CSP+ s’inventent à bon compte une vie de « justiciers sociaux » de pacotille pour se donner le frisson qui manque cruellement à leur vie matériellement comblée de fils et filles à papa friqués n’est hélas pas une hypothèse : le lynchage social du Pr Gilles Freyer à la Faculté de Médecine de Lyon en 2018 était déjà un avertissement notable[8]

La question n’est donc plus de savoir si en France les enseignants seront à risque de se retrouver un jour dans la situation de Gordon Klein et Dorian Abbott… mais quand. 

© Joseph Ciccolini

https://decolonialisme.fr/?p=5865

L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires est un observatoire réuni pour lutter contre la promotion de l’antisémitisme, du sexisme et du racisme par la pseudo-science et pour défendre les principes qui dépendent de l’Université: la langue, l’école et la laïcité.

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2 Comments

  1. Il faut ajouter l’influence dominante des racialistes (c’est-à-dire des nouveaux racistes) dans les grands organes de presse ainsi que sur Wikipedia, l’encyclopédie pour les nuls. Il suffit de lire certains articles et de consulter certaines fiches de lecture Wikipedia accessibles au public pour se rendre compte de l’entrisme de la fachosphère woke et indigéniste au sein de la “””communauté wikipedienne”””. Un gigantesque instrument de désinformation et de propagande en anglais comme en français.

    • Wikipedia ( qui tend la sebille aux lecteurs en çe moment ) est puissament maitrisé par des groupes gauchistes anti occidentaux et violemment antisionistes , derriere sa presentation qui se veut neutre se cache une enorme machine a recycler la propagande sorossienne

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