L’Affaire Bensoussan sera demain dans tous les livres d’Histoire. Sarah Cattan

Le procès intenté à Georges Bensoussan fut un événement politique, judiciaire et historique d’une gravité exceptionnelle et dont les livres d’Histoire à venir feront écho.

Ils nous parleront, ces livres, de ces temps où, sous la pression de toute une cohorte de bien-pensants, un tribunal prétendit régler des différends intellectuels, mais ils nous parleront encore de cette odeur rance. Lorsqu’on en vit se ranger aux côtés de ceux qui avaient pour projet sombre de museler la pensée.

Mais encore de ces âmes noires. Celles que l’on vit, au sein-même de la Direction du Mémorial de la Shoah, lâcher leur historien. Prendre une distance honteuse avec celui que tous auraient dû épauler. Allant jusqu’à tenter d’effacer le nom[1] de leur responsable éditorial, entaché qu’il était du crime … d’islamophobie.

Alors que son travail au sein du Mémorial de la Shoah est gravé dans tous les esprits et le restera à jamais en dépit de ce que, par euphémisme, nous nommerons une mise à l’écart, sinon une honteuse répudiation, L’affaire Bensoussan figurera dans tous les livres d’Histoire à venir. Elle résumera les années noires. Celles du déni des classes dirigeantes successives. Celles de l’offensive de ce qui s’appellera le Djihad judiciaire, face auquel la Justice française, sous le fallacieux et perverti prétexte du Droit à tout prix, flancha plus d’une fois mais le fit à son encontre de façon … surréaliste, avant que d’enfin se ressaisir, 4 longues années plus tard.

Il est frappant de voir comment cette longue période, qui eût dû scandaliser un pays tout entier, fut tue. On n’en débattit guère sur les plateaux télé, lesquels étaient depuis longtemps plus enclins à inviter des Boniface et des Liogier pour refaire le monde. On ne parla que peu des raisons du Procès. On ne prit guère davantage la peine de relayer les jugements en première instance et en appel.

Et puis, soudain, 4 ans plus tard, après que le Portugal ou l’Italie, par la plume d’Olivier Ypsilantis et celle de Marina Gersony, se fussent emparés de l’Affaire abracadabrantesque et se réjouirent de son issue, les media français, à leur tour, durent bien annoncer … la relaxe. Définitive cette fois. Ce point final.

Mais peut-on mettre un point final à un tel épisode de l’Histoire de France ?


Y eut-il un débat sur quelque chaîne télévisée ou quelque plateau d’une Matinale ? Vous plaisantez.

Je n’ai vu, pour ma part, Georges Bensoussan répondre qu’à Benjamin Petrover, dans Conversations avec Benjamin Petrover, sur i24NEWS, chaîne de télévision internationale israélienne.

Georges Bensoussan commente sa relaxe au micro de Benjamin Petrover

Aussi faut-il, pour l’information respectueuse du citoyen lambda, refaire rapidement l’historique. Rappeler ce samedi matin de 2015, alors que la France venait de vivre les attentats de Charlie hebdo et de l’hyper cacher, où notre homme, dans l’émission Répliques[1] d’Alain Finkielkraut, débattait avec Patrick Weil, et rappeler donc ce moment, ô combien souvent écouté, réécouté, décortiqué, autopsié, où l’historien déclara que dans les familles arabes en France, l’antisémitisme on le tétait avec le lait de sa mère. Il citait là, de mémoire, le sociologue Smaïn Laacher, tel qu’il s’était exprimé dans un documentaire diffusé sur France 3[2] , mais son interlocuteur lui reprocha aussitôt de condamner 4 millions de nos compatriotes collectivement…

Car n’avait-il pas, Georges Bensoussan, commis le pire qui fût aux yeux de la police de la pensée ? Généralisé. Donc essentialisé toute une population, à partir des dérives d’une de ses parties. Et Essentialiser revenant à être raciste, voilà notre homme, dans la foulée, dès lors catalogué. Assigné en justice. Accusé du délit d’incitation à la haine raciale.

Georges Bensoussan et Maître Michel Laval

Les parties civiles se sont acharnées à me grimer en raciste alors qu’il tombait sous le sens pour n’importe quelle personne honnête que cette métaphore du lait maternel était culturelle et éducative et non raciale, déclara l’auteur de Juifs dans le monde arabe, lequel dut, assis sur le banc-même où avaient comparu Soral et Dieudonné, se justifier, lui à l’encontre de qui furent utilisés les arguments ordinairement réservés en défense des Juifs victimes de Vichy et de la Shoah, puisque l’une le compara à Drumont et que l’autre, avocat de la LDH,  l’accusa d’avoir tenu des propos pré-génocidaires. Ils parlaient bien, tous ceux-là, de l’homme qui fut, jusqu’en juin 2018, directeur de la réputée Revue d’Histoire de la Shoah…

Aujourd’hui, alors qu’il a appris sa relaxe par la voix de son avocat Michel Laval, lequel ajouta ce bouleversant Georges, Justice t’est rendue, l’historien, grave, tente d’expliquer que Non Ça n’est pas une victoire mais un soulagement à titre personnel. Ajoutant : On a évité une grande défaite. Cette affaire, d’évidence, était inquiétante pour ce qu’elle disait de la liberté d’expression en France : Si nous avions perdu dans cette affaire, cela aurait été extrêmement grave pour la liberté de pensée et d’expression dans le pays.

