“Hold-up”. Dénonciation d’une “manipulation mondiale”?

Extrait du film Hold-up de Pierre Barnérias, 2020. Capture d’écran

Pandémie, 5G, cryptomonnaies, Bill Gates : en un peu moins de trois heures, le film Hold-up, qui connaît une large diffusion sur les réseaux sociaux, présente la crise du Covid-19 comme un grand complot. Au-delà des contre-vérités et des raccourcis du film, la RTBF s’est penchée sur les ressorts qui en font l’efficacité.

Financé et diffusé sur les réseaux sociaux, le documentaire Hold-up connaît ces jours-ci un important retentissement. Pendant près de trois heures, il prétend démontrer une “manipulation mondiale” : celle d’une pandémie fabriquée de toutes pièces par les grands de ce monde pour aboutir à un contrôle total de l’humanité.

En partant des incohérences et des conséquences supposées des mesures sanitaires, il présente peu à peu la théorie d’un grand complot dans lequel tout s’expliquerait par un large plan secret qui relie tout : de la “création” de la pandémie à la 5G, en passant par les cryptomonnaies, les détenteurs des médias, l’industrie pharmaceutique et les grandes fortunes, comme Bill Gates.

Comme l’observe la RTBF, les auteurs du documentaire, Pierre Barnérias et Christophe Cossé, ont tous deux travaillé pour la télévision et sont rompus à ses codes formels. Résultat :

Interviews sur fond noir, musique qui respecte les lois du genre, ralentis à certains moments clés du discours, documents et images d’archives mis en évidence.”

Quant aux intervenants, nombre d’entre eux “ont un point commun : leur crédibilité a été mise en doute à un moment ou un autre ces derniers mois. Dans le film, leur discours mélange du vrai, du faux et des éléments sur lesquels la communauté scientifique n’a pas encore de certitudes.”

Au-delà des nombreuses contre-vérités, que plusieurs médias français se sont attachés à détailler, la RTBF s’est penchée, dans un second article, sur les mécanismes qui sous-tendent ce documentaire et qui font sa force de persuasion. Elle en détaille trois.

  • La construction d’une communauté

“Le narrateur se présente à notre hauteur”, relève le site de l’audiovisuel public belge francophone. Le film commence par énoncer des dysfonctionnements et donne par exemple la parole à un chauffeur de taxi “indigné de l’absence de protection pour le personnel soignant durant la première vague”. Mais ce témoin “sait-il seulement que son témoignage est utilisé dans un documentaire qui aboutit à la thèse d’un grand complot mondial ?” interroge l’article.

“Ce qui frappe, tout au long de la vidéo, c’est la constante invocation de l’appartenance à une communauté”, relève Vincent Yzerbyt, professeur de psychologie à l’université catholique de Louvain (UCL).

Le spectateur est invité à prendre la mesure de son appartenance à un collectif plus large, celui des personnes qui sont lésées dans la situation, qui sont les jouets d’un certain nombre de personnes qui ‘tirent les ficelles’ et elles sont confrontées à des ‘lanceurs d’alerte’ qui ont la ‘présence d’esprit’ de vouloir informer les foules et les masses lésées.”

  • Le pied dans la porte

La thèse du grand complot n’est pas présentée d’emblée, ce qui pourrait susciter un rejet de la part du spectateur, mais amenée progressivement. Or, au fur et à mesure de la narration, on devient de plus en plus susceptible d’accompagner le raisonnement, comme le souligne Vincent Yzerbyt.

Quand on a passé beaucoup de temps à regarder, tel un dossier judiciaire, des éléments qui constituent un édifice, on est entraîné dans une inclination à souscrire au complot, et à se dire que cette conclusion, on la tire presque soi-même : ‘Il n’est pas possible d’avoir autant d’éléments douteux, s’il n’y avait pas un élément cohérent qui sous-tendait tout cela.’

  • Une explication simple à la complexité de la situation

C’est le propre des théories du complot : leur aspect holiste. On donne enfin sens à un monde difficile à appréhender et dont la complexité peut susciter un sentiment d’impuissance. C’est particulièrement le cas dans le contexte sans précédent de la crise que nous traversons.

En regardant un film comme Hold-up, tout s’éclaire, car tout est prétendument lié, comme l’explique Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’université libre de Bruxelles, à la RTBF On ne comprend pas cette pandémie, ces mesures restrictives autour de nous, et là, on a in fine une explication toute simple : ‘C’est un énorme complot mondial.’”

Enfin, les experts interrogés par le média belge livrent quelques conseils pour répondre à des partisans de ces théories, lors d’un hypothétique repas de Noël par exemple. Ils recommandent, dans la mesure du possible, de laisser de côté ses émotions pour aborder le débat, et d’éviter l’expression “théorie du complot”, que notre interlocuteur, s’il en est adepte, aura tôt fait de disqualifier, comme le résume le site d’information :

Pour les membres de cette communauté, l’expression ‘théorie du complot’ elle-même aurait été délibérément créée par les élites pour discréditer les personnes en voie de découvrir les vérités cachées.”

Source: RTBF Bruxelles. 13 novembre 2020

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