Eber Haddad. 10 mai 1981. Histoire. Histoires…

10 Mai 1981. Ca fait 40 ans que Mitterrand est devenu le président de la république française. Certains l’idolâtraient, d’autres le haïssaient, moi je m’en méfiais, il ne m’était pas franchement sympathique mais je ne pouvais lui nier son flair politique.

Ce fameux jour reste pour moi comme un souvenir douloureux mais pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la politique. Mon père était atteint d’un cancer du poumon incurable et la médecine s’acharnait à lui faire subir de la chimiothérapie, très douloureuse à cette époque, et de la radiothérapie alors qu’on savait pertinemment qu’il était condamné. L’atmosphère était lugubre et mon père, qui habitait en Tunisie, était venu se faire soigner en France par le professeur Israël, cancérologue et chef de service à l’hôpital Franco-Musulman de Bobigny, ça ne s’invente pas, devenu depuis l’hôpital Avicennes. Il était hébergé chez son frère aîné, avocat comme lui, mais à Paris et tous les deux avaient été des socialistes très convaincus… et très militants ! Mon père a même été « secrétaire général des jeunesses socialistes » en Normandie, à Evreux je crois, avait travaillé avec Mendes-France pour lequel il avait adoration et admiration et l’avait souvent côtoyé.

Les deux frères, mon père et mon oncle, ont tout d’un coup oublié leurs soucis, leurs emmerdes, leur âge, la maladie qui rongeait mon père, et se sont catapultés 40 ans en arrière, rivés devant le téléviseur avec un enthousiasme que je ne leur avais jamais connu, ne ratant pas une image de la cérémonie d’intronisation de Mitterrand, la visite au Panthéon et surtout la poignée de main entre Mendes et Mitterrand. Ils étaient émus aux larmes et égrenaient les souvenirs communs de leur époque de militantisme interrompue par la guerre et l’occupation. Mon père avait toute cette demi-journée totalement oublié le cancer qui allait l’emporter six mois plus tard. Pendant tout un après-midi, il était tellement revenu à sa jeunesse socialiste qu’il s’est presque mis à faire des projets d’avenir.

Le lendemain, la réalité avait repris ses droits et je le conduisais à l’hôpital pour une énième séance, inutile dans son cas, de chimio ou de radiothérapie.

Pendant ce temps la France en prenait pour 14 ans où la Mitterrandie a régné sans discontinuer avec les dégâts qu’on connaît. J’ai très peu partagé les idéaux socialistes de mon père et je n’ai jamais osé lui dire à quel point je les trouvais aussi utopiques que dangereux. Sur un plan personnel je réalise qu’il y a 40 ans que mon père est mort et que malgré nos conflits et nos dissensions, je l’aimais et il me manque.

© Eber Haddad

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