Il est passé, le week-end de Pâques, dans ma tête c’est le Balagan, par Sarah Cattan

Il est passé le week-end de Pâques. Je sais pas Toi, mais moi, dans ma tête, c’est le balagan. Total. En plus, y a même pas ma mère, quoi.

Ce désarroi. Cet impérieux besoin de solitude. Rapport à ces jours inqualifiables. Si tu t’rappelles bien, y a tout juste dix jours, c’était Carcassonne-Trèbes et puis, dans la foulée, Paris-Nation.

C’est qu’on commençait à s’habituer. A se dire que le gamin, là, peut-être qu’avec ses trucs qu’on comprenait pas tout, il aurait réussi à les arrêter, les attentats. 

LOL J’rigoole Non mais sérieux : ils parlaient plus de terrorisme, là, dans le poste. Ils te les avaient squeezés, les Kurdes et tout le reste.

Oubliée Sarah Halimi. Même que ça nous faisait un peu des vacances. T’avais la jolie Noémie qu’on invitait, rapport à son bouquin. Et même que Bourdin se prit à se repentir : I Apologize Mais bon sang de bonsoir Pourquoi que j’l’ai pas invité, le frère.

Ça ronronnait presque. Et puis Badaboum.

Si encore Blue Eyes, entends Arnaud Beltrame, il s’était pas volontairement substitué pour sauver la vie d’une femme. D’une otage. Réfléchis. Il nous aurait fait quoi, l’autre enfoiré ? 3 victimes : Jean. Hervé. Christian. C’est qu’on l’avait prise, la triste habitude…

Mais non ! Il aura fallu qu’Arnaud fût un mensch. Un héros. Oui je sais ça aussi, ça fit débat : Et d’abord était-il un héros, etc. etc.

Moi, je pensais à Lui en donnant un cours sur Phèdre. A Arnaud. Ce Héros bien sûr. Qui, outre qu’il était beau et valeureux, outre qu’il aura fallu que je connusse perso des amis à Lui, effondrés qu’ils étaient en me racontant un être magnifique, Arnaud donc, qui avait bouleversé à nouveau quelque chose en moi. Provoqué un tsunami. Arnaud qui était juste un non-sens. Une injustice. Le héros tragique n’était-il pas aussi le jouet du destin.

Sa mort, je l’appris tard dans la nuit. Faute à ce mauvais sommeil. Lui-même faute à cette atmosphère de merde. Et voilà comment, au petit matin d’une nuit blême, je me pris à penser à ce qu’il avait prévu de faire, Arnaud Beltrame, en ce samedi matin, si un islamiste ne l’avait pas exécuté. Serait-il allé courir. Il était bien le genre qui joggait, non ? Il aurait pris le p’tit déj. Il aurait pris son temps. Il aurait regardé combien elle était belle, son amoureuse.

Mais tout ça, c’était sans compter sur la suite. Nous, nous le bon peuple de France, on la savait pas encore, la suite. On ne nous dit pas tout n’est-ce pas Anne : elle était pas finie, l’horreur. Parce que déjà un, ou deux, juste d’autres salopards, ils avaient fait la peau d’une femme. En plein Paris. Poignardée qu’ils l’avaient, ces barbares. Brûlée vive. Et Là-haut, dans les sphères qu’on sait pas, nous, paraît qu’ils se sont demandé comment, mais comment donc ils allaient apprendre la nouvelle au bon peuple de France.

C’est qu’elle était juive. Pas d’bol. Faut dire que ça faisait beaucoup. Tout ça concomitamment. Et le dossier Sarah Halimi qui croupissait encore.

Dimanche. Soir. La France reçoit les news. Enfin : le RSA des news. La rumeur y allait. Et elle disait qu’ils avaient tous deux été égorgés, le Colonel et celle dont la France entière fit généreusement la grand-mère de tous.  Et que j’te parle du sourire kabyle. Regrets : Ah si seulement il avait passé le cap du numéro 11, Ebdo, le journal tout pourri qui s’annonçait le spécialiste de la rumeur. 

L’hebdo étant mort à la naissance, on dut se contenter de nos sources. Chacun les siennes. Pour beaucoup, ça n’est hélas que les media. Salut les media : moi, je peux plus vous encadrer. Vous aurez, à force de lâcheté, eu raison de l’amour-passion que longtemps je vous ai voué. Mon portefeuille s’en portera mieux. Salut Mediapart. Toi dont j’espère de tout cœur la fin prochaine, toi minuscule qui, après avoir offert le gîte et le couvert à ceux qui voulurent clouer au pilori Bensoussan, après tes longues fiançailles avec Tariq et ses Frères,  dépassas définitivement les bornes de l’acceptable en nous parlant indûment de Shoah.

C’était donc reparti dans ce qu’il faut bien appeler les media. Ces fichés S. 20000 qu’ils étaient. Et qu’allait-on donc en faire ? Du pain bénit pour ces chaînes d’info en continu : car je n’en sais pas un qui ne s’exprimât pas : Qu’on les pendouille. Qu’on les envoie en exil. On en voulait plus. Même qu’aujourd’hui, j’ai cru, je dis bien j’ai cru, lire quelque part : Occupez-vous de vos arabes, laissez-nous nous occuper des nôtres.

