Dominique Itzkovitch. L’inceste… Une parole à libérer. Le rôle des psychanalystes

Les livres récents de Camille et Vanessa ont mis l’accent sur une réalité terrible… L’inceste et la pédophilie.

Elle était là, présente, cette réalité, mais elle se cachait, comme tout fléau, pas beau à voir… Mais il y avait le poids du silence, des victimes jeunes, très jeunes, subissant honte, peur, contrainte…

Et aussi le silence de ceux qui savaient… Mais on les aurait désignés… Il valait mieux se taire, et faire semblant…

Ce n’est pas un couple possible, l’enfance et la sexualité. Pourtant, il en est un qui a osé parler de l’enfant comme un pervers polymorphe… Un génie, FREUD. Il a compris l’importance de la sexualité qui est là, très tôt, chez l’homme comme chez l’animal

Dès la naissance, le bébé est séparé de ce qui est, pour lui, l’objet de désir par excellence, la mère, et il subit ainsi le premier traumatisme de la séparation.

La mère devient le trésor AGALMIQUE qu’il recherchera à retrouver, à travers l’autre, ses divers partenaires sexuels, toute sa vie durant. Elle est le DÉSIR ABSOLU, la CHOSE sacrée, ou DAS DING de Lacan.

La psychanalyse est devenue la science de ce tréfonds, de l’INCONSCIENT, lieu de recel du refoulé, des désirs, des peurs, du mécanisme de défense du Moi, car le désir est devenu l’objet de l’interdit.

Les Dix Commandements ont institué, entre autres, l’interdit de l’inceste et de rapports sexuels entre parents et enfants. Il y a donc un IMPOSSIBLE, que reprendra LACAN avec la notion de RÉEL.

C’est ainsi que cet INCONSCIENT est ce domaine du RÉEL, hors SYMBOLIQUE et hors IMAGINAIRE, ce lieu où les rêves et symptômes sont des manifestations de cet inconscient.

Ce lieu d’inscriptions de cette quête impossible.

FREUD dira que l’INCONSCIENT est le schibbolet qui distingue la psychanalyse des autres sciences humaines… SCHIBBOLET étant à entendre comme le mot de passe… à ce domaine du désir et du refoulé que représente l’inconscient.

LACAN précisera… L’INCONSCIENT EST STRUCTURÉ COMME UN LANGAGE…

Ceci établit que les deux hommes ont compris le lien entre cette instance et le langage… L’inconscient a une logique, un langage propres, distincts du langage socialisé, … C’est celui des pulsions, des souvenirs traumatiques, Une logique qui ne connaît pas le temps et les contradictions, qui contient la vérité du sujet dans sa nudité et sans semblants.

Langage du désir en contrevenance avec le social, l’éthique et la morale constitutives d’une vie en société

L’homme, par son éducation, doit rentrer dans le moule, sous peine d’être jugé comme pervers ou psychotique. Hors la loi… Donc…

C’est donc un face à face entre le désir, notion mise en relief par FREUD, qui a eu conscience qu’il amenait la peste… et la Loi, le système social, religieux.

Mais le désir, comme le furet, pour employer la métaphore de LACAN, est là, insidieux, qui se glisse… Il ne peut agir qu à la dérobée, dans le, silence, tapi.

Et dans la contrainte, la violence d’une perversion envers un être plus faible, pris par la peur, la honte, et qui se taira… Et va subir, très longtemps…

Et ceux qui ont compris se feront complices, toujours par honte…

Puis une voix s’élèvera, des années après les faits, Elle a trop mal… Et veut agir pour être mieux, et pour les autres victimes…

La PAROLE DOIT SE LIBÉRER… LA PAROLE VRAIE, CELLE DE LA VÉRITÉ… DU DÉSIR DE L’AUTRE, DU PERE, DE L’ONCLE, DE L’AUTORITÉ

L’homme, le fautif, est désigné par la victime… La société veut encore se protéger… Ne pas reconnaître les faits… Alors, elle nie, par divers moyens de résistance… Elle parle du consentement de l’enfant, du mineur de moins de 13 ans, quant à celui de 13 ans ou plus, il est presque majeur selon la loi, qui a fixé la majorité sexuelle à 15ans… Ce ne sont plus des enfants, ils savent… Freud a bien parlé d’enfants pervers polymorphes…

Eh bien, Non, ce sont des enfants et ils aiment leurs pères, oncles, ou beaux-pères, faisant fonction d’autorité… Et ils subissent, ils tremblent de peur, de honte… Ce sont des victimes d’adultes qui se sont lâchés, mus par leurs pulsions sexuelles… Et agissant tels des criminels qu’ils sont devenus…

Alors, la donne a changé… Quelque chose a muté, le mur est tombé… L’homme social est devenu dessaisi de ses fonctions de père, d’autorité paternelle, et d’homme social, apprécié, reconnu, soudain, une peau sociale s’est effritée, révélant une nudité peu reluisante, celle d’un homme réduit à une JOUISSANCE SANS LIMITES.

