Michèle Chabelski. Chroniques. Suite…

« Ma compagne » et « Votre mari » 29 Décembre

Bon

Mardi

Résumé des épisodes précédents

L’appartement acquis par Paul Cohen et ses sbires doit être rendu habitable…

Je suis chargée de l’opération, aidée d’un bondissant architecte décorateur, Frédéric, qui choisit lui-même ses clients dans un rapport commercial inversé.

Bingo

Il aime le lieu, m’adoube comme cliente recevable, m’offre un ballet composé de sauts et d’entrechats divers au milieu du salon dénudé aux vitres épaissies de poussière et m’envoie son associé pour valider l’affaire.

Le lendemain matin, hirsute, loqueteuse, en jogging poché aux genoux, je me rends au rendez-vous après avoir accompagné les filles à l’école.

La suite

Arrivée dans l’appartement, je découvre un attaché-case noir posé par terre et j’entends la voix de l’architecte qui m’explique avoir emprunté la clé chez la gardienne…

Les pas remontent le long couloir, je suis ravie de constater qu’il a visité les lieux, seul et que je vais pouvoir rentrer rapidement chez moi pour couvrir Cendrillon de vêtements décents…

Les pas se rapprochent…

Une voix chaude et mélodieuse, il est là et me regarde, déconcerté…

Vous êtes Madame….

Michèle Cohen…

Souriante, je lui tends une main ferme.

Cette petite chose pas très reluisante, cheveux en bataille, visage nu, c’est bien la nouvelle cliente du flamboyant décorateur Frédéric M, l’associé essaie de faire correspondre l’image de l’appartement avec celle de cette calamiteuse personne comme un enfant encouragé à trouver l’encoche adéquate a l’étoile qu’il tient à la main…

Non…

Pas celle là mon chéri…

Ca c’est un cœur…

Toi tu cherches une étoile…

Pour l’architecte c’est l’inverse.,

Il a la bonne découpure, mais il cherche la bonne pièce…

Et il peine manifestement à me valider comme la bonne pièce…

Ne mentionnons ni cœur, ni étoile…

Disons un carré ou un rectangle et n’en parlons plus…

Il me fixe en tentant de détourner le regard, ce qui me permet de rencontrer une paire d’yeux bleu azur dans un visage ouvert au sourire à la fois doux et moqueur, il est grand, mince, pas vraiment athlétique, et son attitude reflète une bienveillance amusée, une cordialité teintée d’ironie, une affabilité indulgente…

Le regard est néanmoins perçant, brillant d’intelligence, ce n’est pas Adonis, ce n’est pas Apollon, c’est mieux que ça: un homme, dont je perçois instantanément la sensibilité et cette distance railleuse qui déguise la tendresse en dérision pudique…

Un bloc de charme…

J’ai à la fois envie de finir ma vie ici, dans mon vieux pantalon défait, aimantée par le regard bleu, et de prendre mes jambes à mon cou en hurlant eh!!!! Attendez!! Cette souillon échevelée est aussi une jeune femme à l’élégante vêture, chaussée de pantoufles de vair, aux yeux étincelants quand un regard tendre la couvre de lumière…

Une femme, quoi, une créature de dieu, exquise et délicate, gracieuse et enjouée, radieuse sous le halo qui lui éclabousse la peau quand un soleil la nimbe de rayons amoureux…

Aimez-moi, et vous découvrirez la femme aimante que je suis…

En lieu et place de quoi, je débite d’une voix précipitée sans respirer, j’espère que vous avez tout vu, je suppose que l’état du lieu vous terrorise, je tiens les plans à votre disposition, je suis pressée je dois partir, je…

Rien ne me terrorise, Madame, surtout quand il s’agit d’un lieu aux volumes si intéressants…

Pardon ?

Les volumes de quoi? De qui?

Non je déconne…

J’ai bien évidemment besoin des plans et de votre autorisation pour revenir effectuer un métré…

Et de vous revoir avec Frédéric au cabinet pour débroussailler tout ce…

C’est sans doute lui qui…

Qu’est ce que t’as entendu, toi, dans cette phrase?

Frédéric?

Débroussailler ?

Ben non…

Moi j’ai juste entendu, vous revoir…

Il ramasse sa sacoche, je vois que vous êtes pressée, je vous appelle pour fixer le rendez-vous, ne vous inquiétez pas, je rends les clés à la gardienne, au revoir Madame, au revoir Monsieur, je jette un coup d’œil à la carte qu’il m’a tendue, il s’appelle Jacques, au revoir Jacques, je cours prendre rendez-vous chez le coiffeur, vous les aimez comment ? Brunes ou blondes? Cheveux longs ou cheveux courts? Raides ou bouclés?

