Chabelski! Fermez votre blouse!

Bon
 Vendredi

     Chabbat
      Chabes

   Voilà.
     Dernier jour de l’année scolaire.

   Ils partent pour deux mois…

       Le dernier jour de l’année scolaire, on ne travaillait pas.

  La pression se relâchait, on pouvait jouer, bavarder, parler au prof devenu l’espace d’un instant un être humain doté d’un coeur et d’une vie, qui  n’était plus l’incarnation du pouvoir et du savoir qu’on traitait avec déférence et effroi.

  C’était avant 1968.

      Une béance respectueuse séparait les profs et les élèves et nous étions des noms de famille sans prénoms que l’étiquette collée  sur nos blouses rappelait aux profs qui ne nous avait pas mémorisées.

   Ces blouses aux couleurs alternées, rose et beige, interdisaient la vanité d’un pull  ou d’une jupe neuve, et nous laissions négligemment quelques boutons ouverts pour présenter discrètement le pull en shetland ou la jupe Gudule fraîchement arrivés dans nos foyers.

  Chabelski!
  Fermez votre blouse!

     Je fermais lentement, le temps de faire admirer la jupette aux deux plis qui signait l’appartenance à une caste bien codifiée.

   La jupe Gudule accompagnait les mocassins penny loafers qui s’ornaient d’une petite fente dans laquelle on glissait une pièce de monnaie, un sac La Bagagerie complétait l’attirail…

   Tu trouves que je fais drugstore?

  Oui…
Un peu…

   Drugstore et Pub Renault étaient les incontournables piliers de ce groupe de yés yés, exfiltrés de l’atelier parental pour gagner en métro ce lieu où se retrouvait les caciques de ce monde nouveau, les Champs Elysées.

  Mais la vie était dure aux filles d’émigrés dotées  de cheveux frisés qui interdisaient l’identification aux filles des magazines qui exhibaient frange et tignasse lisses.

   Ces frisettes  exigeaient un temps et une attention constantes.

  Un magicien avait inventé ce miraculeux appareil, le babyliss, qu’une malencontreuse intervention transformait en fer à brûler qui laissait une vilaine cicatrice sur la joue endommagée…

  T’avais la frange lisse, et des faux airs de Scarface…

     C’était l’apprentissage de la vie, on ne peut tout avoir en même temps…

   La pluie brisait toute espérance de séduction en ramenant les cheveux à leur état premier, un peu comme Cendrillon à minuit passé, quoi…

   T’avais un devoir de maths à terminer, une dissert à préparer et 3 exercices d’allemand, et ces foutus cheveux qui frisaient occupaient toute ton attention dans un monde où  les surboums requéraient des préparatifs qui bouffaient tout ton temps…

   Et les carnets de notes mensuels où des pionnes sadiques indiquaient d’un stylo rouge rageur les notes en dessous de la moyenne venaient irrémédiablement pénaliser les heures passées à tirer sur ses tifs…

    Sans compter que la concentration nécessaire à Kant, Hegel, Goethe et Byron, était parasitée par She loves you yeah  yeah écouté en  loucedé sur un transistor à l’heure  présumée sacro-sainte des devoirs…

   Une société nouvelle émergeait, où les ados façonnaient un univers propre, soumis à la dure loi des hormones et de l’opposition…

   Une société ultra codifiée,  dont les apparatchiks s’appelaient Carvil et Renoma, ce qui impliquait d’intenses supplications aux parents dont les budgets n’étaient pas toujours proportionnels aux exigences yé yés…

   Salut les Copains, Fillette Jeune Fille, Jeune et Jolie , Elle, étaient des références politiques totalitaires auxquelles personne n’aurait songé à échapper…

   Je garde pour la bonne bouche les sus mentionnées surboums auxquelles j’ajouterai les voyages linguistiques en Angleterre destinés à pratiquer la langue, ce que nous faisions avec intérêt et ferveur dans une dynamique un peu éloignée du projet initial…
 J’y reviendrai, si ça vous intéresse…

  Que ce dernier Chabbat pré vacances signe les embrassades et les câlins avant l’envolée des moineaux vers des cieux plus cléments…

    Chabbat Chalom
    A git chabes

        Je vous embrasse

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