La Chronique de Michèle Chabelski. Dîner ashkénaze

Bon

  Mercredi

     La semaine prochaine retour au schtetl polonais de nos grands-parents…

    Dîner ashkénaze…

  Réclamé par une amie séfarade sans peur et sans reproche.

  Qui compte enfin goûter aux saveurs de ces steppes lointaines qu’elle aperçut autrefois dans Docteur Jivago…

  On va donc lui proposer un menu pur et dur presque lavé de la mixité gauloise qui fait parfois danser nos papilles…

       Je suis plus experte en blanquette et en tiramisu qu’en gastronomie yiddish, mais une ombre de nostalgie est passée sur l’organisation du menu et la Fée Annie se propose de me prêter une petite ration de son talent.

   Menu proposé:

     La traditionnelle salade de pommes de terre aux échalotes ciselées pour accompagner le hareng , le schmalz herring, ce hareng gras qui restera à jamais le symbole de la cuisine ashkénaze.

 Il faut avoir eu des ancêtres grandis dans un schtetl d’Europe centrale pour savourer pleinement l’onctuosité salée et sapide d’un morceau de hareng artistement déposé sur une tranche de pain noir…

  Attention, hein!

    La salade de pommes de terre s’électrise d’un peu de vin blanc et d’une vinaigrette délicatement associée à une cuillerée de sauce tartare…

 Petit hommage à la terre gauloise qui nous a accueillis…

  Quand même…

  Quoique…

 La pomme de terre se moque de l’espace et du temps…

   Elle tutoie les frontières.

      Sauf l’Asie peut-être…

    Mystère des tribulations de valeureux navigateurs…

  Le périple de la patate reste encore aujourd’hui un insondable mystère…

   Foie haché, bien sûr… Gehackte leber…

     Quelques foies de volaille raidis à la poêle avec des rondelles d’oignons caramélisés.  Puis hachés à la fourchette et au couteau – mixer interdit- avec des œufs durs et des oignons crus, ils devraient figurer sur le drapeau israélien ou sur les billets qui circulent au pays du lait et du miel…

 Ce n’e ni un pâté, ni une terrine…

     C’est du foie haché…

 Ne pas tenter d’exégèse…

    Les poulets du Chabbat offraient des foies qu’on mélangeait à des œufs durs – ni vu ni connu, voilà une entrée pour demain…

  L’histoire de la gastronomie est souvent simple…

   Regardez par exemple la tarte Tatin.,

  Un plat renversé, les pommes hâtivement redéposées sur la pâte, hop hop, la belle Tatin que voilà…

Mais on s’éloigne du sujet…

   Des boulettes de poisson qui revisitent la classique carpe farcie ainsi allégée et qu’on va réduire à la taille de mini bouchées pour accompagner l’apéro…

   Nos ancêtres en tonneraient d’incrédulité…

   Wous?

     Du gefillte fish à l’apéro?

       Pourquoi pas en purée ou en gratin? Avec du quinoa ou du tofu?

            Du calme, grand-père…

     Le monde a changé…

       On boira une vodka givrée en souvenir des fêtes d’avant le malheur…

    Puis bien évidemment le plat principal : un klops!

 Pain de viande hachée qui se consommait en alternance avec le poulet bouilli du Chabbat…

   Quelle culture ne possède sa spécificité de viande hachée?

    La boulette unit toutes les ethnies et les religions…

  Mais le petit truc ashkénaze, c’est l’accompagnement .

Je vous laisse deviner.

  Non?

  De la compote de pommes !!

     Les pommes pullulaient en Pologne et se servaient autant en faire valoir du plat principal qu’en dessert…

   Le délicat mélange salé/sucré excitait les papilles de nos grands-parents et raffinaient ainsi des plats par ailleurs assez roboratifs…

   La moutarde existait elle à Lodz?

     Je l’ignore, mais l’autre escorte était bien sûr le gros cornichon macéré dans une saumure à l’aneth et qui signe le judaïsme aussi sûrement que l’étoile de David et devrait figurer sur le fronton de tous les monuments juifs.

    Puis le fleuron de cette gastronomie, qui confirme le génie culinaire d’Annie: le gâteau au fromage, käsekikh, mélange de saveur et de légèreté, une sorte de friandise céleste dont elle a percé le secret pour nous le restituer dans un plaisir qui déchire le ciel et nous fait tutoyer les étoiles…

  Attention, hein!

    Rien à voir avec le cheese cake newyorkais, qui est au käsekikh ce que Guillaume Musso est à la littérature…

   Enfin… Y en a qui aiment…

     Un petit chiffon sera sûrement nécessaire à ceux qui auront impunément bavé sur leur écran, je les comprends, Pavlov est un Russe qui fait saliver contrairement à Poutine qui est un Russe qui fait gerber…

   Bref

   Que cette journée signe le plaisir de la bonne cuisine qui est toujours un lien puissant à notre Histoire…

    Happy Soukkot

   Je vous embrasse

© Michèle Chabelski

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