Mes yeux noirs ne vous dérangent pas?

Parce que là, je ne peux rien y faire, voyez-vous…

Et ma maigreur ?

Vous l’aimez, ma maigreur ?

Parce que vous comprenez, je n’ai jamais très faim, mais si vous aimez les femmes plantureuses, je me forcerai à avaler des gratins et des charlottes, des blanquettes et des Saint-Honoré, du beurre, de la crème, du sucre à la cuillère et du vin au goulot…

Je rentre chez moi, délirante, les boyaux tordus, décidée à apprêter ce physique qui m’a trahie, à le parer, le farder, le transfigurer comme si nous allions nous revoir dans l’heure qui suit…

Adieu Cendrillon…

Je vais jeter les oripeaux qui m’ont couverte ce matin et aller chercher mes filles dans l’apparat d’une Julia Roberts, ondulant sous le regard de Richard Gere…

´tain…

Je me veux irrésistible, désirable, brûlée sous le regard de feu qui me déshabillera quand…

Quand quoi?

Quand tu le reverras, dépliant plans et devis sur le bureau jonché de papiers, soucieux parce qu’il a égaré une esquisse tracée rapidement, attaché à me faire comprendre…

Le premier rendez-vous se passera en fait dans le bureau de Frédéric, car il est appelé en urgence sur un chantier, et mes étourdissants atours auront un effet plus que mitigé sur la libido du décorateur, plus impressionné par des biceps gonflés et des mâchoires carrées que par un maquillage aérien destiné à mettre en valeur le regard sombre…

Comme si les mecs étaient sensibles au maquillage aérien…

Je reverrai Jacques, venu métrer et photographier l’appartement, prête à l’assister dans cette difficile épreuve…

Peut-être aura-t-il besoin que je tienne le mètre, les pièces sont grandes, ou que j’ouvre une fenêtre pour faire entrer un peu de lumière…

Nous bavardons toujours gaiement, je babille, il m’écoute, toujours avec une sorte d’affectueuse attention, me fait rire de son humour ravageur qui a largement ébréché le quant-à-soi qu’il gérait dans une relation architecte / cliente, je multiplie les rencontres, les prétextes pour le revoir, l’écoutant avec une certaine amertume ponctuer ses phrases de « ma compagne » ….

Ma compagne !!

Évidemment…

Tu pensais quoi?

Qu’il avait attendu de mesurer la cuisine pourrie d’un appartement de l’ouest parisien pour caresser avec délice le projet d’une union charnelle mixte avec une femme s’appelant Michèle?

Tu le croyais vraiment ?

Bah…

Nous buvons des cafés ensemble, enfin lui surtout, moi je déteste le café, dans des bistrots bruyants près du chantier, et je remarque qu’il recherche plus souvent des petits coins paisibles où nous pouvons bavarder plus tranquillement…

Mais « ma compagne » balafre un peu ces moments de gaité et nos rires devenus plus complices…

Sans oublier les cérémonieux « votre mari » qui est ne l’oublions pas le commanditaire de l’affaire dont je ne suis qu’une basse exécutante sans grade et sans statut…

Si.

Épouse officielle…

Titre qui commence à me peser en fait…

Mais me permet néanmoins d’élever mes enfants dans un confort douillet laqué des marques d’affection du papa parfois présent…

Et puis un jour, l’architecte se propose de me présenter l’échantillon d’un tissu qu’il faudrait commander en urgence, car il est menacé d’une imminente rupture de stock…

Si je veux bien, il passera chez moi, m’évitant ainsi un déplacement inutile.

Il arrivera un matin, tôt, avant que j’aie eu le temps de sécher les traces de larmes qui maculent mes joues…

Pas de chance, décidément…

Moi qui mets des heures à choisir un T-shirt chaque fois que je dois le retrouver, me voila en héroïne larmoyante d’un mélo sans intérêt…

Il s’excuse de son intrusion, sort précipitamment l’échantillon de sa sacoche, je le regarde, je m’en fous en fait, j’ai plus envie de mourir que de déménager, je donne mon accord, il me salue, tourne les talons, je me lève pour le raccompagner, il se retourne et me demande d’un air désolé, vous connaissez l’Ambroisie, restaurant situé à l’époque à une encâblure de chez moi…

Oui bien sûr…

Si je passe vous chercher à 20h 30, ce soir, ce n’est pas trop tôt pour vous?