Qui monta au créneau durant ces 4 années ? Combien optèrent pour la prudence extrême. Jumelle du silence honteux. Frère de la lâcheté, quand ce ne fut pas … une forme de collaboration.

Certes Alexandre Devecchio. Certes Martine Gozlan. Certes Finkielkraut. Certes Bruckner.  Certes Autopsie d’un déni d’antisémitisme, ce document précieux[3] qui rassembla des textes d’historiens, de journalistes et d’intellectuels qui suivirent les débats ou témoignèrent au procès.

Alain Finkielkraut parle de L’Affaire Bensoussan

Certes un Manifeste des 300 contre le nouvel antisémitisme publié par Le Parisien.

Certes des dignitaires musulmans pour admettre l’existence d’un antisémitisme structurel dans une partie de leur jeunesse.

Ils furent in fine peu nombreux, ces Justes, alors que d’aucuns osaient titrer, le jour même[4] du verdict du procès Merah et au lendemain de la nouvelle profanation de la stèle d’Ilan Halimi à Bagneux : En France, un antisémitisme du quotidien, n’osant, collègues du Monde, nommer la montée en puissance, en France, d’un antisémitisme tout particulier et qui avait à voir avec l’affaire Bensoussan : cet antisémitisme arabo-musulman. Celui qui tua, après Ilan, Sarah Halimi. Et puis Mireille Knoll. Cet antisémitisme que le Collectif des Territoires perdus de la République désignait, déjà, en 2002.

L’Affaire Bensoussan laissera en nous un goût éminemment amer

Que ce procès eût pu avoir lieu, là où le débat eût dû se faire entre gens civilisés assis à une même table.

Que des professionnels de la lutte anti-raciste eussent pu se joindre au CCIF.

Que seules, à l’exception de rares autres, des voix juives, dépassant la crainte d’être accusées de communautarisme, se fussent élevées, comme si la lutte contre l’antisémitisme n’était pas le combat de la France entière et qu’elle restait réservée aux seuls Juifs.

Que le Parquet eût poursuivi, et par deux fois !

Que le camp de la bien-pensance antiraciste, de SOS Racisme à la LDH, se fût accroché à la locomotive du CCIF. En navrant et inoubliable attelage.

Que la LICRA fût présente en première instance ! Assise sur le banc des parties civiles, aux côtés du Comité contre l’islamophobie en France. Donnant une interprétation si caricaturale des propos incriminés qu’elle divisa ses adhérents et amena Alain Finkielkraut à démissionner du comité d’honneur au lendemain même du procès, accusant l’association de s’être déshonorée en optant pour l’inquisition.

Nous avons évité une catastrophe intellectuelle et une catastrophe morale

Que La Cour de cassation eût rejeté les pourvois des parties civiles accusant Georges Bensoussan d’incitation à la haine et confirmât aujourd’hui sa relaxe, lavant l’honneur de l’historien, ne peut nous faire oublier ce qui n’aurait jamais dû être, et qui pourtant exista, symbole de la judiciarisation croissante du débat d’idées en France, et cela sous l’effet d’une perversion de l’esprit démocratique.

Et même lorsque Barbara Lefebvre[1] voit à raison dans ladite relaxe l’honneur rendu à la démocratie en raffermissant notre liberté d’expression et la signature de la Bérézina pour les ennemis de ladite liberté, tous désormais, contraints à une prudence hors norme, devrons mesurer le moindre déterminant employé. Peser les risques de nos prises de parole. Puisqu’un mot, donc, sorti de son contexte, pouvait nous faire désormais encourir le risque d’entrer dans une querelle inquisitoriale. Puisqu’un intellectuel, ici, dut comparaître devant des juges au prétexte qu’il avait observé des réalités déplaisantes.

Cette Affaire encore ne peut nous faire oublier la dérive de magistrats idéologues : Que le Parquet eût suivi les parties civiles pour initier les poursuites était une chose. Qu’il eût, aux côtés du CCIF et de la LDH, relevé appel du jugement de relaxe en est une autre. Consternante. Rejoignant dans nos esprits la plaidoirie en première instance du ministère public, discours qui laissera des traces lorsque l’Affaire sera abordée dans les écoles. Et elle le sera. En cours d’Histoire politique. De droit. De philosophie.

