François Durpaire: « Quoi qu’il se passe maintenant, c’est une victoire du Trumpisme »

Au-delà de l’incertitude qui demeure, quel est pour vous le fait marquant de cette élection ?

Pour moi il y en a deux. Le premier fait marquant, c’est que les sondeurs se sont encore trompés ! Ils ont sous-estimé les électeurs de Donald Trump. Le second fait découle du premier, c’est Donald Trump lui-même, président des Etats-Unis, qui déclare : “On est en train de nous voler l’élection !” C’est inédit dans l’histoire politique du Pays.

Cette élection est-elle un crash-test pour la démocratie américaine ?

Oui et non. Non, si on considère le nombre d’Américains qui se sont déplacés pour voter ; on doit se dire que c’est un formidable moment de démocratie ! Les Américains ne sont peut-être d’accord sur rien, mais ils sont d’accord sur une chose, c’est de voter pour se départager. Nous avons plus d’images de gens qui votent que de gens qui se battent. Mais oui, quand même, ce scrutin constitue un crash-test pour la démocratie américaine, car les candidats ont uniquement leurs supporters derrière eux. Ils peinent à unifier le pays et beaucoup d’Américains vont dire : “Ce n’est pas mon président…” Rappelez-vous que certains reprochaient déjà au président précédent, Barack Obama, ne pas être né aux Etats Unis et par conséquent ne pas être légitime pour être président. Quant à Georges W. Busch, son élection en 2000 s’est déjà jouée devant la Cour suprême. Donc, si Joe Biden est élu, beaucoup diront qu’il a été sur tapis vert et qu’il a volé l’élection.

Est-ce qu’une réflexion peut justement s’engager sur les modalités du vote, qui ne correspond peut-être plus aux besoins d’une démocratie moderne ?

On se pose la question depuis quatre ans de savoir si ce système est réformable. La question qui se pose régulièrement concerne les grands électeurs et l’éventualité de leur élection à la proportionnelle, qui correspondrait à la réalité de la population de chaque Etat. Car aujourd’hui, on surévalue les petits états ruraux. C’est une possibilité qui est envisagée mais qui sera très compliquée à changer, car changer la constitution américaine implique d’avoir l’accord des deux tiers du Congrès et la majorité des Etats. Pas simple… On peut penser que cela n’arrivera pas.

Sans vous demander un pronostic, comment voyez-vous la situation évoluer ?

Deux scénarios sont possibles. Joe Biden est en ballottage favorable. Il a remporté le Wisconsin et on peut penser qu’il va gagner le Michigan (une victoire confirmée après l’interview, NDLR). S’il gagne la Géorgie cette nuit, il est élu. S’il n’a pas la Géorgie, il peut viser le Nevada, ce qui lui ferait pile poil le nombre de grands électeurs. On le saura ce jeudi. C’est le scénario du meilleur pour Joe Biden. S’il ne remporte pas ces deux derniers Etats, on va se retrouver avec une Pennsylvanie déterminante, avec un comptage très long qui peut durer trois jours. Et ce sera contesté par le camp républicain.

Trump brandit la menace de la saisine de la Cour suprême, mais il ne peut le faire comme ça ?

Non, mais le parti Républicain a déjà engagé une série de recours contre les prolongations de réception des bulletins de vote en Pennsylvanie. Il faut bien sûr que ces procédures aillent à leur terme, que les cours fédérales prennent des décisions et qu’ensuite, seulement, la Cour suprême finisse peut-être par trancher. Cela avait été le cas en 2000. C’est ce qu’espère Donald Trump en contestant tout ce qui est possible. Tous les votes arrivés par la poste vont être contestés par les Républicains. Si la procédure allait au bout, la Cour suprême pourrait trancher en décembre.

On a tout de même le sentiment que Trump lui-même envisage la défaite…

Il l’a envisagée en effet mardi en déclarant que c’était difficile pour lui d’admettre cela… On pourra tout de même se dire, s’il perd, que c’est une défaite par la grande porte ! Il y a plus d’Américains qui ont voté pour lui en 2020 qu’en 2016. C’est une victoire du Trumpisme. Il pourrait même envisager de se représenter dans 4 ans. Imaginez ce pauvre Joe Biden, avec un Sénat qui lui est hostile, des juges à la Cour suprême hostiles, et avec des tweets cinglants et incessants de Donald Trump… Cela l’empêcherait de gouverner sereinement.

Source La Dépêche

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1 Comment

  1. Dans cette affaire les média français feraient bien de faire leur introspection. Outre qu’ils n’auraient jamais osé censurer le président même si -chose inimaginable- il prenait quelque liberté avec la vérité, aucun média n’a relevé que les observateurs républicains étaient positionnés sciemment en un lieu d’où Ils étaient dans l’incapacité de vérifier le dépouillement. Seule l’envoyée spéciale de l’A2 l’à mentionné dans une édition de la nuit.

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