C’est net.

Clair

Sans bavure

Oubliés ma compagne et votre mari…

L’architecte un peu timide, discret, réservé, un rien gauche parfois, touchant de simplicité, d’humanité, de finesse, d’humour corrosif et de culture encyclopédique, s’est mué en un prince affirmé, sûr de lui, qui me propose son blanc destrier pour 20 h30…

Qui aurait osé refuser?

Pas moi en tout cas…

Bizarre que mon nez rouge et mes yeux gonflés aient eu plus facilement raison de sa réserve, de sa retenue, de ses dérobades même, que mes efforts parfois découragés ou rageurs de séduction censés le faire choir de l’indéboulonnable socle sur lequel il avait installé sa vertu….

Ses dérobades qui m’éraflent le cœur, dans un torrent de moralité qui refuse de trahir les promesses engagées de part et d’autre…

La pitié en lieu et place du désir?

Ou l’humanité en lieu et place de la frime?

Le menu fut …

Vous tenez à savoir si nous prîmes un dessert?

Et comment se passa la journée préfigurant l’arc-en-ciel qui allait pigmenter la soirée si longtemps espérée et fleurir la tombe de l’espoir vain qui me rongeait le cœur ?

Bah.

Peut-être que demain…

Sonnez fort à ma porte…

Je vous ouvrirai quelle que soit l’heure…

Mais attention aux rêves fous…

Que cet dernier mardi de 2020 ouvre la porte à l’espérance d’autres mardis moins anxiogènes…

Je vous embrasse

PS: pardon de nouveau si je ne vous réponds pas individuellement.

Je vous lirai avec encore plus d’attention aujourd’hui, et vous répondrai avec mon cœur si ce n’est avec mon clavier….

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Les préparatifs au rendez-vous (30 Décembre)

Bon

Mercredi

Résumé des épisodes précédents

Jacques D, le collaborateur de Frederic, le décorateur, venu un matin proposer un échantillon de tissu qu’il faut commander en urgence pour cause d’éventuelle rupture de stock trouve sa cliente, le nez rougi et des rigoles de larmes mal épongées sur les joues.

Poussé par une singulière pulsion, il l’invite à dîner à l’Ambroisie, élégant restaurant du quartier, précisant juste qu’il passerait la chercher à 20 h30 sans autre précision…

La suite

La dame qui a fait le résumé parle de singulière pulsion…

Elle a oublié de préciser que Jacques et moi avons crée une sorte de lien privilégié au cours de nos rendez-vous à son cabinet ou sur le chantier.

Cafés partagés, bavardages paisibles émaillés de mes éclats de rire, il me parle de peinture, son dada, de musique, sa passion, de son métier et des lubies de certains clients, de son terroir d’origine, les Landes, des mélanges détonants de matières et de couleurs qui révèlent au final des chefs d’œuvre visuels, de poésie et de la beauté qu’il faut dépister et démasquer quand elle se dissimule parfois derrière de trompeuses apparences…

Il lâche exceptionnellement un « ma compagne » et ne laissera jamais filtrer d’autre confidence sur sa vie privée…

Il est disert sans être ennuyeux, cultivé sans être pédant, mentionne respectueusement « votre mari » , son regard est pétillant, un rien railleur, tendre parfois…

Comme un peintre impressionniste, il me fait émerger des ombres de cendres où je fane ma jeunesse, redonne vie à la jeune femme qui s’éteint dans les remugles fétides d’un mariage agonisant…

Il semble savoir des choses qu’il tait évidemment, ne pose aucune question indiscrète, a bien sûr connaissance de la situation officialisée par « votre mari », mais reconnaît mon statut d’interlocuteur exclusif dans le choix des tentures et des papiers peints…

Je suis aussi un passeur de devis, le messager qui transmet les chiffres sur lesquels gronde Paul avant de me rendre le papier signé en grognant tu diras à ton décorateur – TON décorateur, qu’il n’aura pas un sou de plus que ce qui était prévu…

Je ne dirai rien, les transmetteurs transmettent, les décideurs décident et les décorateurs décorent…

Et les clientes choisissent entre un rose, un pêche ou un saumon…

Le bruit, la poussière, les machines sur le chantier nous amènent à terminer nos discussions dans des endroits calmes où serpente sur ma peau un ru d’exaltation qui ressemble à une sève printanière…

Je commence, comme un enfant de CP, à nommer la chose, me surprenant parfois à un choix douloureux entre deux T-shirts les jours de rendez-vous…

Bref

Il est encore tôt ce matin-là, la vie a inopinément ouvert une large fenêtre qui laisse pénétrer un flot de lumière, j’ai rendez-vous avec vous…

Il faut bien évidemment sérier les priorités…

Sécher les larmes, laisser dégonfler les yeux tuméfiés, aller chez le coiffeur, expliquer au figaro qu’il a intérêt à se défoncer pour cause d’urgence vitale, il va rire, ma parole t’as un rencard, toi, tu ressembles à une mite qu’a découvert un cachemire quatre fils…

Ben oui.

