L’air du temps dans deux expositions parisiennes. Par Betzalel – Bruxelles

Aux Lecteurs: mon invité, aujourd’hui, préfère rester anonyme. Il signera donc Betzalel. Je vous propose son texte très critique sur l’ouverture du Musée de Tokyo et sa nouvelle scénographie, sans plus aucune référence aux artistes juifs.

Dans Talmudiques, dimanche 20 octobre, Marc-Alain Ouaknine, à l’occasion de l’émission L’échappée belle consacrée à l’Alsace et diffusée le dimanche 22 septembre dernier sur France 5, a déploré le même phénomène: comme un signe de plus de certains qui voudraient voir disparaître toutes les traces du judaïsme en France. En les gommant.

Tout cela étant à rapprocher du Colloque L’éclat et l’écart, En chemin avec les Juifs d’Alsace et de Lorraine, qui vient de se tenir à Strasbourg, et dont je vous ai entretenus cette semaine… Sarah Cattan

Broken Magen-David. Aloyzas Smilingis

Mais laissons la parole à Betzalel…

La réouverture au Palais de Tokyo, après un an de travaux, du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MAMVP) – à ne pas confondre avec le Musée National d’Art Moderne (MNAM) au Centre Pompidou depuis 1977, même si tous les deux furent créés en 1937, me semblait une visite nécessaire tant je fréquente depuis 1980 ce bâtiment art déco qui montre souvent des expositions temporaires faisant courir le tout Paris et possède une riche collection de plus de 15000 œuvres.

La plupart des amateurs viennent aussi y admirer les deux œuvres monumentales sur La Danse (1931-1933) d’Henri Matisse et La Fée Electricité (1937) de Raoul Dufy.

J’y viens aussi pour voir les nombreuses toiles, sculptures, dessins, etc. des maîtres de l’Ecole de Paris qui y étaient présentées.

Une  scénographie choisie par l’équipe de Conservateurs discutable…

Aujourd’hui, parmi les dix-sept sections présentées, la scénographie choisie par l’équipe de Conservateurs fait que l’Ecole de Paris se trouve dans un cul de sac interdit aux personnes en chaise roulante car il y a une série de marches à plusieurs reprises pour y parvenir malgré le fait que nous soyons dans un bâtiment public.

Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Hall d’entrée. Photo: Christophe Caudroy

Il n’est donc pas surprenant qu’aucun des journalistes du Monde dont Philippe Dagen ne cite cette section ou l’un de ces artistes comme s’ils ne l’avaient pas vue lors de leur visite guidée !  Bien sûr, le plan-guide, accessible en libre-service, en fait mention … si vous l’utilisez.  

Une brochette de noms qui sent bon le terroir

On peut se demander si ce choix topographique n’est pas à mettre en relation avec le texte introductif de la section suivante intitulée « Les maîtres de l’art vivant » : Matisse, Bonnard, Dufy, Vuillard, Marquet, Rouault et Despiau.

Aucun nom d’étranger dans cette brochette de noms qui sent bon le terroir.

Dagen écrit[1] : « … On finit par avancer l’hypothèse d’une claire volonté, sinon de provocation, du moins de remise en cause des hiérarchies habituelles. Ce que confirme Fabrice Hergott (Directeur du MAMVP ): Ces acquisitions sont le résultat des parti pris personnels des conservateurs (…) d’autrefois. Nous sommes les héritiers et les continuateurs de leur action. Nous devons sortir d’une vision conventionnelle de l’Histoire de l’Art (…) ». « Dans cette démarche, la Société des amis est une alliée puissante » constate le journaliste.

C’est donc bien toutes les équipes de l’institution, avec le soutien de la ville, qui valident cette démarche que les Historiens de l’art ont appelé « Le retour à l’ordre : 1937-1944 ».

D’une visite l’autre…

Réfléchissant à ce que je venais de lire et de voir, je me rendis à pieds à l’Assemblée Nationale (A.N.) ; traversant la Seine sur la passerelle des amoureux, surgit le Musée du Quai Branly, voulu par Jacques Chirac, qui montre, lui, la diversité du génie humain en opposition avec l’esprit de clocher.

Muni de ma réservation obtenue sur internet, sécurité oblige, je souhaitais apprécier l’exposition des affiches révolutionnaires conservée au Palais-Bourbon depuis 1832 et jamais montrée depuis lors. C’est à l’initiative de Richard Ferrand, président de l’A.N., et de son bureau, que cette institution célèbre les 230 ans de la Révolution et de sa naissance le 17 juin 1789. Le comité scientifique est dirigé par Jean Tulard, membre de l’Institut.

Découvrir de nouveaux documents sur l’émancipation des Juifs d’Alsace-Lorraine

Les buts de ma visite étaient de voir un fonds exceptionnel et peut-être de découvrir de nouveaux documents sur l’émancipation des Juifs d’Alsace-Lorraine du 28 septembre 1791 ainsi que sur les Juifs portugais et avignonnais. Même si ceux-ci jouissaient, grâce à Louis XVI, depuis 1787 de tous les droits civils comme Français naturalisés, ils sont déclarés citoyens à part entière le 28 janvier 1790.

Après m’être attardé dans le hall décoré par mon compatriote Pierre Alechinsky, quelle ne fut pas ma surprise, après plus d’une heure de visite, de ne rien trouver sur ce sujet malgré l’antisémitisme ambiant. Une belle occasion de ratée pour le moins ! Pourtant la citoyenneté des femmes et la première abolition de l’esclavage y trouvent une place confortable parmi les différentes étapes qui mènent de la Réunion des Etats généraux à l’Empire et l’espace utile à une section supplémentaire disponible d’après ce que l’on peut en juger.

On me dira peut-être que le fonds collectionné par le député de l’Oise ne comprend aucun document sur ce thème et donc qu’il n’y avait rien à montrer. Pourtant, au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, de l’autre côté de la Seine, existent les affiches, les tableaux et les diverses lois votées par la Représentation nationale qui pouvaient être empruntées comme les autres Institutions partenaires citées sur le panneau des remerciements.

Soit les Juifs sont relégués, soit ils sont oubliés

C’est donc ici aussi, dans ce haut lieu de la République unie et indivisible comme dans un musée de la ville de Paris que des scientifiques, avalisés par les politiques, font des choix qui nous amènent à constater une tendance désagréable mais bien dans l’air du temps : soit les Juifs sont relégués, soit ils sont oubliés. En tout cas, ils ne méritent pas la place qui devrait leur revenir. A vous, lecteur d’ici et d’ailleurs, de vous faire une opinion.”

[1] Sortir d’une vision conventionnelle de l’histoire de l’art. Dagen. Le Monde. 11 octobre 2019.

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