Shame. Larchouma. La honte, quoi.

Ils défilaient tous, et ils le donnaient tous, leur docte avis. Autorisé ou pas. C’était qui le censeur. Il était où, le curseur. Nowhere, dirait Jean-Claude Van Damme. Ben ouai : chacun sa référence. Y en a bien qui interrogeaient Julien Dray. Sacré Juju.

Alors t’avais Badinter. Valls. Malek. Non Non : Malek Boutih ! Des fois que Yassine Bellatar il dise que je serais condescendante. Etc. Etc. T’avais aussi Mélenchon. Tous, je te dis. Tous, quoi.

T’avais aussi les anonymes : un ami me disait : C’est insensé  Ecoute les paroles de La Marseillaise : Ils viennent jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes

Moi je pensais, en colère et fatiguée, que c’était reparti. Ce new sport La chasse aux Juifs au sein de leurs maisons. Ces exécutions. Ces actes terroristes qui te cueillaient là où vraiment tu les attendais pas.

Quand même. Comment ne pas penser aux alertes qu’ils nous avaient lancées. Salman. Boualem. Kamel. Georges. Tant d’autres. Que nous n’écoutâmes pas.

Tu sais quoi ? Moi je les ai trouvées suspectes, cette diligence, cette rapidité à dire qu’il s’agissait, pour Mireille Knoll, d’un acte antisémite. Wouaaaaaou. T’avais même la Garde des sceaux Herself. Qu’on savait même pas son nom. Nicole Belloubet. Elle s’écriait qu’il était absolument incroyable qu’aujourd’hui en France on mourût parce qu’on était Juif. Ben ouai Nicole. T’as vu ça ? Et l’autre, Juju, qui s’réveillait et qui se demandait si sa gauche, la gôche, elle aurait pas eu, par malheur, pour Tariq Ramadan les yeux de Chimène.

Ben c’était trop tard. C’était trop facile. Ce repentir. Imagine : c’est comme si  la femme que tu aimes mais tu lui as jamais prouvé, ben elle se barre. C’est trop tard.

J’m’en foutais, moi, que Guy Konopnicki il me dît qu’avec Mireille Knoll, c’était son bout de France qu’on immolait. J’m’en foutais qu’il eût honte. Parce que ce mot, là, honte, ils te le sortaient tous. Comme si c’était une arme. On avait tous honte. Et en quoi cela nous exonérerait-il, dis-moi un peu.

Echaudée, j’ai regardé, avec méfiance, avec distance,  du côté de ceux qui osaient des propositions. Concrètes qu’ils disaient. T’avais bien Charles Rojzman. Qui pointait le problème number one : les écoles les media. Les mosquées. Les aficionados refermés sur eux-mêmes sans véritable communication avec le reste de la société. Le discours islamiste martelé : eux et nous. Les juifs, la Palestine, le racisme de la société française. Les problèmes relationnels entre générations, entre genres, entre visions du monde : ces pères absents ou qui ne dialoguaient plus avec leurs enfants. Ces islamistes qui avaient, eux, un contact face à face avec ces jeunes des quartiers. Qui les soutenaient. Les valorisaient. Les aimaient. Répondant aux besoins de cette jeunesse.

Charles Rojzman qui te parlait de cette fermeture qui entraînait une propagande interne soutenue et amplifiée par une propagande externe.

Qui s’élevait contre le vivrensemblisme : Aujourd’hui, c’est pourtant de cela qu’il s’agit à moins d’accepter l’idée d’une guerre civile très meurtrière ou d’une soumission à une islamisation progressive.

Qui persistait à prôner un vivre ensemble où il s’agirait d’apprendre à entrer en conflit sur les valeurs et les pratiques, où il y aurait des remises en question et une mise à plat de toutes les responsabilités. Je te dis pas le boulot.

Charles Rojzman qui se demandait comment sortir des stéréotypes et des préjugés réciproques, sinon en faisant se rencontrer des personnes, des groupes, des milieux qui s’ignoraient et parfois se haïssaient.

Et qui te répondait, à toi, sceptique : en créant ces opportunités de rencontres, comme celles que lui pratiquait aux Etats-Unis, au Rwanda, en Allemagne : des rencontres qui devaient permettre de résoudre des problèmes de la vie quotidienne, de mettre un baume sur les souffrances de personnes qui souhaitaient un changement… Des rencontres où peu à peu les gens abandonneraient leurs masques de provocation et ne resteraient pas dans leurs clans d’appartenance, apprendraient ce qu’ils ne connaissaient pas les uns des autres et enfin sortiraient de la victimisation. Qui prendraient en compte non pas la religion mais les préceptes. Qui ne demanderaient pas aux gens de changer : Il faut créer les conditions qui favorisent le changement. Les préceptes de l’islam conduisent à l’islamisme. Il faut casser les ghettos qui enferment les gens dans une propagande sans ouverture. Dans des certitudes où la remise en question n’existe pas. Il faut les casser, ces ghettos mentaux.