Les coiffeurs à qui confient leur tête les dames de la bourgeoisie apparient leurs comparaisons à la stature sociale de leurs clientes…

Je porte pas de cachemire 4 fils, c’est trop chaud…

Il rit…

Mais tu portes des T-shirts de coton égyptien, quand même ?

Quand même !!

Je porte des T-shirts d’une marque synonyme de navire où je fais le plein des sous-vêtements d’enfants…

Quand même !!

Et j’ignore si le coton vient des plaines du delta du Nil où triment des fellahs sous payés ou d’une plantation géorgienne du sud des Etats-Unis où besognent des descendants d’esclaves qui font la cueillette en chantant des Negro Spirituals…

C’est ce que j’explique à l’artiste qui grogne sur un octave élevé, ben elle est pas de bonne humeur, celle-là, aujourd’hui …

Si justement…

Elle est de très bonne humeur, un rien stressée, un chouïa émue, joyeuse, folâtre, guillerette, comme éméchée par l’enjeu…

Puis se pose l’épineux problème du choix de la tenue…

La journée est printanière mais néanmoins plombée de légers nuages gris…

Mon placard finit sur le lit…

Jeans impitoyablement rejetés pour cause de style Emilie va à une boum, robes noires habillées délaissées pour cause de style Marie Bernadette va a un rallye, mini-jupes exclues pour cause de style Fanny va au bal des pompiers, pas de robe transparente style Chantal B va rencontrer Paul Cohen, pas de tailleur pantalon bleu marine style Marie-Claude œuvre au service clientèle de la banque, restent un élégant pantalon noir, jugé finalement pas assez printanier,  et un ensemble de coton saumon dont la jupe danse dans une sensuelle ondulation qui découvre le mollet, assortie d’un cardigan très court fermé par de coquins petits nœuds rayés qui dessinent avec discrétion ce qu’on voudrait montrer sans dire qu’on le montre tout en le montrant – en le suggérant plutôt…

Enfin vous voyez, quoi…

Un truc chic et sexy qui n’étale pas la marchandise comme un éventaire du Carreau du Temple, mais éclaire d’une lueur délicate la grâce de…

Bref

Ce sera l’ensemble pêche…

Accompagné d’escarpins sable à très hauts talons, une paire de minuscules créoles aux oreilles, aucun autre bijou, à nous deux Paris, Jacques arrive dans un quart d’heure…

Oh non!!!

Il pleut!!

Comment garder sa dignité, son quant-à-soi mâtiné d’une once de sensualité feutrée quand on tient un parapluie ?

Et comment ne pas passer pour une détraquée si on sort sans parapluie sous l’averse?

Même si l’averse n’est qu’un crachin…

Tu penses quoi , toi, d’une fille en tenue saumon , maquillée avec autant de soin que de discrétion qui rejoint son promis sans parapluie sous la flotte?

Ce sera avec.

Mais le promis m’attend en bas de chez moi avec un immense parapluie où je m’abrite pour gagner la voiture en effleurant son bras par mégarde ….

Nous nous sommes salué, lui avec cet air toujours railleur qui lui frise l’œil, moi un peu gênée, je l’ai finalement embrassé sur les deux joues en caoutchouc, nous partons dans un éclat de rire qui scelle cette virée délicieusement délictueuse…

Il connaît le patron de l’Ambroisie qui viendra nous saluer avec bonhomie, et nous conseiller sur les merveilles du jour propres à réjouir nos gourmandes papilles…

Le monsieur ne manifeste aucun sentiment de me voir aux côtés de Jacques, « ma compagne » exclue du dîner, si ça se trouve Jacques y amène régulièrement ses conquêtes…

T’es une conquête, toi?

Non, bien sûr…

Moi je suis une cliente…

Ha ha!

Laisse moi rire!

Tu connais beaucoup de clientes qui ont besoin de six à huit heures de temps pour choisir une jupe et un rouge à lèvres ?

