TSAHAL opte pour la victoire, par Daniel Pipes

Ces deux dernières années, on a beaucoup parlé de l’armée israélienne (Tsahal) et de la victoire. Qu’est-ce que cela signifie en pratique ?

En août 2018, Avigdor Liberman alors ministre de la Défense, annonçait que le prochain chef d’état-major de Tsahal serait quelqu’un qui parlerait « de mesures décisives et de victoire ». Et ce quelqu’un, ce fut Aviv Kochavi. C’est lui qui en effet affirma lors de la cérémonie de son investiture en janvier 2019 que l’armée « est entièrement concentrée sur la victoire ». S’exprimant également lors de cette cérémonie, le Premier ministre Benjamin Netanyahu abonda dans ce sens en ajoutant que tous les efforts fournis récemment avaient pour objectif de préparer l’armée « à un seul objectif – gagner la guerre ».

Avigdor Liberman (à gauche) a nommé Aviv Kochavi au poste de chef d’état-major de l’armée israélienne.

Par la suite, Kochavi n’a cessé de garder la victoire sous le feu des projecteurs. Ainsi en 2020, au cours d’une cérémonie, il a par exemple déclaré que « Tsahal est là : paré, fort et offensif. Pour chaque mission, nous serons là, préparés et déterminés. Nous considérons la victoire comme le seul moyen d’atteindre notre objectif. » Naftali Bennett, le ministre de la Défense de plein exercice après Liberman, a également insisté sur la victoire. À une occasion, il a critiqué l’ancien chef d’état-major devenu chef de parti politique, Benny Gantz, pour s’être contenté, lors de la guerre de Gaza en 2014, d’un « arrangement » au lieu d’une victoire décisive. Gantz, indigné, a répondu au moyen de quatre vidéos intitulées « Seul le plus fort gagne ».

Ce thème est si persistant que le prédécesseur immédiat de Kochavi au poste de chef d’état-major, Gadi Eizenkot, s’est senti obligé de se défendre avec acharnement contre des accusations de timidité : « Nous avons combattu le terrorisme de manière assez impressionnante et avons réussi à affronter une réalité complexe et compliquée et à la surmonter. Mais ces jours-ci, certaines personnes, influencées par leurs agendas politiques, essaient de voir en l’armée une institution indécise ayant perdu sa volonté de gagner et trop concentrée sur des questions de gauche et libérales. »

Sous le commandement de Kochavi, l’armée israélienne a développé « Élan » (en hébreu : Tnufa), un programme pluriannuel destiné à remporter cette victoire dont on a tant parlé. Comme l’explique Yaakov Lappin, spécialiste de l’institution militaire israélienne, Élan a revu la définition même de la victoire. Auparavant, celle-ci consistait en des offensives terrestres en vue de s’emparer du territoire ennemi. Désormais, cela ne suffit plus étant donné que l’ennemi peut « continuer à lancer des frappes de guérilla depuis des tunnels, des bunkers ou des bâtiments résidentiels, sur des forces en mouvement (ou à l’arrêt) ou en tirant des salves de projectiles sur le front intérieur israélien ». Dans ce cas, « Israël se voit refuser une victoire décisive ».

Le logo du programme Tnufa (Élan), derrière le président israélien Reuven Rivlin.

Par conséquent, la nouvelle définition de la victoire implique « la destruction rapide des capacités ennemies » telles que les postes de commandement, les lance-roquettes, les arsenaux, les niveaux de commandement ennemis et le personnel combattant. Cette destruction complète est désormais « bien plus importante que la prise de territoires ». Plus les capacités ennemies seront détruites dans le laps de temps le plus court et avec le plus petit nombre de victimes possible, « plus la victoire sera décisive ».

Dans cet esprit, un exercice du programme Élan portant le nom de code Flèche mortelle consistait, comme le décrit  Lappin, « en la collaboration étroite des quartiers généraux clés des unités des forces terrestres, y compris les forces aérienne et navale, le renseignement militaire, le C4i et la direction de la cyberdéfense ainsi que d’autres sections de l’armée. » Comme l’explique mon collègue du Middle East Forum  Nave Dromi, cette coordination à grande échelle signifie que « dans la réflexion des hauts gradés de Tsahal, la victoire n’est plus à la marge mais bien au centre de l’attention ».

Soldats de l’unité 669 de Tsahal au cours d’un exercice.

Élan a de nombreuses autres applications potentielles.  Bennett a préconisé d’étendre cet esprit offensif contre les dirigeants palestiniens : « Il est temps que le gouvernement israélien passe de la défensive à l’offensive. Nous devons créer une situation dans laquelle nous traquons tous les dirigeants d’organisations terroristes, jour et nuit, à l’intérieur et à l’extérieur de sorte qu’ils n’aient aucun répit ni le temps d’organiser des attaques contre nous ». Son successeur au poste de ministre de la Défense, Gantz voit le programme Élan comme un tournant : « Nous vaincrons le Hamas militairement, nous ramènerons le calme parmi les habitants du sud et nous ne permettrons pas que le Hamas s’étende en Cisjordanie. »

Bravo à Tsahal pour avoir évolué de la simple possession de territoire à « la destruction rapide des capacités ennemies ». Bravo pour avoir développé – comme il sied à l’armée – une mission qui concerne la tactique et non la stratégie. Élan vise avec raison à gagner sur le champ de bataille et non à contraindre l’ennemi à renoncer à ses objectifs à long terme, ce qui relève du domaine politique.

Prochaine étape, les responsables politiques devront s’appuyer sur le programme Élan et étendre à l’arène politique le mouvement vers la victoire. Cela passera par l’élaboration d’un plan parallèle destiné à convaincre l’ensemble de la population palestinienne qu’Israël est solide et permanent, que la comédie a assez duré, que les Palestiniens ont perdu la guerre, que le moment est venu de rejeter la politique du rejet et de vivre en bon voisinage avec Israël. Qu’en pensez-vous, Monsieur le Premier ministre ?

M. Pipes (DanielPipes.org@DanielPipes) est président du Middle East Forum. © 2020 par Daniel Pipes. Tous droits réservés.

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