“Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain”, de Pierre Lurçat

La récente Guerre des dix jours entre le Hamas et Israël a déclenché une nouvelle vague d’hostilité envers l’Etat juif, accusé de commettre des crimes de guerre, d’opprimer les Palestiniens ou d’être un Etat d’apartheid. A travers ces accusations multiples et diverses se fait jour un discours structuré, élaboré depuis plusieurs décennies, celui de l’antisionisme contemporain, qui se décline autour de quelques thèmes majeurs.

Le présent ouvrage analyse l’antisionisme comme une véritable idéologie, pour en comprendre les ressorts et les failles. Il apporte un regard informé sur ce sujet, rendu encore plus brûlant par la crise du Covid-19, qui a ravivé les flammes de la haine envers les Juifs et Israël. Après avoir analysé les différents mythes de l’antisionisme contemporain, il esquisse l’espoir de dépasser l’antisionisme, en instaurant une nouvelle relation entre Israël et ses voisins.

Le rapprochement spectaculaire entre Israël et plusieurs pays arabes du Golfe – qui s’est récemment traduit par la signature des Accords Abraham entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn – illustre la reconnaissance véritable de l’existence du peuple Juif dans sa réalité historique et géographique, par plusieurs pays musulmans, reconnaissance lourde de conséquences.

La signification théologique de ces accords est en effet plus importante encore que leur portée politique et économique. A contre-courant de la théologie arabe de la substitution, ces accords permettront peut-être de détruire le fondement théologique de l’antisionisme musulman et d’inaugurer une nouvelle ère dans les relations judéo-arabes, porteuse d’espoir pour la région et pour le monde entier.


Préambule

Préambule – actualité et différentes formes de l’antisionisme

Après l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut, en février 2019, le débat sur la nature de l’antisionisme a fait irruption dans les médias français, et jusque dans les couloirs du Parlement, où il a été question de pénaliser l’antisionisme, en en faisant une catégorie de l’antisémitisme.

Le président français Emmanuel Macron lui-même a déclaré que l’antisionisme (était) une des formes modernes de l’antisémitisme…

Pour mémoire, le samedi 15 février 2019, le philosophe Alain Finkielkraut était pris à partie par un manifestant en marge d’un cortège des Gilets jaunes, violemment insulté, et traité de “sale sioniste de merde“. L’incident a soulevé une vive émotion en France et suscité un large débat.

La nature même de l’insulte incite à la réflexion : de toute évidence, lorsqu’on traite un intellectuel juif de sale sioniste, le mot sioniste tient lieu de mot-codé, dont le signifiant véritable est juif.

Ainsi, en France aujourd’hui, comme dans l’URSS jadis ou dans certains pays arabes, comme nous le verrons, sioniste est devenu l’équivalent de juif.

C’est en ce sens qu’on a pu soutenir que l’antisionisme était la forme la plus récente de l’antisémitisme. Mais, au-delà des joutes polémiques et idéologiques, qu’en est-il vraiment? Qu’est-ce que l’antisionisme? S’agit-il de la dernière mutation de l’antisémitisme? Est-il seulement un discours radical, maniant slogans et insultes, ou bien peut-être une véritable idéologie, qui mérite d’être analysée, étudiée et si besoin réfutée?

Qu’y a-t-il de commun entre le manifestant parisien qui traite Alain Finkielkraut de sale sioniste, l’intellectuel arabe qui se dit antisioniste par conviction nationaliste ou islamiste, ou encore l’intellectuel juif assimilé qui prétend, lui, s’opposer au sionisme, au nom du judaïsme et en tant que Juif?

De toute évidence, il y a là des manifestations très diverses – voire totalement disparates – d’un phénomène multiforme, qu’on a peine à ranger sous le même vocable d’antisionisme. La différence entre ses manifestations très variées est-elle une simple différence de degré, ou bien s’agit-il de phénomènes véritablement distincts?

Prenons un exemple. Entre les deux énoncés L’Amérique soutient Israël et Les Juifs dirigent l’Amérique, il y a, de toute évidence, une différence de nature. Le premier énoncé est une affirmation factuelle, apparemment objective, qu’on peut évidemment discuter, mais qui ne contient aucun jugement de valeur apparent. Un premier glissement sémantique s’opère toutefois, lorsqu’on passe de l’énoncé L’Amérique soutient Israël, à L’Amérique soutient toujours Israël, puis à Israël est l’instrument de l’impérialisme américain.

Nous sommes là, toutefois, dans une simple amplification du message, qui demeure malgré tout largement similaire. Le véritable saut conceptuel s’effectue, lorsque l’énoncé précédent, Israël est l’instrument de l’impérialisme américain (ou occidental), devient Israël dirige la politique américaine, ou encore, de manière plus lapidaire et radicale, Les Juifs dirigent l’Amérique.

Cette fois-ci, le glissement sémantique n’est plus seulement quantitatif, mais qualitatif. On change de registre, et pour ainsi dire de paradigme. L’historien des idées Pierre-André Taguieff définit ce procédé rhétorique, qu’on rencontre souvent dans le discours polémique, comme consistant à élargir la cible de la stigmatisation[1] . Il en donne pour exemple le passage de l’énoncé Tous les Juifs sont des criminels à l’énoncé Tous les criminels sont des Juif.

Ce procédé rhétorique est utilisé de manière récurrente dans le discours antisioniste. On en donnera un autre exemple, dans un cadre différent, avec l’affirmation que Tous les Israéliens sont des soldats. Cette affirmation a servi au cheikh islamiste Youssouf Al-Qardawi, autorité sunnite proche de la mouvance des Frères musulmans, pour justifier les attentats du Hamas contre des civils israéliens. Dans ce cas précis, l’élargissement de la cible de la stigmatisation équivaut à élargir la définition des victimes permises par le droit islamique, c’est-à-dire la cible des attentats. Le discours antisioniste a ainsi des conséquences tout à fait concrètes, puisque la rhétorique de la haine est mise au service de la violence politique et terroriste, qu’elle justifie et qu’elle alimente.

Il y a donc bien, pour répondre à notre question préliminaire, une différence de degré entre ces différentes formes d’antisionisme.

Dans le cadre de ce livre, nous nous attacherons à répertorier et analyser les thèmes majeurs du discours et de l’idéologie antisioniste, pour comprendre les ressorts et les failles de cette idéologie. Nous ferons l’hypothèse que la Nakba, le Shoah-Business ou l’exploitation de la Shoah par Israël, Sionisme = racisme ou encore Israël, État d’apartheid, ne sont pas seulement des slogans, mais qu’ils sont aussi des éléments d’une argumentation élaborée, dont il importe de décrypter la logique interne et de démonter l’articulation.

Après avoir replacé l’antisionisme dans son contexte historique, nous en analyserons les principales thématiques.


Table des matières


Introduction – L’antisionisme contemporain, une idéologie multiforme aux racines
anciennes
Chapitre 1 – Le mythe de la Nakba et la création de l’État d’Israël
Chapitre 2 – Le mythe du génocide du peuple palestinien
Chapitre 3 – Le mythe de l’État d’apartheid
Chapitre 4 – Le mythe du Shoah Business
Chapitre 6 – Le mythe du peuple palestinien souffrant
Conclusion : dépasser l’antisionisme?

Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain. Pierre Lurçat. Éditions l’éléphant – Jérusalem 2021.

En vente dans les librairies françaises d’Israël et sur Amazon.

Les demandes de service de presse doivent être adressées à pierre.lurcat@gmail.com

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