Je sais pas.

Je connais pas les autres clientes …

La commande est passée, guidée par les conseils avisés du chef, je n’ai pas très faim, on n’apprend pas assez aux étudiants que l’œsophage est autant le siège de l’émotion que celui de la digestion.

La gorge nouée…

Le regard bleu se fait sérieux…

Je voudrais vous dire quelque chose d’important…

Il est très élégant dans son costume marine, il écarte ses mains larges, très belles, me fixe de ses prunelles claires soudain graves…

Dieu Tout Puissant, Seigneur, je ne suis pas très déférente sur les principes religieux, personne ne m’a rien enseigné, ce n’est pas ma faute, je suis une mécréante, certes, mais encore récupérable, personne ne peut être irrévocablement condamné, j’ai pêché, mais s’il vous plaît, accordez-moi cette lumière qui va éclairer ma vie, laissez-moi respirer cet air aux effluves amoureuses qui me câlinent le cœur, offrez-moi cet écrin de bonheur où s’enchâsse la vision des mains de cet homme qui me ramènera au monde des humains en caressant ma peau avide et mon âme balafrée…

S’il vous plaît…

S’il vous plaît….

Le premier plat arrive et j’ai été très longue ce matin…

Ne vous inquiétez pas…

Il va parler…

Et je vous raconterai…

Demain, même heure ?

Que cette journée signe les dernières emplettes nécessaires pour fêter le départ de cette année de crotte…

Je vous embrasse

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La déclaration (31 Décembre)

Bon

Jeudi

Résumé des épisodes précédents

La journée a été rude.

Surprise le matin en pleine crise de larmes par Jacques, l’architecte venu présenter un échantillon de tissu, voilà Michèle dans une trépidante course à la séduction dans l’après-midi pour honorer l’invitation à dîner proposée par un Jacques, touché par son chagrin.

Et comme Madame Cohen est une fille, déjà tombée sous le charme du regard bleu et du sourire railleur, l’après-midi bouillonne des préparatifs d’une coquette empilant les supposés atouts d’une envoûtante sultane…

Oubliées les filles, l’école, la directrice accro aux puits d’amour, la maman modèle a momentanément fait place à une créature enjôleuse, grisée d’elle-même, éblouie par le soleil qui l’exfiltre du monde des agonisants…

La féminité se porte haut et fier ce soir-là…

Les filles sont ainsi…

La suite

La pluie m’a collée contre mon hôte qui m’abrite de son immense parapluie, cette averse maudite a finalement dévoilé des retombées inattendues…

Arrivés dans l’antre de la gastronomie, nous suivons le maître d’hôtel qui nous installe avec empressement et nous propose un apéritif que je refuse – je ne bois pas d’alcool…

Jacques lève un sourcil…

Jamais ?

Jamais.

L’affaire commence mal, normalement au cinéma nous lèverions une coupe pétillante, les yeux dans les yeux, dans un émerveillement mutuel, ou rôde déjà un désir qui ne dit pas encore son nom…

Me permettez-vous une coupe alors?

Nous trinquons gaiement, faisant tinter sa flûte aux reflets d’or et mon verre de jus de tomate…

Je le rassure silencieusement…

Je n’ai pas besoin d’alcool pour succomber, l’ami, j’ai déjà indûment arqué le tuteur de morale qui me tenait debout, je suis prête à transgresser la parole donnée, déjà piétinée au demeurant par un mari parjure, les serments déshydratés par la félonie se dessèchent et finissent par mourir…

Je ne veux pas périr comme une rani  sur le bûcher conjugal…

Mon jus de tomate suffira à délayer ma foi dans la pérennité des épousailles…

Demandez.

Vous verrez…

Il demande en effet:

Que diriez vous d’une raviole de langoustine?

Une raviole de langoustine?

Oui bien sûr…

Le maître des lieux, accouru saluer Jacques qui m’a cérémonieusement présentée, Madame Cohen, une cliente et amie, me regarde du coin de l’œil en me faisant miroiter les délices de sa raviole de langoustine qu’il a récemment concoctée dans son laboratoire à plaisir…

Vêtu d’une immaculée blouse blanche brodée à son nom et d’une toque, il bavarde avec Jacques qu’il semble bien connaître, il essaie de m’intéresser a une conversation que j’écoute avec courtoisie, brûlant d’impatience de roucouler avec grâce dans ce tête à tête si longtemps espéré…

T’as entendu quoi, toi, là dedans?

