Gilles-William Goldnadel: “Que reste-t-il des Césars? Rien”

Pour l’avocat Gilles-William Goldnadel, la cérémonie des César de vendredi, ne fut que l’illustration consternante du conformisme idéologique de notre époque, et de l’absence de courage d’une partie du milieu artistique, qui ne fait plus rêver les spectateurs.


La cérémonie consternante des César de vendredi soir me donne malheureusement le prétexte de poursuivre ces réflexions hebdomadaires que j’ai inaugurées sur la folie idéologique de la société contemporaine au sens quasi psychiatrique du terme.

Mettons aujourd’hui sur la sellette ce monde artistique censé incarner l’empire du Bien et de la générosité.

Mais avant cela, quelques mots évidemment, sur ce à quoi il nous a été donné d’assister et qui constitue l’objet de nos observations.

Un artiste qui venait d’être primé, un certain Jean Pascal Zadi, a cru devoir rendre un hommage appuyé à Adama Traoré sous les applaudissements, sans que quelqu’un eut le courage ou l’intelligence d’émettre le moindre sifflement.

Est-il nécessaire ici de rappeler que le défunt élevé au rang de martyr de la police française raciste, principalement par sa famille composée notablement de délinquants multirécidivistes, se voit contester ce statut judiciairement? Que dans le cadre de la procédure en cours, aucun expert judiciairement nommé n’a confirmé que l’arrestation opérée lors de sa fuite n’avait été la cause unique de son décès?

Que d’autre part, et le fait aura été amplement commenté, le défunt martyr allégué a été gravement mis en cause pour avoir obligé l’un de ses codétenus à pratiquer sur lui une fellation sous la menace d’une fourchette. La victime a obtenu une décision judiciaire d’indemnisation de son préjudice des suites de cette infraction, précisément en raison du décès de son auteur présumé.

On comparera en conséquence l’hommage de cette année 2021 à cet improbable héros avec la cérémonie des César de l’année précédente qui fit scandale par ce que le film Dreyfus et son auteur Roman Polanski furent honorés en dépit du lourd passé sexuel de ce dernier.

Adèle Haenel , pour protester, fit une sortie aussi spectaculaire qu’appréciée pour flétrir une injure faite à toutes les victimes des prédateurs sexuels.

Comment ne pas en tirer la leçon idéologique aveuglante qui s’évince de ces deux démonstrations outrancières autant que contraires: un mâle noir fut-il délinquant sexuel peut-être candidat au martyre, au rebours de son équivalent blanc, condamné à la géhenne irrémédiablement.

Comme si cela ne suffisait pas, lors de cette soirée, effectivement assez infernale, pour évoquer allusivement l’affaire Polanski de l’année passée, Vincent Dedienne, de l’audiovisuel de service public évidemment, vint lourdement mobiliser «Monsieur Hitler», en le citant, et en disant qu’il fallait absolument savoir séparer l’homme de l’homme politique.

On en tirera une autre leçon idéologique: désormais sous l’empire du Bien, on peut faire fi de beaucoup: Dreyfus, Hitler, l’enfance de Polanski au ghetto de Varsovie, mais point de la couleur de la peau, du genre et de l’orientation sexuelle.

Dans ce marigot de méchante sottise et de laideur, est-il dès lors besoin d’évoquer le triste effeuillage de la comédienne Corinne Masiero qui crut devoir se dénuder entièrement en signe, paraît-il, de solidarité avec les intermittents?

La malheureuse espérait peut-être choquer le bourgeois comme elle avait tenté de le faire l’an passé avec une audace équivalente en s’en prenant aux «blancs catholiques de droite».

La seule question que je me pose dans le cadre d’une hypothèse intellectuelle, j’en conviens, assez hardie: Quelle aurait été la réaction médiatique si quelque artiste de sexe masculin avait décidé d’exhiber à la télévision son appendice sexuel pour protester contre la dissolution de Génération Identitaire, par exemple et au hasard?

