Le devenir des djihadistes étrangers, un casse-tête international

Environ 40 000 recrues étrangères avaient rejoint Daech en Syrie et en Irak. Avec la chute de l’organisation dans la région, les recrues rentrent chez elles ou rejoignent d’autres zones de combat.

Alors que le territoire du « califat » institué par Daech en Irak et en Syrie rétrécit chaque jour, le devenir des recrues étrangères qui avaient rejoint ses rangs dans la région préoccupe au-delà de leurs pays d’origine.

« L’endiguement de la menace des combattants étrangers concerne tous les États membres, même ceux qui se situent loin des zones de conflit », a alerté, fin novembre, Vladimir Voronkov, à la tête du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations unies, créé en juin dernier.

Sur les 40 000 combattants étrangers, originaires de 110 pays, qu’aurait comptés Daech en Irak et en Syrie au faîte de sa puissance, en 2014, ceux qui ont survécu ne sont pas tous rentrés chez eux.

Profitant de la dimension internationale de la cause djihadiste, certains ont gagné d’autres terrains de l’organisation, en Afghanistan, en Libye, au Yémen, en Asie centrale, où ils ont aussi la possibilité de combattre sous le drapeau d’autres groupes terroristes. « Les pays affectés ont besoin d’un soutien international », a alerté Vladimir Voronkov.

Des approches différentes selon les pays

S’il est difficile d’évaluer le nombre de ces « redéployés », les chiffres concernant les combattants rentrés dans leur pays d’origine sont quant à eux plus précis. D’après un rapport publié en octobre dernier par le Soufan Centre, think tank basé à New York, environ 30 % des 5 000 résidents européens ayant rejoint Daech au Levant sont « revenus à la maison » : près de 300 en Allemagne, plus de 100 en Belgique, 67 au Danemark, 50 au Pays-Bas, 13 en Italie…

L’Europe n’est pas la seule concernée. Ils sont 800 à être rentrés en Tunisie (sur un total de 2 926), 760 en Arabie saoudite (sur un total de 3 244), 250 en Jordanie (sur un total 3 000). Leur implication directe dans les activités terroristes de Daech en Irak et en Syrie étant variable, tout comme les législations des pays d’origine, ces recrues étrangères ne sont pas toutes incarcérées et ne font pas toutes l’objet d’une procédure judiciaire.

Les situations diffèrent au sein même de l’Union européenne. « Les approches varient : en Suède et au Danemark, les mesures ont une dimension plus sociale et locale qu’en France, où l’approche est plus répressive et plus centralisée », indique Francesco Marone, chercheur à l’Institut d’études de politique internationale, à Milan, et membre du Centre international de contre-terrorisme, à La Haye.

La peur d’actes terrorismes commis par des « revenants »

Les pays de retour partagent toutefois une même crainte : que ces transfuges, qui ont approché Daech jusque dans son berceau, ne perpétuent des actes terroristes « chez eux ». Tentant d’évaluer la menace, Francesco Marone et ses confrères ont élaboré une base de données de toutes les attaques terroristes commises en Europe et en Amérique du Nord depuis 2014. « Environ 50 % d’entre elles sont le fait de combattants étrangers de retour », indique le chercheur.

Faut-il en déduire que les revenants sont plus dangereux que les radicalisés « locaux » ? Certains d’entre eux ont côtoyé des professionnels de Daech sur le terrain, où ils ont acquis un savoir-faire. « Ils peuvent monter des attaques plus sophistiquées que le recours à une voiture contre une foule », estime Francesco Marone.

« Certains sont dangereux mais pas tous »

Mais aux yeux du chercheur, la plus grande source d’inquiétude tient à leur pouvoir d’influence. « Même dans le cas où les combattants de retour ne perpètrent pas d’attaques personnellement, ils sont en général charismatiques, sont considérés comme des vétérans et peuvent transmettre un message sur cette utopie du califat, qu’ils ont vécue, à ceux qui n’ont pas pu la voir », explique-t-il. Mais tous n’ont pas rebroussé chemin, armés des motivations qui les avaient poussés au départ, note Francesco Marone. Il y en a qui sont rentrés par peur, d’autres par désillusion. Certains sont atteints d’un syndrome post-traumatique. »

Autant de cas singuliers qui soulignent la difficulté de définir une attitude unique à adopter face aux « revenants » de Daech.

Marianne Meunier

Source lacroix

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