Ainsi, Le 17 septembre 2019, la Cour de cassation de Paris, Chambre criminelle, en rejetant le pourvoi formé par la LDH, la LDDH, le CCIF et l’association SOS soutien ô sans-papiers, parties civiles, a confirmé les jugements de première instance et en appel.

L’occasion de faire la part entre les combattants et les opportunistes

Si un échec dans ce procès eût été désastreux pour notre liberté à tous, l’affaire Bensoussan aura également été l’occasion de faire la part entre les combattants et les opportunistes, les résistants et les carriéristes : dans une lettre à son Comité de soutien, l’historien concluait : Quant aux indignes qui auront donné au CCIF la satisfaction que la justice lui aura refusé à trois reprises, l’Histoire les jugera, avant de citer ces paroles de Martin Luther King : A la fin, ce n’est pas des mots de nos ennemis dont nous nous souviendrons mais des silences de nos amis.

Car enfin. Il fallait être particulièrement aveugle ou de fort mauvaise foi pour ne pas décrypter la stratégie du CCIF, dans laquelle s’engouffrèrent honteusement les parties civiles : faire condamner l’historien du Mémorial de la Shoah, lequel ne serait rien d’autre qu’un raciste anti-musulman et anti-arabe longtemps abrité à l’ombre de ses travaux.  

Stratégie désormais aisément reconnaissable en ce qu’elle utilise les moyens du droit qui régissent une société démocratique et que, ce faisant, elle fait passer celui qui la dénonce comme l’agresseur, l’islamophobe.

Eh bien cette mascarade n’aura pas été démasquée. Mieux : ces signalements pour provocation à la haine, au lieu que d’être éconduits, furent déclarés recevables par le Ministère public ! Et c’est ainsi que l’on trouva Georges Bensoussan assis, après d’autres, dans le box des accusés de la XVIIème Chambre, parce que l’avaient exigé ceux qui, non contents d’avoir semé en France la terreur et assassiné nombre de nos compatriotes, entendaient encore faire taire définitivement les voix qui vous les montraient.

Si le tribunal cède à cette intimidation, ce sera à la fois une catastrophe intellectuelle et une catastrophe morale… Si on refuse de voir la réalité et si on incrimine ceux qui s’efforcent de la penser, on n’a plus aucune chance d’échapper à la division et à la montée de la haine, devait dire à la barre Alain Finkielkraut, insistant lui encore sur l’objectif des associations antiracistes qui était d’interdire de penser, de soustraire la réalité à l’investigation et les musulmans à la critique : Je suis étonné d’être ici : car la question n’est pas de savoir si Georges Bensoussan s’est rendu coupable. La question, c’est de savoir s’il dit vrai, avait-il conclu, rejoint par Elisabeth de Fontenay, laquelle déclara mal accepter qu’un chercheur qui faisait état d’études de terrain fût poursuivi.

On ne fera pas la fine bouche et l’on se félicitera de la décision de la Cour de Cassation. Mais ils resteront en nous, tels une piqûre, ces mots de Salman Rushdie[1] : Quelque chose de nouveau était en train de se produire, la montée d’une nouvelle l’intolérance, elle se répandait à la surface de la terre, mais personne ne voulait en convenir. Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : islamophobie.


[1] Joseph Anton. Une autobiographie. Salman Rushdie. Gallimard. 2012


[1] Georges Bensoussan relaxé : une victoire pour la liberté d’expression. Barbara Lefebvre. Figaro Vox. 19 septembre 2019.


[1] Répliques. France Culture. 10 octobre 2015.

[2]  Smaïn Laacher interrogé dans le film de Georges Benayoun, Profs en territoires perdus de la République, inspiré de l’ouvrage dont Bensoussan avait été le coordinateur.

[3] L’Artilleur.

[4] 2 novembre 2017.

[1] A relire : Zakhor confisqué. Jacques Tarnero. Tribune juive. 14 novembre 2018.

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4 Comments

  1. Les livres d histoire a venir feront l écho de l histoire réécrite sur le passé de la France au profit de l idéologie dominante aujourd hui.
    L enseignement sera prodigue aux étudiants dont le profil ne correpondra plus a celui que nous connaissons encore aujourd hui…

  2. en ce jour de nouvel an, je vous trouve bien optimiste , les Bensoussan, Finkielkraut et autres Goldnadel qui secouent le cocotier amorphe français sont bien trop juifs pour laisser entrevoir une quelconque reaction de ce pays :
    panem et circense ; le français roupille ou a peur de son ombre quand le soleil se leve !
    ce pays est perdu , pas a cause des voyous islamistes et de leurs acolytes , marchands de petrole et acheteurs de voix , ce pays est perdu d’etre composé d un trop fort pourçentage de mous; de faibles et d indifferents

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