Tout juste pochée ?

Sauce à base de bisque de homard?

Pâte à ravioli aérienne?

Moi j’ai juste entendu amie…

Ma cliente et amie…

Si c’est pas une déclaration, ça…

Une avancée en terrain découvert, désarmé, paumes ouvertes, dans une reddition annoncée…

Nous commandons la suite, je n’entends plus grand-chose, mes oreilles bourdonnent un peu, mon cœur bat la chamade, je n’ai pas très faim, il est si près, j’effleure sa manche à plusieurs reprises, nos regards aimantés s’agrippent, se cramponnent, s’épinglent, me statufient sur ma banquette de velours… il détournera les yeux le premier…

J’ai quelque-chose d’important à vous dire…

Ses yeux azur se sont fait graves, la moue moqueuse s’est envolée…

J’ai un peu peur…

La magie s’est couverte d’une buée sombre, la lumière a faibli, il ne tremblera pas en parlant tandis que je frissonne sous les mots…

Que je n’entends qu’à moitié, une sorte de souffle rauque me râpe l’oreille, effaçant la moitié de ses paroles…

J’entends néanmoins, tu es mariée, Paul Cohen est un client…

Ma compagne est aussi mariée et ne divorcera jamais, son mari est très malade…

Putain, mais rallumez la lumière, il fait noir tout à coup…

Je comprends quand même dans le brouillard qui parasite le message que sa compagne n’est pas libre.

Traduction simultanée :

Lui est libre finalement…

Corollaire :

Je dois me rendre libre

Second corollaire : il faut attendre la fin des travaux.

Troisième corollaire :

Il m’a tutoyée…

Non, ça c’est pas un corollaire…

Et regret instantané de n’avoir pas tout entendu : m’a-t-il dit qu’il m’aimait?

Oh !! Petit lapin naïf! Tu t’appelles pas Pan Pan!

T’es à l’Ambroisie, pas dans Cinémonde , Nous Deux, ou les contes de ma mère l’Oye…

Tu t’appelles pas non plus Alice, Arielle ou Aurore…

T’es dans un restaurant chic en compagnie de l’architecte décorateur qui assure les finitions de l’appartement que tu es censée occuper avec tes enfants et Paul Cohen…

Les papillons sont tous morts, dis donc…

Une hécatombe…

Et cette putain de lumière qui ne revient pas…

Mais quand même…

Cette phrase…

Il est libre….

Libre…

Décidément, j’ai été biberonnée au lait de l’espérance…

C’était après la guerre, période de rationnement, Guigoz devait couper son lait…

Moi ce fut avec le poison de l’espérance …

Car enfin, se met en place, malgré la bile qui décompose le goût du carré d’agneau, une ébauche de stratégie amoureuse…

Terminer le chantier, et goûter au chant déraisonnable de la sirène qui fredonne l’air de la ferveur, de la lumière qui fait étinceler le quotidien, de cette joie presque immatérielle qui te précipite à genoux dans un remerciement incantatoire à ce dieu qui n’existe pas, mais qui existe peut-être quand même…

Merci Seigneur de m’avoir accordé l’espérance, cette irrationnelle confiance qui est le suc d’une vie dépolluée de l’amertume d’une incompréhensible souffrance…

Une sorte de vertu laïque qui aide à ne pas sombrer…

Mariée

Chantier

Sont des mots qui vont très bien ensemble…

Mais ce sont aussi des mots qu’on peut effacer à la gomme de l’amour…

Et les enfants ?

Ces filles follement aimées justifient-elles cette mort lente à laquelle m’a condamnée leur père ?

Mais serai-je, moi, la fossoyeuse de cette mascarade conjugale, tragi-comédie jouée par des acteurs boiteux sur les planches d’un théâtre branlant?

Ben, qui sait….

Nous terminons le dîner dans un nouveau tutoiement, que je considère comme l’antichambre d’une intimité qui….

Qui sait ?

Où il y a une volonté, il y a un chemin.

Et ce dîner signera la nausée qui me saisira désormais chaque fois que je m’imaginerai partageant avec Paul le cercueil de l’amour dans une crypte conjugale aux lumières éteintes.

La suite ne sera pas simple, l’amour et les principes engagés dans une bataille rangée où je rebattrai inlassablement les cartes dans une lutte pour la primauté entre le confort des enfants et le vol des papillons qui bruissent dans les boyaux de ma tête…

Tiens…

Une idée!!

Si vous ne vous couchez pas trop tard, revenez donc demain matin!

