Pauline Bayart. : “Si tu n’aimes pas la France et sa culture, tu pars !”

La Marianne en pleurs de Benjamin Regnier

Yahia Zenasni et Yazid Amara m’attendent dans la mosquée de Beuvrages, située en face de la voix ferrée, à côté de la déchetterie. De dehors, on entend le chant des enfants qui sont en cours. Yahia et Yazid m’invitent à les suivre, déchaussée, dans cette vaste salle recouvert d’un tapis vert et de mosaïques bleues sur les murs. Un lieu de prière ouvert à tous, « même aux non musulmans« , affirment-ils. Eux sont les chargés de mission dans cette mosquée qui accueille jusqu’à 1 200 fidèles lors des grandes fêtes musulmanes, depuis presque 40 ans. « Ici, c’est un lieu de vie, un peu comme un centre social. » Puis, Yazid me lit le message que le président de la mosquée, Ali Zenasni, a écrit après l’attaque contre Samuel Paty vendredi dernier : « C’est un acte d’une horreur absolue que nous condamnons sans réserve, qui est à l’opposé de nos valeurs. (…) Ensemble, continuons à construire cette espérance pour un monde plus uni, davantage solidaire et encore plus fraternel. » Comme à chaque fois qu’un acte terroriste est commis ces dernières années, par un criminel prétendant agir au nom de l’Islam, c’est toute la communauté musulmane qui est injustement frappée en plein cœur et contrainte de rappeler systématiquement qu’elle n’a rien à voir avec ces actes isolés.

Que ressentez-vous après ce drame ?

J’ai deux colères : l’une porte sur l’assassinat de ce professeur qui n’a rien demandé. Il a respecté toutes les règles du programme de l’Éducation nationale. Il a voulu démontrer ce qu’est la liberté d’expression. Malgré ses demandes répétées auprès de l’Éducation nationale, il n’a pas été protégé, il a été abandonné. Ma deuxième colère porte sur la façon dont le Gouvernement et les médias ont montré du doigt la communauté musulmane. Je me suis senti agressé, insulté, malmené en tant que musulman. Ce jeune homme a agi en son nom. C’est un incident isolé. Pourquoi nous, les musulmans, serions-nous responsables de ce qu’il a fait ? J’ai 56 ans, et je n’ai jamais fait de mal à qui que ce soit. On n’est incapable de faire du mal à une mouche. Nous respectons les valeurs de la République. Si j’avais assisté à cette scène, j’aurais tout fait pour protéger Samuel Paty, car il est du devoir du musulman de sauver une vie et non de la reprendre. La majorité d’entre nous aurait agi de la sorte. Je suis né en France, j’ai grandi en France, j’y ai étudié de la maternelle à l’université. Et ça me fait mal lorsque l’on associe terrorisme et islamisme.

L’Islam est une religion de paix et de respect. Comment expliquez-vous que certains, qui commettent des crimes au nom de l’Islam, puissent en avoir une interprétation différente ?

Nous sommes 2 milliards de musulmans sur la planète. Les radicaux représentent une minorité. On les rejette et on les condamne. Il y en a eu dans cette mosquée, on les a mis dehors. Celui qui se prétend musulman doit savoir ce qu’est l’humanité. La règle d’or dans l’Islam est que tout est souplesse, rien n’est rigide. Les terroristes ont un égo surdimensionné. Celui qui ne fait pas miséricorde à son prochain n’est pas digne d’être un musulman. De cette miséricorde découle le pardon, l’entraide, la solidarité, la compréhension. C’est ce qui nous rassemble malgré nos divergences. Le respect des uns et des autres est le point d’intercession.

Les musulmans ressentent-ils une forme de lassitude face à ces évènements et leurs conséquences ?

Nous sommes fatigués. Le terrorisme n’a pas de religion. Je me sens agressé dans ma dignité en tant que musulman. Celui qui a fait ça n’est pas musulman. Nous sommes des gens pacifiques. Et la plupart d’entre nous vivent en parfaite harmonie avec les autres communautés religieuses. D’ailleurs, les prêtes et certains intellectuels nous soutiennent.

Comment lutter contre ces
comportements ultra-violents ?

Beaucoup connaissent mal les religions. Les lieux de culte font du bien à la jeunesse. Les prêches ne sont que paix et amour. Le danger réside dans l’ignorance. L’Islam dit que celui qui tue une personne tue toute l’humanité. L’éducation est l’arme absolue.

Le fait de montrer des caricatures du Prophète en classe vous choque-t-il ?

Dieu est sacré. Notre religion nous interdit de caricaturer les prophètes. En revanche, je vis dans un pays qui autorise la caricature et cette forme d’humour, donc je l’accepte. Soit on s’adapte, soit on va ailleurs. Celui qui n’est pas content, il prend sa valise et il s’en va. Si tu n’aimes pas la France, ne vient pas commettre des dégâts au nom de l’Islam. Moi, ici, je suis bien, tout me plaît. Cette France-là, celle qui nous a élevée, on l’aime. Notre vie est ici. P. B.

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