Les parlementaires vont faire des propositions de lois pour améliorer la protection des mineurs face à de tels crimes d’adultes…

L’affaire pourrait s’intituler La LOI CONTRE LE DÉSIR, La LOI CONTRE la JOUISSANCE SANS ENTRAVES

Le Sénat a proposé une loi pour fixer le consentement des mineurs à 13 ans, pour poser, dit-il, un INTERDIT SOCIETAL CLAIR. Les mineurs de moins de 13ans n’auraient pas à justifier qu ils n’étaient pas consentants

Mais le frère de Camille, qui avait 13 ou14 ans, pourrait être soupçonné de consentement, comme l’a sous-entendu un philosophe de renom…

Le Garde des Sceaux a tempéré en disant que cette proposition de loi pourrait être perçue comme un affaiblissement de la protection des mineurs de 13 ans à 15ans, et a préconisé que ce seuil devait être revu avec les associations de protection de l’enfance qui plaident pour fixer le seuil à 15ans.

Le Texte fera aussi l’objet de propositions pour renforcer les mesures sanctionnant les violences sexuelles sur les mineurs et revoir la punition de 20 ans de réclusion pour une relation sexuelle incestueuse entre un adulte et un mineur de moins de 18ans.

C’est ainsi, donc que cette LIBÉRATION DE PAROLE a permis de poser la question de la transgression de l’interdit majeur, celui de L’INCESTE, et celle de la LOI.

Elle a permis aussi aux victimes de se libérer d’un poids trop lourd, d’un acte de contrainte hors nature… venu de la part d’un parent aimé.

LACAN a parlé de hainamoration pour désigner cette ambivalence ne pouvant être que perturbatrice entre haine et amour…

C’est pourquoi si les parlementaires ont un rôle à jouer dans cette évolution des lois, Il est évident que les psychanalystes sont aussi, en cette matière, concernés.

D’abord pour aider à la libération de la parole des victimes.

Mais aussi pour étudier l’évolution de la société quant à la notion de désir et de jouissance.

Il me faut, là, citer un psychanalyste éminent, qui a cofondé l’ALi ou Association Lacanienne Internationale où je me suis formée comme psychanalyste. Son essai intitulé UN HOMME SANS GRAVITÉ a contribué largement à la réflexion sur les nouvelles pathologies du JOUIR À TOUT PRIX.

Charles Melman a souligné le passage d’une économie de désir à une économie de la jouissance, ainsi que le passage d’une logique de la névrose à celle de la perversion.

En effet, écrit-il, nous assistons à Une NOUVELLE ÉCONOMIE PSYCHIQUE… L’homme serait sans boussoles, affranchi de tout refoulement, et produit d’une société hyper consommatrice et libérale où il y a banalisation de la violence et perte de la légitimité des figures de l’autorité…

Charles Melman parle de la mutation à la fois de la subjectivité et de la société. Le moteur ne serait plus le DÉSIR et son refoulement névrotique, Mais la JOUISSANCE et sa conséquence, la PERVERSION : une analyse très pertinente qui s’illustre à travers le cas DUHAMEL.

C’est dire combien les psychanalystes sont les témoins directs et les observateurs d’une société en mutation : Ils ont un rôle primordial qui n’est pas assez reconnu par la gouvernance, Et je propose, dans le cadre du THINK TANK DEVENIR que j’ai créé, d’inscrire un débat sur L’ÉTAT DE LA PSYCHANALYSE EN France, et d’y réfléchir sur un certain nombre de revendications pour le statut des psychanalystes.

Enfin, concernant l’inceste et la pédocriminalité, j’insiste sur le fait qu’il faut mettre en relation le texte atroce de cette sénatrice, Annick BILLON, avec la proposition de loi du Sénat où elle est intervenue.