Charles Rojzman. Qui, face à mon scepticisme, rajoutait qu’il fallait bien sûr plus de fermeté des pouvoirs publics sur le terrain local. Sic. Et Lol.  

Après, nous eûmes tous droit à une sorte de diversion : Le CRIF ne pouvait pas s’approprier Mireille Knoll et personne ne pouvait s’approprier le gendarme Beltrame Ah bon ?

Et puis, rappelle-toi : On eut droit à des promesses. Tardives. Tardives et contradictoires Monsieur Le Président. Quand vous missionnâtes un Gil Taieb et en même temps un Yassine Bellatar. Quand vous osâtes dire, en un même discours, votre consternation, mais lorsque vous ajoutâtes hélas que ça n’avait rien à voir avec les religions. Quand vous appelâtes ça une mutation de l’antisémitisme. Quand votre PM à la séance des questions promit une loi, sinon européenne, à défaut, française, qui viserait les hébergeurs sur les réseaux sociaux.

Que moi je vous écoutais, plaignant les idiots qui allaient vous croire. Puisqu’en même temps, depuis des lustres, un David Franck avait comme adresse Twitter le nombre 88. Oui Oui. Ce 88 dit HH qui représentait pour les adorateurs du Reich Heil Hitler.

Quoi, Lecteur ? Tu m’crois pas ? Tape : @Davidfranck88

C’était bien tard. 250 morts déjà. Dans des attentats dus au terrorisme islamiste radical. Des plaques qui ne les nommaient pas, ces coupables. Des victimes sans bourreaux.

Toi, tu vas, dans la foulée, au procès Bensoussan. Au surréaliste Procès Bensoussan. Faut t’y faire : y a qu’en France que ça peut avoir lieu. Que la LDH peut pratiquement dire à l’Historien qu’il aurait eu recours à des procédés proches de ceux des nazis.

Cette France. Ta France. Celle-là que Zvi Yehezkeli  et David Deryi, grâce à leur  maîtrise de l’arabe et aussi à leur courage, infiltrèrent pour produire Muslims in Europ. Infiltrant les mosquées des Frères musulmans dans les banlieues en Europe. Dévoilant, ces spécialistes du monde arabe et musulman,  sur la chaîne Aroutz 10, que le jihad silencieux opérait impunément contre le monde occidental.

Mais aussi.  Ce journaliste allemand. Hilmar Klute[1]. Qui parcourut les rues de Paris pour constater que nulle part en Europe cette haine envers les Juifs ne s’exprimait avec une telle violence.  Nous étions, conclut-il, une exception européenne. 

Mais encore : Jean-Paul Ney. Avec son docu. La Fabrique de la Haine. Tout prêt. Qui aura coûté 5 ans de sa vie. Hypothéqué tous ses biens. Pour lequel il vécut et vit désormais sous la menace. Constante. Contraint de quitter la France. Tu sais quoi ? Il lui manque quelque 30 000 €.  Jean-Paul Ney. Détruit. Ruiné. Menacé. Devine par qui. Tout ça pour avoir fait le job.

Voilà. Je voulais juste te dire, Lecteur, que même si il avait été censuré grave, en juin 2017, le documentaire de Schröder et Hafner, Les nouveaux visages de l’antisémitisme, tous on savait que la banalité antisémite persistait de manière virulente au milieu d’un monde supposé délivré du fascisme. Qu’elle subsistait, cette exécration du Juif  comme une composante de la civilisation occidentale. J’en ai ma claque de t’expliquer. T’as qu’à lire Jean Luc Nancy. Son excellent Exclu le Juif en nous. Ou réfléchir à cet essai de définition de Yann Moix. Quand il te parle d’une haine fixe en un changeant bourreau.

T’as qu’à y regarder de plus près. T’as qu’à acter qu’en effet, ça n’était jamais le même antisémitisme. Que ça n’était  pas la spécificité de l’antisémitisme chrétien qui diabolisait le trop proche, l’autre, pour exister soi-même.

Il est là aussi, le balagan : ce Juif, cet hurluberlu, qui donc prétendrait échapper à toute définition. Ainsi, une nation se définirait, un chrétien aussi, mais ça marche pas pour la laïcité juive. Essaie, tu verras. Et ça, pour certains, c’est décidément un mystère insupportable.

Voilà. Entre temps, le balagan, il a tragiquement augmenté. Avec tous ces Gazaoui qui prétendirent marcher pacifiquement pour Mireille. Et qu’Israël leur répondit non non non non : Z’êtes que des envoyés du Hamas. Et que Mediapart parla de Shoah à Gaza. Mais regarde : y a un new type de grèves à la SNCF. Que tu vas t’en prendre pour 2 mois. Après, tu partiras. A Porto Vecchio.  Don’t think twice, it’s all right.

[1] Courrier international.

Sarah Cattan

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