Charles Rojzman. Violences urbaines

Diagnostic (partiel)  écrit  par moi il y a vingt ans: Violences urbaines  

Autrefois il y avait des gardiens d’immeuble partout, de nombreux éducateurs de rue, des policiers ilotiers, des enseignants motivés, des bibliothécaires  … On les a supprimés ? ou alors ils ont dû partir et renoncer ?  Et pourquoi ?

Quatre raisons principales à cela : La première raison est que les professionnels de l’enseignement, de l’éducation et du travail social étaient autrefois les alliés naturels des habitants des cités, et en particulier des enfants et des jeunes pour des raisons idéologiques et affectives. Certains le sont encore, mais ils sont devenus minoritaires. En raison des violences dont ils sont victimes en permanence, ces professionnels se replient et cessent d’être les alliés de cette population. Ainsi les habitants des cités sont de plus en plus isolés et ne trouvent plus de soutien autre qu’en leur bande, leur clan ou leur famille élargie, s’ils en ont une .

Ces professionnels qui se passionnaient jadis pour l’émancipation sociale se désengagent et n’ont plus réellement envie de travailler, surtout parce qu’ils ont peur et ne se sentent pas vraiment écoutés par leur hiérarchie qui de concert avec les politiciens locaux cherchent à ne pas faire de vagues, parfois pour de bonnes raisons comme ce principal de collège qui ne veut pas voir fuir les bons élèves et leurs parents vers des cieux plus cléments. Et puis, en se centrant sur les jeunes les plus violents, en les mettant au centre de toutes les préoccupations, tout le monde oublie un peu les autres et toutes les souffrances invisibles. Les professionnels finissent par ne plus « aimer » les habitants, le quartier. Ils ne sont plus portés par l’espérance qui est pourtant au cœur de leur métier.

L’effet est désastreux encore une fois, car ces jeunes souvent d’origine maghrébine ou africaine, dont les parents ou les grands-parents sont immigrés voient ainsi se confirmer leurs préjugés et leur paranoïa sur les services publics, représentants pour eux de la France : ils sont incompétents, racistes et coloniaux. Cette vision et ce discours qui se répand de plus en plus, je l’ai entendu dans tous les quartiers. Par la suite, ces jeunes peuvent être tout naturellement livrés au caïdat ou à des mouvements communautaristes, voire totalitaires de type islamiste, d’autant plus que beaucoup d’élus locaux, d’enseignants et de travailleurs sociaux, souhaitant avoir la paix, cèdent aux pressions communautaires et religieuses.

La deuxième raison concerne les professionnels de l’ordre, policiers, pompiers, gardiens de prison… La violence et les agressions dont ils sont victimes également renforcent leurs préjugés xénophobes. Chez ces professionnels, les agressions permanentes dont ils sont victimes et auteurs, les poussent à avoir envie de plus de répression, qu’on les empêche par ailleurs d’exercer. Ce qui réenclenche à nouveau un cercle vicieux : plus il y a de violence à l’encontre de ces professionnels-là, plus ils se sentent impuissants à faire respecter l’ordre, plus ils deviennent racistes et font sentir cette animosité à la population que la leur rend bien, et plus ils abandonnent le terrain qui, par ailleurs, est devenu de plus en plus dangereux pour eux.

La troisième raison est que la violence dans les quartiers, les trafics de drogue et les menaces de mort empêchent la circulation de la parole, donc l’information circulante, l’intelligence collective et au final la résolution des problèmes quotidiens. Plus personne ne peut parler. La violence empêche le militantisme, les discussions animées et sincères qui permettraient de mettre sur la table les vrais problèmes qui sont la préoccupation des habitants de ces quartiers.

La quatrième raison est que la violence dans les quartiers est commise surtout par des « basanés » qui, pour les garçons surtout, ne sont pas suivis et surveillés par leurs familles. Cette violence fait fuir les blancs, les « gaulois » des cités, des écoles, des logements sociaux. Cela favorise la ghettoïsation, l’ethnicisation des relations sociales. C’est ce qu’on appelle une prophétie qui s’autoréalise. Et les habitants, et en particulier les jeunes, en viennent à penser qu’on les a « parqués dans des cités ghettos, des quartiers pourris » sans prendre conscience des raisons de cet isolement. Car beaucoup de gens, à cause de la violence, quittent aussitôt qu’ils le peuvent les cités et leurs écoles.

Les conséquences ne manquent pas : cela crée du ressentiment, des paranoïas, de la haine dans toutes les directions, contre les représentants des institutions mais aussi entre bandes rivales, sur fond de trafic ou non.

(à suivre)

© Charles Rojzman

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