On en discutera tranquillement ensemble !!

Je vous attends ?

Que ce dernier jour de 2020, signe le trépas de la malédiction qui s’est abattue sur le monde…

Je vous embrasse

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Le boxeur est sonné, mais pas KO (1er Janvier)

Bon

Vendredi

1 er janvier 2021

Chabbat

Chabes

Résumé des épisodes précédents

Jacques, le décorateur, a enfin invité Michele à diner.

A l’Ambroisie, restaurant chic de l’ouest parisien…

Sensible au charme de sa cliente, et conscient de l’attrait qu’il exerce sur elle, il tente une manœuvre dilatoire, expliquant qu’il a une compagne, mariée elle même ,pour laquelle il éprouve une certaine tendresse,qu’il élève seul ses deux enfants, et qu’il ne peut envisager une liaison avec l’épouse d’un client tant que le client reste le client et son épouse, une femme mariée… Ha ha!!

Enfin pour la faire claire, dans l’état actuel des choses, décorateur et cliente maintiendront le statut initial…

La suite

C’est quoi, ce mec ?

Et sa morale moyenâgeuse?

Et pourquoi ne range-t-il pas son charme abrasif dans sa sacoche quand il me voit?

Pourquoi ne gare-t-il pas ses yeux bleus et son sourire moqueur dans une rue adjacente quand nous nous rencontrons?

Pourquoi laisse-t-il danser ses magnifiques mains sur le bureau où s’étalent plans et dessins quand il me convoque?

Pourquoi me caresse-t-il de sa voix si chaude quand il me parle ?

Pourquoi me fait-il tant rire quand il pourrait laisser ses tendres railleries au fond de sa bibliothèque quand nous partageons un café amer au fond d’un bistrot bruyant ?

Pourquoi recule-t-il dans une dérobade mortifère qui a tué tous les papillons qui bruissaient avec allégresse dans ma tête ?

Je range mes questions sous la serviette amidonnée déposée sur mes genoux, il me console, après les coups, le pansement…

Il s’adresse à ma raison, cherchant mon assentiment, deux adultes sensés, bla-bla moi je pense deux adultes consentants , mon esprit assiste, impuissant et désolé à cette débandade absurde et inutile…

Mais pas vraiment inconsolable…

Je ne parle pas, cadenassant dans un sursaut de dignité les mots qui se pressent, se bousculent, se culbutent dans un irrépressible emballement, oh les mots!! Doucement ! Chacun son tour !

Et puis restez plutôt au fond du coffret où vous êtes enfermés, inutile de vous présenter tels que vous êtes, là, rouges et échevelés, impétueux, frénétiques, désordonnés, pressés comme des consommateurs qui tentent d’échapper à l’incendie d’un bar…

Et puis, parler d’une voix éraillée, étouffée de déception et d’amertume, merci bien, pour dire quoi? Où est l’essentiel ?

C’était Noël, le cadeau convoité clignotait devant mes yeux avides, mais patatras, le sapin s’est effondré, la lumière s’est éteinte, un discours imprévisible a froissé le bolduc de la boîte à merveilles que je m’appropriais déjà avec gourmandise…

Les faits, bien sûr…

Mais l’amour et le désir ne sont-ils pas des délinquants transgressant la morale et les interdits?

Non, ils ne sont pas, pense le décorateur…

Si, ils sont, affirme Paul Cohen affichant insolemment une passion adultère…

Ben si, quand même, je souffle, s’ils défient la société et la morale pour certains, ils peuvent bien gambader sur de vertes prairies pour d’autres, suivez mon regard…

Quand même…

Quand même…

Il m’explique que sa femme est partie en abandonnant les enfants et que sa compagne a ranimé en lui le goût de vivre que son épouse avait dynamité…

Mais si elle était mariée…

La morale…

Elle s’apprêtait à divorcer quand son mari est tombé malade et…

Il ne prononcera jamais le mot amour…

J’en conclus qu’il le garde pour nous…

Ben oui, bien sûr…

Car le boxeur est sonné, mais pas KO…

Un genou à terre, crachant malencontreusement deux incisives, mais pas détruit…

Il en a encore un peu sous le peignoir, le boxeur défait…

Client

Mariée…

Compagne…

Rien d’irrémédiable…

Non merci, pas de dessert, le festin a tout à coup un goût de fiel, un peu astringent pour l’estomac…

Au revoir Madame, au revoir Monsieur, le chef est venu nous saluer, ça vous a plu?

