Gilles-William Goldnadel: “Je n’ai plus confiance dans la justice de mon pays”

Gilles-William Goldnadel. AFP

L’avocat voit dans plusieurs décisions de justice récentes, comme la condamnation de Nicolas Sarkozy ou celle de Valeurs Actuelles, le signe que l’esprit subjectif d’équité et de moralité a remplacé l’obligation d’appliquer, sans états, d’âme la règle objective du droit.


Je n’ai plus confiance dans la justice de mon pays. C’est un avocat malheureux qui pèse ces onze mots. Sans aucune jubilation provocatrice. Jamais il ne les aurait écrits au début de sa carrière.

Certes la justice ne saurait être parfaite, s’agissant d’une justice humaine. Mais les effets pervers conjugués de la médiatisation et de l’idéologie à outrance (fut-elle inconsciente) me conduisent à constater qu’aujourd’hui l’esprit subjectif d’équité et de moralité a largement remplacé l’ancienne obligation d’appliquer sans états d’âme la règle objective du droit. Il en résulte un sentiment d’insécurité juridique que partagent avec crainte nombre de gens de robe.

Quelques exemples tirés de l’actualité récente. Ainsi de la condamnation de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bygmalion, je ne veux pas évoquer la condamnation elle-même. Elle a été rendue alors même que le représentant du parquet reconnaissait qu’il ne disposait pas de la preuve formelle de l’implication du prévenu candidat dans l’organisation de sa campagne. C’est donc sur la base d’une spéculation intellectuelle que le tribunal est entré en voie de condamnation. Et je ne souhaite pas spéculer sur une spéculation. Mais j’affirme que le quantum de la condamnation (un an de prison ferme) appliqué à un prévenu au casier judiciaire vierge (le jugement de l’affaire monégasque étant frappé d’appel) est, littéralement, extraordinaire.

Le prévenu Sarkozy était celui qui encourait le moins – n’étant pas poursuivi comme d’autres de ses co-prévenus pour des délits autrement plus graves – et pourtant il est condamné au maximum de la peine prévue en la matière. Pour ce faire, il aura fallu que les juges aillent au-delà des réquisitions pourtant fort sévères du parquet. Pour motiver leur décision, les magistrats ont cru devoir insister sur la gravité du phénomène de dépassement des comptes de campagne. Je songe à cet instant à ces Sages du Conseil constitutionnel qui ont reconnu avec placidité avoir validé faussement les comptes de campagne de Chirac et Balladur de 1995…

On serait donc passé en 25 ans du péché véniel au capital pour justifier la peine maximale. Personne ne m’empêchera donc d’écrire qu’en l’espèce, Nicolas Sarkozy n’a pas été traité uniquement selon les normes juridiques mais selon celles trop subjectives et combien périlleuses de la morale idéologique du temps. Quel que soit le jugement qu’on porte sur l’ancien président, j’aimerais que l’on s’imagine dans quel état d’esprit ce justiciable singulier se trouve lorsqu’il pénètre, comme cela lui est arrivé, dans le cabinet particulier d’une juge d’instruction membre éminente du Syndicat de la magistrature dont il n’a pu obtenir la récusation. C’était pourtant son organisation qui l’avait épinglé au beau milieu de son «Mur des cons». Et l’un des principes généraux du droit stipule qu’un juge ne doit pas, même à tort, être soupçonné de partialité. Et un particulier, même très particulier, a le droit à la sérénité.

Deux autres exemples récents pour expliquer pour quelles raisons l’avocat qui signe cet article n’est plus vraiment serein.

La semaine dernière, on le sait peut-être, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles a été condamné par la XVIIe chambre correctionnelle de Paris pour injure raciale. Il lui était reproché d’avoir représenté la députée Insoumise Danièle Obono en esclave africaine. Cette caricature légendait une fiction qui entendait dénoncer la focalisation indigéniste sur l’esclavagisme blanc et sa symétrique cécité sur la participation des Africains et des arabo-islamiques dans le phénomène de la traite. Était sans doute ainsi reproché à la députée son soutien à Houria Bouteldja, indigéniste de la République, antisémite et anti-blanc assumée. Je dois indiquer à ce stade que cette dernière a été relaxée, elle, par la justice française pour avoir traité les Français de «souchiens».

Philippe Val voyait une atteinte à la liberté d’expression dans le fait de vouloir empêcher la critique caricaturale de la personnalité publique radicale. Rien donc n’y fit.Gilles-William Goldnadel

Philippe Val, ancien patron de Charlie Hebdo, est donc venu vainement dire au tribunal, que selon lui, le caractère raciste de la caricature incriminée était inexistant. Il voyait une atteinte à la liberté d’expression dans le fait de vouloir empêcher la critique caricaturale de la personnalité publique radicale. Rien donc n’y fit.

Il faut dire que la section presse du parquet de Paris avait dès le départ soutenu les poursuites contre l’hebdomadaire. C’est cette même section qui a poursuivi vainement Georges Bensoussan qui avait osé souligner l’aspect culturel de l’antisémitisme islamique et tout aussi vainement tenté d’obtenir la relaxe de la présidente du Syndicat de la Magistrature dans l’affaire du Mur des cons. C’est à cette même section que j’avais signalé en vain des ouvrages islamiques vendus en grande surface appelant au massacre de juifs et de chrétiens comme l’avait révélé Stephane Kovacs dans Le Figaro.

Sans vouloir aucunement commenter cette condamnation frappée d’appel, je souhaite parallèlement en porter une autre à la connaissance de mon lecteur : le Canard Enchaîné a affirmé que le tribunal de Toulouse avait relaxé le 14 septembre l’imam Mohamed Tatai. Le prédicateur de la mosquée En-Nour avait déclaré en public  et propagé sur les réseaux : «Le jour du jugement parviendra quand les musulmans combattront les juifs… Il y a un Juif derrière moi, viens et tue-le». Il paraît que s’agissant d’un précepte religieux (figurant cependant dans la charte du Hamas) il n’y avait rien à redire dans ce cas.

À l’issue de cet article, certains comprendront pourquoi l’avocat malheureux de la sœur de Sarah Halimi a perdu foi dans la justice de son pays.

© Gilles-William Goldnadel

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/gilles-william-goldnadel-je-n-ai-plus-confiance-dans-la-justice-de-mon-pays-20211004

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.

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3 Comments

  1. Cher Maître, savez vous que la seule Radio juive qui existait, RadioJ est actuellement dirigée par des personnages estimables certes, mais très dans le vent politiquement correct. Par exemple, on trouve parmi les invités réguliers à l’antenne, une certaine Hélène Schuman, administratrice du Festival du Film israélien et qui tresse des louanges à Nadav Lapid, pour son immonde film, le Genou d’Ahed. Avec des amis comme elle on n’a pas besoin d’ennemi.
    Amicalement

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