D’autre part, j’avais parlé, quand il était opportun de se réunir librement et sans danger, de consacrer les deux premières réunions du THINK TANK DEVENIR, groupe de réflexions interdisciplinaires, aux problèmes de société et de lutte contre les discriminations et les violences sexuelles, entre autres…

Donc au sujet de l’inceste de et de la PEDOCRIMINALITE, en collaboration avec les associations de protection contre l’enfance, et de prévention contre les crimes sexuels.

Le deuxième thème que j’avais retenu, et qui n’est pas très éloigné du premier, était celui de l’ÉTAT DE LA PSYCHANALYSE, alors qu’elle était critiquée, et qu’une députée LREM avait voulu supprimer un cours à la faculté et remettait en question la psychanalyse…

J’avais contacté, à cet effet, les plus grands psychanalystes, comme Gérard Pommier, Président de la Fondation Européenne de Psychanalyse, Roland Chemama, également Co-Fondateur de cette Association et ancien Président de l’Association Lacanienne Internationale, ainsi que Claude Landmann, également ancien Président de l’Ali, Association Lacanienne Internationale.

Quitte à me répéter, j’insiste encore sur le rôle de premier plan des psychanalystes dans notre société actuelle en mutation… Le psychanalyste est l’observateur et le témoin direct de ces nouvelles pathologies liées à une société flottante quant à ces valeurs… Contestation des valeurs fondamentales de la république, de l’autorité à l’école, au sein de la famille souvent décomposée, désintérêt pour la vie citoyenne, et surtout surconsommation liée à une nouvelle notion… « La jouissance sans entraves », toxicomanie et autres addictions, alcool, tabac chez les jeunes…

Tout ça faisant une mode de vie sans refoulement, la perversion ayant pris la place du mécanisme de défense du Moi qu’était le refoulement lié à la quête du désir…

Les psychanalystes sont aussi mis à contribution dans cette réalité de la perversion, à cette transgression de la loi qu on voit se révéler après des années de silence dans les histoires de violences conjugales ou sexuelles envers les mineurs, l’inceste.

Pour ma part, j’ouvre mes consultations en pratiquant, en dehors des analyses Freudo-lacaniennes, le « psychodrame analytique », utile dans les problèmes liés à l’autorité, aux conflits parentaux, et notamment à ces situations difficiles et  traumatiques d’inceste, de viol…

C’est un travail difficile qui est fait dans les Associations, je veux à cet effet citer la récente Association de mon amie Kathya DE Brinon : SOS VIOLENFANCE.

Enfin, je viens de lire le livre de Camille Kouchner… Il est remarquable, écrit avec les mots justes, sans pathos, il dénote une sensibilité retenue, un sens de l’humain, une simplicité qui vont droit au cœur.

Et, surtout, elle montre le drame de cette relation avec ce beau-père qu’elle a aimé sincèrement, à laquelle elle a réservé la fonction de père symbolique, le père réel étant absent, n’assumant que très mal, par des cris ou des absences, sa fonction paternelle…

Alors, elle en est venue à ce que LACAN a appelé l’hainamoration, mélange de haine et d’amour, d’autant plus dur à éprouver qu’elle se trouvait face à sa mère tant adorée qui imposait le silence et s’est réfugiée dans l’alcoolisme pour échapper à sa propre division.

© Dominique Itzkovitch

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Dominique Itzkovitch

Psychanalyste, Politologue, Dominique Itzkovitch a créé le THINK TANK DEVENIR, qui se veut un centre de réflexions interdisciplinaires sur les grands problèmes de société et de démocratie face à un monde en perte de valeurs démocratiques et en butte à des questions majeures de société.

Pour info: Dominique Itzkovitch est désormais sur DOCTOLIB

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2 Comments

  1. Oui le livre de Camille Kouchner est remarquablement bien écrit, il est facile à lire, clair, intéressant et dès les premières lignes le lecteur comprend bien ce qui s’est passé dans cette famille pas comme les autres eu égard à sa grande notoriété. J’observe que la mort de Marie-France Pisier, très étrangement, n’a jamais fait l’objet d’une enquête très approfondie sur son soi-disant accident dans cette piscine, ou elle fut retrouvée au fond, assise sur une chaise, tout en étant ligotée, selon ce que j’ai pu lire un peu partout dans certains médias!

1 Trackback / Pingback

  1. Frédéric Joseph Bianchi. Je vous suggère de l'appeler : "Loi Duhamel" - Tribune Juive

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