Pierre Saba – Les crises du Covid-19

La France vit comme le Monde la crise virale, le Covid-19. Cette crise est sanitaire, humanitaire, hospitalière, juridique, politique administrative, gouvernementale & économique. L’argumentaire contradictoire de l’Exécutif est perturbant. Cette situation révèle la fragilité des systèmes institutionnels de natures différentes et tous supposés puissants. Elle indique, enfin, la difficulté des Exécutifs à dire vrai aux publics dont ils ont la charge et dont ils constituent par l’élection la volonté souveraine.

La crise sanitaire indique les failles de préparation et de prévision à la vague virale. Elle était pourtant prévisible, ne serait-ce qu’en examinant les situations prévalant en Chine puis en Asie.

La crise humanitaire est consécutive de la crise sanitaire. Elle se compose de la peur, de l’inquiétude, de l’angoisse de la part des publics subissant les difficultés et les drames sanitaires. Le niveau de préparation de l’autorité sanitaire n’a pas permis la diffusion d’éléments annonciateurs qui auraient pu préparer les populations aux comportements à adopter face à l’épreuve en marche.

La crise hospitalière se manifeste par les carences en moyens généraux dénoncée depuis des années et ceux relatifs à l’épisode respiratoire du Covid-19. La crainte du milieu hospitalier de ne pouvoir affronter matériellement les soins à apporter aux personnes qui s’étouffent s’agrège à l’angoisse générale.

La crise juridique apparaît à l’occasion de ces difficultés hospitalières. Puisque les moyens sont insuffisants, l’Exécutif annonce puis applique dans la rapidité une série de restrictions aux libertés publiques telles que les libertés de circulation, de travail, de services, de commerce, etc. Ces restrictions ne correspondent pas exactement -et c’est un euphémisme- au Droit constitutionnel. Elles ont été regroupées en une série de décrets d’ »urgence sanitaire » qui subordonnent les dispositions organiques et parlementaires aux nécessités sanitaires du moment.

La crise politique s’est atténuée par les déclarations d’unité nationale quasi-unanimes dans le paysage politique français. Pour autant, l’opposition parlementaire et présidentielle annonce des réactions politiques aux impréparations et approximations rapprochées au gouvernement.

La crise administrative est d’ordre d’application. Certaines personnes sont contrôlées par les forces de Police sans « attestation dérogatoire de sortie », ou avec des attestations ne correspondant pas à leurs situations immédiates. L’attribution de ces contrôles à des agents du maintien de l’Ordre repose exclusivement sur les dispositions gouvernementales prises notamment par décrets. Cette situation administrative donne un spectacle urbain qui tranche avec l’habitude civique de libertés de circulation habituelles dans l’espace public.

Par ailleurs, les dérogations restrictives apportées par des préfets, des présidents de départements, des maires aux décrets gouvernementaux posent parfois des incapacités d’intersection. Ainsi des ports obligatoires du masque décidés localement et contrevenus par le président de la République lui-même.

La crise gouvernementale s’est manifestée à l’orée de l’épidémie en France. Le « transfert » de la ministre de la Santé de son poste ministériel pour la candidature élective à la mairie de Paris contredisait ses déclarations antérieures refusant de quitter son poste alors que la crise sanitaire pointait. C’est néanmoins ce qu’elle a fait. Elle regrettait que ses mises en garde sanitaires à l’Exécutif n’avaient pas été suivies d’effets. Elle souhaitait reprendre sa profession médicale. Elle disparaissait de la sphère médiatique. La ministre avait démontré l’excellence de son exercice gouvernemental, d’ailleurs reconnu par presque tous. Elle démontrait aussi son inadaptation à l’appareillage politique et stratégique qui semble s’être refermé sur elle tel un piège.

La crise économique qui s’annonce est prévue par l’arrêt brutal de l’activité productrice générale. Elle doit être envisagée à l’aulne des dispositions financières internationales méconnues mais existantes, de la dette qui reste annulable et de l’aide économique et financière prodiguée par l’Union-Européenne.

Ce qui perturbe le plus est l’argumentaire du président de la République et du Gouvernement. Il est égrené de paragraphes contradictoires sur l’intensité du virus et les moyens publics réactifs à y opposer. L’Exécutif explique à sa décharge que les dispositions changent à la mesure des changements des avis et prévisions médicales. Chacun le comprend. Idem des recherches médicales et pharmaceutiques en œuvre qui concourent parfois -et c’est normal du point de vue de ces spécialités- sans se rejoindre.

Mais certaines diffusions gouvernementales contredisent les avis médicaux généraux et majoritaires, telle le port du masque.

Le premier décès du Covid 19 est intervenu en France sur la personne d’un ressortissant chinois le 25 janvier 2020. Le second décès a frappé un français le 27 février 2020. Début février, en signe de solidarité sanitaire, le gouvernement français envoyait en république populaire de Chine des masques. La France ne subissait pas encore l’épidémie. Le gouvernement émettait des réserves qu’il continue à émettre sur le risque d’infection des personnes par d’erronées manipulations des masques.

La thèse gouvernementale de l’inutilité du masque s’est ensuite modifiée en éventualité du port du masque pour tous sur l’espace public. L’Exécutif justifiait ce changement de cap par les modifications des avis médicaux et l’évolution du Covid-19.

Cependant, si son utilisation est appréciée différemment selon les médecins et les gouvernants, son caractère de protection n’est contesté par personne.

Dans ces conditions, en dépit des atermoiements médicaux légitimes en matière de recherche virale sur l’Inconnu, la communication de l’Exécutif apparaît comme un artifice destiné à occulter l’absence matérielle de masques à proposer au public.

Dans une moindre mesure, le confinement semble parfois comme frein aux carences hospitalières en lits et respirateurs. Certes, le respect partiel des décrets sanitaires par une partie du public ne relève pas de la responsabilité de l’Exécutif. Mais il ne peut s’isoler des distances entre sa communication et l’état sanitaire du pays.

La toute puissance des régimes institutionnels est bouleversée par la pandémie du Covid-19 qui tue tous les êtres humains dont les immunités sont impuissantes à lui résister.

Le « parler vrai » des gouvernants à leurs peuples sont plus que jamais éclairés par la pandémie. Des démocraties comme des dictatures cachent, tronquent, esquivent les réalités à leurs propres populations.

L’après-pandémie est encore loin à l’horizon de la reprise de la vie quotidienne « normale ». Reste à savoir ce qui en sera fait. S’agissant des pouvoirs autoritaires, peu de risque de changements sinon encore plus restrictifs. S’agissant des démocraties, le retour aux principes sacrés des libertés publiques sera-t’il évident ? L’autorité publique éliminera-t’elle les éléments les plus contraignants de ces libertés ou au contraire les conservera-t’elle en les améliorant ?

A la lueur des modifications juridiques opérées à l’issue des attentats djihadistes qui ont frappé le France sous le mandat de François Hollande, la question est recevable.

Pierre Saba

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