Fahri Daniel. J’ai huit mois. Il fait terriblement chaud à Paris ce 16 juillet 1942

J’ai huit mois. Il fait terriblement chaud à Paris ce 16 juillet 1942. Mes grandes sœurs Lucienne et Micheline sont avec Maman et moi, sans doute à la maison malgré la canicule. En effet, notre tante Marie, soeur de Papa, est venue hier soir depuis le 9ème arrondissement où elle habite avec son mari Bernard Pinkusiewicz, pour nous prévenir d’une rafle imminente des Juifs.

Du coup, notre voisine de palier, Odette Launay, héberge toute la famille dans son deux pièces en plus de son mari et de son fils. Plus tard, Odette Launay sera première vendeuse chez le grand couturier Jacques Heim, puis suppléante de Michel Habib Deloncle dont elle occupera le poste de député lorsqu’il sera ministre.

Je donne ces détails pour dire la grande dame qu’elle a été, ce qui ne l’a pas empêchée de sauver une famille de modestes immigrés juifs de Turquie de l’arrestation et de la déportation.

Notre tante Marie, elle, sera arrêtée avec son mari et  déportée sans retour à Auschwitz par le convoi numéro 9.

En tant que Juif, papa n’était pas au contact du public …

Où était Papa en ce jour-là ? Mes sœurs n’en ont pas le souvenir. Était-il avec nous, travaillait-t-il ? Il a en effet travaillé durant toute la guerre, malgré le fait qu’il était juif, dans différentes entreprises liées à la confection. J’ai tous les certificats de travail qui en attestent faisant les éloges de cet employé exemplaire et, pour l’un d’entre eux, précisant qu’en tant que Juif, il n’était pas au contact du public …

Il fait chaud, ma mémoire biologique s’en souvient

– Il fait chaud, ma mémoire biologique s’en souvient. Notre mère est une jeune femme de 25 ans, déjà à la tête d’une famille qui s’étoffera plus tard, en 1943, d’une fille, ma « petite sœur » Françoise, et, plus tard encore d’un petit frère Olivier bien après la guerre.

Je peux témoigner, même si elle ne s’en ouvrait pas souvent, que la mémoire biologique de Maman a enregistré jusqu’à sa mort prématurée en 1984 ces journées des 16 et 17 juillet 1942 que Vichy avait bucoliquement nommées « vent printanier ».

Maman qui n’a jamais pu entendre sonner à la porte sans terreur, qui a veillé sur ses enfants comme une louve sur ses petits.

– J’ai l’âge de cette horrible rafle et je me suis toujours vécu comme un survivant avec tout ce que cela induit de responsabilités.

Sur le Mémorial de Serge Klarsfeld, mon ami et mon frère, je guette toujours fébrilement les dates de naissance des déportés, à la recherche du bébé de huit mois assassiné à ma place à Birkenau.

Aujourd’hui, il fait gris sur Paris et le Vel’ d’Hiv’ a été détruit depuis longtemps. L’herbe a repoussé à Auschwitz ; l’antisémitisme continue de se développer tel une hydre. Des hommes et des femmes politiques nient ce passé pourtant récent.

Le bouc émissaire n’a donc pas été remisé au rayon des antiquités. Il a encore un bel avenir.

Essayez de reposer en paix, vous les cendres de nos si chers. Nous essaierons de maintenir votre mémoire parce que nous vous le DEVONS.

Co-Fondateur du MJLF, Daniel Fahri a créé en 1981 la revue Tenou’a, revue communautaire et revue de pensée juive libérale.

Le rabbin Daniel Farhi défend l’idée qu’il y a des points où la Halakha, loi juive, doit continuer à être modifiée, pour pouvoir être applicable dans le monde moderne et ainsi perdurer.

Actif dans le dialogue avec chrétiens et musulmans, Daniel Fahri œuvre encore pour la défense de la mémoire de la Shoah, au sein de l’Association des FFDJF, Filles et Fils des Déportés juifs de France. Il est encore à l’initiative depuis 1980 d’une lecture publique de 24 heures des noms des Déportés juifs de France.

Il est enfin Membre du comité de parrainage de l’association La Paix maintenant.

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3 Comments

  1. Comment devenir moi aussi de cette association FFDJF puisque je suis fille de Jacques Orléan qui est seul de sa famille à être revenu d’Auchwitz ?
    Vous pouvez donner mon adresse de contact à celui/celle qui répondra.

  2. Bonjour Madame
    Vous pouvez adresser un courrier aux Fils et filles des déportés juifs de France (FFDJF)
    À l attention de maître Serge Klarsfeld
    32 rue la boetie
    75008 Paris
    Chabbath chalom
    Rabbin Daniel Farhi

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