Maxime Tandonnet. Islamo-gauchisme à l’université, le réveil des polémiques

Une légère accalmie sur le flanc du covid-19 a libéré la semaine dernière un espace pour une belle polémique. Madame Vidal, ministre de l’enseignement supérieur l’a déclenchée en demandant au CNRS « une enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université ». Cette initiative a provoqué une tempête dont la pétition de 600 universitaires et chercheurs réclamant sa démission fut le point d’orgue.  De fait, l’islamo-gauchisme se présente aujourd’hui comme une idéologie courante et banalisée. Le 10 novembre 2019, lors de la manifestation sur « la lutte contre l’islamophobie » à laquelle assistaient l’ensemble des leaders qui se revendiquent encore « de gauche », la foule a entonné « Allahou Akbar ». En renonçant à la lutte des classes, une partie de la gauche s’en engouffrée dans l’idéal communautariste. Or, cette idéologie islamo-gauchiste bénéficie de puissants relais  dans l’université à travers le syndicalisme étudiant (UNEF).

Cependant, le respect de la vérité impose de rappeler que l’immense majorité des étudiants à l’université, qu’ils soient français depuis plusieurs générations ou issus de l’immigration,  n’a strictement rien à faire de l’islamo-gauchisme. Dans des conditions souvent extrêmement précaires, difficiles et méritoires, les étudiants (apolitiques dans leur immense majorité) ne pensent qu’à suivre leurs cours dans les moins mauvaises conditions possibles, à passer et réussir leurs examens et à parvenir au métier dans lequel ils placent leur espérance. Au moins 80% d’entre eux inscrits à l’université, souvent de milieux modestes [les classes aisées privilégiant écoles et grandes écoles] se trouvent dans cet état d’esprit.

Qu’est-ce que le drame de l’université française aujourd’hui? Le nombre d’étudiants est passé de 310 000 en 1960 à 2,8 millions en 2020. Cette vertigineuse explosion des effectifs s’est réalisée au prix d’un bac totalement bradé (95% de réussite en 2020), de la disparition de toute forme d’orientation sérieuse (en fonction des goûts et aptitudes de chacun) et d’un effarant effondrement du niveau moyen des études – et des diplômes. Sur le plan de la syntaxe, de l’orthographe et de la cohérence, une dissertation lambda de Master 1 (bac +4) aujourd’hui est de qualité nettement inférieure à une copie du brevet (classe de 3ème) des années 1970. Un tiers des étudiants renoncent à l’issue de la première année. Depuis dix ans la condition universitaire se dégrade: le coût moyen d’un étudiant est passé  de 12 261 € en 2010 à 11 468 € en 2018 [et 15890 € pour une classe préparatoire aux grandes écoles]. La Suisse dépense pour chaque étudiant pas loin du double de la France et l’Allemagne un quart de plus.

Le rôle d’un ministre est de traiter ces questions fondamentales dans l’intérêt des étudiants plutôt que de lancer de grandes polémiques stériles. Celle-là ne fera pas reculer d’un pouce l’idéologie islamo-gauchiste bien au contraire. En revanche, elle permettra à la cote de popularité élyséenne de grapiller quelques points supplémentaires dans les sondages en séduisant un bout de l’électorat de droite et d’extrême droite.  La polémique sur l’islamo-gauchisme est exactement de la même veine que le débat du 11 février et le reproche de « mollesse » et de « n’être pas assez dure » adressé à MLP. Tout cela est bien évidemment voulu, concerté, calculé dans l’optique de la réélection de 2022.  Le plus triste au fond – au regard de l’intelligence collective  –  c’est que cela fonctionne tellement bien.

© Maxime Tandonnet

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