Michèle Chabelski. La tête ailleurs…

Bon

 Vendredi

   Chabbat

   Chabes

     Je ne suis ni monotâche ni monopensée.

   Ou peut-être que si, mais je ne m’en rends pas compte.

  Ce dont je me rends compte en revanche, c’est de la nécessité impérieuse d’agiter les consciences par ma colère qui ne faiblit pas.

 Je suis comme une estropiée qui vit, qui aime, qui rit aussi, en contournant son handicap, en le contrôlant, mais dont elle ne peut jamais se séparer.

 Ma révolte est mon handicap aujourd’hui…

 Je pense avec elle, je me nourris avec elle, je vais même au jardin du Luxembourg en sa compagnie…

  Je fais la queue avec Noa en attendant le retour des poneys partis faire un tour, tête basse, épuisés, le poil sec …

  Et puis arrive un cortège de bestioles rompues, on descend un gamin, on en pose un autre qu’on a coiffé d’une charlotte jetable sur laquelle on a posé de traviole un casque mal ajusté…

  J’ai juché Noa, fière, sur le poney, et le maître des lieux me fourre la longe dans la main avec autorité.

C’est donc moi le cocher pédestre, je crains un coup de bâton pour indiquer le départ, il ne viendra pas, nous démarrons…

  Mon canasson est muni d’un turbo, il accélère le pas et manque de se prendre un poteau dans la tronche…

Je le retiens in extremis.

  Noa est furieuse.

  Tu conduis mal, Mamie, fais attention…

 T’as raison, ma puce.

   J’ai pourtant dix ans d’ancienneté et d’expérience dans la conduite de poney, j’ai aussi fait un master 2, que dis-je un master 2, un doctorat même et de nombreux stages productifs en jardins publics, et haras en tout genre, la longe, ça me connaît, je conduis les bourrins et les pur- sangs comme personne, mais là, ma puce, j’étais un poil déconcentré…

  L’étalon noiraud accélère et ralentit au gré de sa vaillance, j’ai glissé la main dans la dragonne, mais le pouvoir a changé de camp, le canasson devient décisionnaire et moi, je tente de m’adapter au rythme chaotique. Un jeune père, mi play-boy, mi trader prospère, me regarde avec ironie, lui qui tient sa longe avec la hauteur et la désinvolture qu’il doit assurer quand il pose les mains sur le volant tapissé de peau d’agneau mort- né de sa Ferrari, il parle à sa fille qui nous regarde, Fifi Brin d’Acier rigole, le père avance du pas élastique de l’habitué des gymnases chics, Noa ne bronche pas…

 Mon haridelle desséchée soulève des nuées de poussière, un vieux monsieur malencontreusement posté sur la route manque de se faire renverser et je dois le pousser brutalement pour lui éviter le télescopage, il me regarde avec aigreur, en ignorant que je viens de lui sauver la vie…

  Nous retournons enfin à notre point de départ sous les cris de joie des gamins qui poireautaient, je descends une Noa, émerveillée, mais un peu belliqueuse.

  Tu conduis vraiment mal, Mamie…

     Ben, dame !

        J’ai un peu la tête ailleurs en ce moment…

  Que ce Chabbat vous soit néanmoins festif et doux, parfumé aux effluves du couscous et de l’amour des enfants…

  Comme disait ma grand-mère

     C’est toujours ça que les Prussiens n’auront pas…

  Elle le disait en russe, c’est encore plus joli…

   Chabbat Chalom

   A git chabes

     Je vous embrasse

 © Michèle Chabelski

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