En direct du Mali – Eber Haddad

Mon ami P. est présent au Mali où une violence inouïe prévaut et où des atrocités et des massacres ont lieu. Ceux-ci sont le comble de l’horreur aussi bien par le nombre de personnes massacrées que par la fréquence mais aussi par la façon avec laquelle ces abominations sont commises. C’est à la fois des luttes ethniques, enracinées depuis des siècles, et du banditisme auxquels est venu se rajouter l’islamisme qui profite des désordres pour s’implanter plus solidement dans la région. Voici sa description, vue de la ligne de front. Saluons au passage le courage de cet ami pour son engagement dans une périlleuse mission de paix. Voici son témoignage:

« Dans le centre du pays, nous assistons à une escalade de l’horreur au chapitre des violences inter-ethniques.

Chaque jour apporte son lot de massacres, de vengeances, de représailles.

Il y a quelques semaines, un jeune dogon du village de Gounogourou, parti à la recherche de foin pour son bétail, avait été intercepté puis égorgé par des hommes armés. Juste avant de quitter les lieux, les individus, des peulhs, avaient pris le soin de piéger le cadavre. Lors de la découverte du corps par les proches de la victime, l’explosion a tué 15 personnes et en a blessé 18.

Quotidiennement, nous voyons passer ce genre de compte-rendus, et à chaque fois, des dizaines de victimes. A noter que ce mode opératoire, le piégeage de cadavres, est de plus en plus fréquent.

Les autorités locales, qui ont déjà fort à faire avec la problématique djihadiste, semblent incapables d’endiguer le phénomène, qui de toute façon ne date pas d’hier, et prend racine dans les confins de l’Histoire.

Depuis quelques jours, nous sommes témoins d’une sorte de surenchère, et les limites de l’horreur, que nous croyions atteintes sont constamment repoussées.

Hier matin, des hommes armés et habillés en chasseurs traditionnels Dozos ont fait successivement irruption dans les villages Peulhs d’Ogossagou et de Welingara distants de deux kilomètres. Ils ont massacré tous les habitants qu’ils ont pu trouver et ont mis le feu au village. Le dernier bilan fait état d’au moins 135 morts et de près d’une centaine de blessés. Jamais le nombre de victimes n’avait été aussi élevé. Le précédent fait similaire remonte au début de l’année où 37 personnes avaient été massacrées.

Dans leur furie, les assaillants n’épargnent personne. Ni les femmes, ni les enfants, ni les vieillards. Personne n’échappe à l’horreur. Les témoignages des survivants glacent le sang. Tel celui de cet habitant : « Dans ma famille, 20 personnes ont été tuées, des gens brûlés vifs, des personnes jetées dans un puit ». « J’ai vu des gens en flammes » déclare un autre habitant

D’après les premiers éléments rassemblés, les villages ont été attaqués par des milices Dozos, chasseurs qui sont en conflit depuis toujours avec les Peuhls, peuple de cultivateurs. Ils sont arrivés dans le village et ont commencé à tirer sur les civils. Ils ont découpé des femmes à coups de machettes, quand d’autres, enceintes, ont été éventrées. Un jeune du village a été présenté devant sa mère et a été assassiné, juste avant que cette dame se fasse massacrer à son tour. 410 habitations ont été incendiées, ainsi que 80 greniers. Le bétail de ces fermiers a également été abattu

Ils se sont ensuite dirigés vers le village voisin, afin de procéder à la même opération. Pratiquement tous les habitants ayant fui, ils ont concentré leur rage contre des vieillards qui ne pouvaient se déplacer…

Le conflit était auparavant circonscrit à une toute petite zone, mais il s’est récemment étendu à toute la région de Mopti, dans des secteurs où les localités sont en majorité habitées par deux communautés : les Peuls et les Dogons. De part et d’autres, les vols, assassinats ciblés et attaques de villages s’y sont multipliés l’année dernière. Des milices communautaires sont nées. L’une d’entre elle, un groupe d’autodéfense dogon nommé Dan Amassagou annonçait le 20 mars dans un communiqué le début des patrouilles « en vue de sécuriser les populations contre les bandits armés dans la zone », car dans cette zone sont également présents des groupes djihadistes qui recrutent majoritairement dans la population peulh. Leur présence a attisé les tensions communautaires.
Situation complexe et inextricable…

J’ai la sensation que l’ambiance générale est bien plus lourde qu’avant mes permissions. Et la chaleur, qui dépasse maintenant les 40, n’y est pas pour grand chose. Les comptes rendus journaliers s’allongent et les évènements semblent se multiplier. Du côté de Tombouctou, les conflits inter-ethniques sont plus atténués. En revanche, nous notons un accroissement des activités terroristes et/ou criminelles : les attaques et les attentats sont fréquents auxquels s’ajoutent maintenant des enlèvements…

Bref, de quoi regretter une balade sur les Champs un samedi AM.

Eber Haddad. Pour son ami militaire. Pour P.

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