C’était exquis, une sorte de rêve éveillé, merci beaucoup , votre talent n’a d’égal que l’élégance du lieu.

Tu parles!

C’est Jacques qui a assuré la décoration du lieu, à la fois sobre, feutré et élégant, qui exposera plus tard le meilleur de son chic savamment patiné dans le site historique de la Place des Vosges où……

Nous n’en sommes pas encore là…

Pour le moment, nous rentrons, la pluie a cessé, plus d’effleurement inopiné sous le parapluie, au revoir, merci, c’est moi qui arbore une moue railleuse, là, très belle soirée, au charme inattendu mais plein d’attraits, délicieux dîner, merci, vraiment, merci, on se revoit au cabinet pour finaliser les derniers détails, je t’appelle, il conservera le tutoiement, ça ne me gêne pas, de toute façon il n’est pas marié !!!!

Le chantier touche à sa fin, on s’est revu amicalement, on a dîné ensemble après une exposition, il était disert, moi attentive, pas Steve Mac Queen et Faye Dunaway, mais quand même…

Je n’ai pas sensuellement remis en place la bretelle glissée de ma robe arachnéenne, je n’ai pas effleuré mes lèvres d’un doigt lascif dans une profonde réflexion sur la position de ma tour, je ne sais pas jouer aux échecs, mais j’ai déployé un arsenal de séduction fait d’une simplicité bon enfant mâtinée d’un regard ardent et concentré et d’une cascade de rires perlés gratifiant l’inépuisable humour du monsieur…

Et j’ai multiplié à l’envi les occasions de se retrouver, moi Michèle, toi Jacques, j’ai bien entendu le message, je ne suis pas sourde…

Une compagnie agréable, en quelque sorte.

Que j’aimerais rendre indispensable…

Puis sonne l’heure du déménagement, la concubine sidérée me voit avec incrédulité partager les nouveaux locaux de son amoureux transi, tout ça dans une ambiance aussi indéchiffrable que sulfureuse…

Le camion transporte mes affres et mes humiliations enveloppées de papier bulle, je fais désormais le grand écart entre le plaisir d’un incompréhensible triomphe sur ma rivale et l’envie de remercier avec effusion mon mari pour ces années de cendres et de plomb qui n’ont même pas réussi à carboniser mon envie de vivre…

Les enfants…

Le chantier est donc achevé…

Inutile de tracer les contours de la nouvelle situation…

Je ne suis plus cliente…

Mais je suis toujours très émue de le revoir…

Nous retournons un soir péleriner à l’Ambroisie, dans une émotion partagée qui….

Oh!

Mais oh!!!

C’est une chronique !

Pas un roman érotique, une sorte histoire d’O matutinale métissée des cinquante nuances de gris qui allument des mèches libidineuses dans vos yeux à peine ouverts…

Non mais…

Nous avons dîné, lui copieusement, moi légèrement, j’étais heureuse, lui déjà captif, les papillons avaient pondu et bourdonnaient dans un raffut d’enfer, nos mains se frôlaient dans une transe électrique qui agitait presque la table, esprit es-tu-là, non merci pas de dessert, l’addition vite s’il vous plaît, vous avez une chambre, non ça c’était Trintignant dans le premier Lelouch, Un homme et une femme…

Cours, Michele, galope à bride abattue vers le destin que tu viens de te choisir, vite, vite, enlace ton cavalier en lui soufflant d’éperonner son destrier, écoute le fer de ses sabots vrombir sur les pavés de la route du nirvana, vole, avale à grandes goulées l’air de la vie qui t’incendie le cœur, serre-le fort, merci Seigneur d’avoir créé la nuit, l’amour et les enfants…

Je vous l’ai dit…

Je n’en dirai pas plus…

Enfin sur cette nuit-là…

Mais bien évidemment le jour succède à la nuit, le calme à la tempête, la dignité à l’humiliation, et aussi le quotidien au feu d’artifice…

Il fallait.,

Mais nous sommes le 1 er janvier, n’est-ce-pas?

C’est l’heure des vœux…

On peut se retrouver demain si vous voulez…

Même heure, même endroit ?

Que cette année vous offre ce préambule indispensable à tout projet : la santé…

Et la sérénité affective, financière, éclairée des mèches d’un bonheur retrouvé dans l’oubli des convulsions de 2020…

La paix bien sûr, dans un monde lavé de la folie aveugle de dégénérés qui n’ont d’humain que le nom.

Excellente année 2021… on peut rêver…

Chabbat Chalom

A git chabes

Je vous embrasse

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