Éliette Abécassis : « La GPA, c’est la vente de bébés et la location d’utérus »

Dans une tribune au Parisien-Aujourd’hui en France, la romancière et professeur de philosophie Éliette Abécassis estime que la pratique de Gestation pour autrui (GPA) doit être abolie et non encadrée par le droit.

Éliette Abécassis

« Le sigle GPA -comme tous les sigles- fait partie d’une novlangue qui masque une réalité brutale et inavouable. GPA : gestation pour autrui ? La gestation est un mot qui caractérise, selon le dictionnaire, uniquement les animaux. Pour autrui ? Il n’est pas question ici d’altruisme mais plutôt d’hypercapitalisme, car cette gestation fait partie d’un système qui, sans contrôle et sans loi, va jusqu’à mettre des bébés sur le marché.

Les publicitaires le savent bien : les sigles permettent de dire n’importe quoi. En l’occurrence, à chaque fois que je demande aux gens Êtes-vous pour la GPA ? ils disent oui. Et quand je leur pose la question Êtes-vous pour le commerce des enfants ?, ils disent non. Pourtant, c’est bien la même question.

La similarité des acronymes PMA et GPA peut faire croire que la GPA est une technique médicale, or il n’en est rien. La PMA (NDLR : procréation médicalement assistée), ou plus exactement l’IAD, désigne une technique médicale qui consiste dans l’insémination d’une femme avec sperme de donneur, alors que la GPA est une vente de bébés avec location d’utérus, une grossesse pour argent.

La GPA est donc à la fois une affaire de riches, puisqu’un bébé coûte entre 50 000 et 200 000 euros, et un vrai problème de société qui consiste dans l’industrialisation des naissances, qui génère des millions d’euros. La question étant : quelle société désirons-nous bâtir ? Une société où on loue des organes et on vend des êtres humains ? Est-ce cela que nous voulons pour nous-mêmes ?

En réalité, la GPA, telle qu’elle s’est développée dans des pays comme l’Inde, où les dérives furent si dramatiques qu’elle a fini par être interdite aux étrangers, se trouve être l’une des pires violences faites aux femmes, qui consiste à se servir de leur pauvreté pour leur faire porter un enfant et leur arracher à la naissance. La femme, en effet, ne peut pas être réduite à un utérus, étant donné qu’elle a un psychisme, et son bébé également, en lien étroit avec la maman.

La GPA est donc une marchandisation du corps humain, d’autant qu’elle permet ce que le philosophe Jürgen Habermas appelle l’eugénisme libéral : des ovocytes sont choisis sur catalogue selon le physique et le QI de la personne et, le plus souvent, ce sont les ovocytes des femmes blanches caucasiennes qui sont préférés, quand ce n’est pas le sexe qui est sélectionné. Ces ovocytes, plus chers que les ovocytes de femmes de couleur, peuvent être implantés dans l’utérus de femmes de pays pauvres, à moindres frais par rapport à une GPA faite entièrement aux États-Unis, plus onéreuse mais aussi plus précautionneuse.

C’est pourquoi il me semble impossible de parler de GPA éthique ni d’envisager de légaliser la GPA en France, pays des droits de l’homme. Si on veut lutter contre le trafic d’êtres humains et d’organes, et pour le droit des femmes, on ne peut qu’abolir cette pratique et non l’encadrer par le droit. La France doit continuer à résister à la pression du marché ainsi qu’à la pression européenne et internationale et refuser un marché d’êtres humains. Cela ne doit pas être. »

Source : leparisien.fr

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