Charles Meyer. A Mélanie. “Je regarde cette photo de toi et du Général Rodriguez qui vient te rendre les honneurs”

On ne se connaissait pas toi et moi. Mais ce soir, je me dis qu’à quelques années d’intervalle, on aurait pu servir ensemble, sous le même uniforme, dans cette belle institution.

La gendarmerie a été pour moi cette petite école de la vie où tu croises des gens merveilleux, des gens formidables. Je me rappelle très bien cette première fois sur le terrain, quand tu sors armé. C’est un bien curieux moment, qui se mélange et se forge de responsabilité et de prudence.

On t’a formé pour ça, alors la première fois, tu ne peux pas t’empêcher de tout scruter autour de toi, de te repasser en boucle chaque consigne de sécurité, chaque position, chaque réflexe appris à l’école. Et forcément, les anciens qui sont avec toi se moquent un peu en douce, mais au fond, ils sont déjà passés par là et ils comprennent.

Tu sais que de toute façon, si quelque chose tourne mal, ils seront là et que toi, on te demande juste d’assurer leurs arrières et d’être toujours vigilant pour ta sécurité.

Puis les semaines, les mois passent et tu souris, en te remémorant cette toute première journée, parce que c’est ainsi la vie, la vie de gendarme en particulier, parce qu’ il faut bien apprendre à vivre avec le risque.

Bien sûr, tu apprends parfois qu’à l’autre bout de la France, un camarade est tombé. Parfois dans un accident, renversé sur l’autoroute par malchance. Parfois assassiné. Un autre jour, c’est un PSIG voisin d’à peine une compagnie qui est endeuillé.

A l’époque où je servais comme appelé, le gendarme de la blanche et a fortiori le moblo vivaient obligatoiremnet en brigade ou en escadron. Alors, quand quelque chose de grave se passait, la famille et les camarades étaient moins seuls.

C’est aussi ça, la gendarmerie, la chance de pouvoir compter sur la proximité, la discrétion et l’entraide. A la différence de nos amis policiers, parfois jeunes et confrontés à des choses innommables, seuls le soir au fond d’un studio en banlieue. C’est l’énorme point de stabilité humaine de la brigade, malgré tous ses défauts, ses ragots, ses petites histoires comme il en existe partout : quand la mort et le malheur frappent, on a chez soi une seconde famille.

Au fond, quand l’heure est vraiment grave, on rêverait que la France tout entière soit cette petite brigade de gendarmerie. Cette communauté, où la dignité, l’entraide, l’esprit de corps l’emportent toujours sur l’adversité, même dans les pires moments.

Puis il y a eu les réformes, les communautés de brigade que j’ai commencé à connaître dans la réserve. A la croisée des chemins de nos études et de notre service, certains de mes camarades ont intégré l’active, à Melun, ou en ESOGN. Ils ont tous aujourd’hui derrière et devant eux une belle carrière.

Mais à chaque fois que je pense à eux, je pense aussi à ce premier jour et aux gendarmes qui, comme toi, Mélanie, n’ont pas eu la chance de pouvoir se sauver, ni le temps ni la chance de pouvoir se répéter en silence et en quelques secondes tous ces gestes qui sauvent la vie.

Ce soir, je regarde cette photo de toi et du Général Rodriguez qui vient te rendre les honneurs. Et je me dis que décidément, la gendarmerie est bien à l’image de la France, cette brigade où on se rassemblait.

Mais ce soir, je me dis que vous semblez un peu seuls, toi et lui sur la photo. Comme s’il manquait beaucoup, beaucoup d’autres membres de la famille. Repose en paix, Mélanie.

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