Je pense qu’il se serait trouvé quelque fin juriste pour soulever la question loin d’être absurde d’exhibition sexuelle publique.

Mais comme disait le président du tribunal correctionnel jugeant Zola , refusant d’aborder l’affaire Dreyfus: «la question ne sera pas posée».

La question ne sera pas posée parce que le monde artistique, et spécialement cinématographique, est le plus conformiste que l’on puisse imaginer. L’académie des César ne pouvait donc qu’avoir l’esprit académique.

Comme je l’ai écrit dans mes «Névroses Médiatiques»: On pourrait écrire un traité sur le conformisme politique cinématographique. Les explications ne manquent pas: obsession de la mode, plaisir de paraître, conformisme de l’anticonformisme d’apparat, esthétisme de la radicalité pépère.

L’histoire a montré, pendant l’occupation sans trop d’aménité, que les artistes ne se comportaient pas de manière plus noblement courageuse que les crémiers ou les avocats.

Aujourd’hui plus qu’hier, le paramètre du temps est le maître à penser. Il suffit d’observer la mode d’une époque pour savoir très exactement ce que regardera uniment le public.

En France, le cinéma d’avant-guerre était exotique, colonialiste et assez antisémite. Pendant l’occupation, la plupart des artistes ont continué à tourner, sans trop d’égard pour leurs camarades empêchés pour raisons raciales, quand ils n’ont pas collaboré ouvertement jusqu’à ce que le vent tourne.

Après la Libération, après une épuration sélective, l’idéologie communiste est la matrice obligatoire du discours sur pellicule durant la période stalinienne.

Mais c’est indiscutablement Hollywood qui fut la capitale du politiquement correct. Monstrueusement paternaliste à l’égard des noirs jusqu’aux années 60, Hollywood, quoique largement représenté par les Juifs, s’est montré d’une pusillanimité particulière pendant la seconde guerre en raison d’un antisémitisme, alimenté par les nazis, qui tenait le Juif comme fauteur de guerre.

Jusqu’à ne pas me prononcer le vocable «Juif», y compris dans le cadre des films de propagande anti-hitlérienne. Les Nababs ont donc courageusement tu la Shoah ( Arthur Sulzberger Jr, patron du New York Times faisait de même) puis après la victoire se sont fait un devoir de toujours trouver un petit Cohen de Brooklyn se faire trouer la peau dans le Pacifique.

De même, dans le domaine des mœurs, et alors que sa conduite individuelle défraye régulièrement la chronique, l’artiste, fleur à la boutonnière, n’est jamais avare, aux Oscars comme aux César, d’une leçon de maintien.

Et voilà pourquoi évidemment, nous en sommes aujourd’hui à l’antiracisme racialiste, à la culture de l’annulation devenue folle .

C’est dans ce cadre immuable où ni le courage ni l’intelligence ne se bousculent, qu’à force de descendre les degrés de l’estime publique, l’acteur ou le réalisateur français n’impressionne plus grandement un particulier qui a fini tout de même par comprendre le scénario immuable. L’artiste a descendu définitivement l’escalier.

S’il lui arrive d’être plus beau qu’un terrien ordinaire, il n’est à présent à ses yeux, ni meilleur à l’intérieur, ni plus intelligent, ni plus généreux.

Le jet-setter musical ou l’acteur aérien, aux multiples pied-à-terre avec vue sur mer, qui recommande aux gens d’accueillir davantage de migrants sans-logis dans leurs deux pièces cuisine, exaspère aujourd’hui plus qu’hier, avec sa générosité qui ne lui coûte pas cher.

Raison pour laquelle de nombreux artistes, qui ont les pieds sur terre et le sens de la distance, commencent à se faire économes de cette générosité ostentatoire … trop virtuelle.

Et voilà pourquoi nous rendrons aux César ce qui leur reste: Rien

© Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.

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