Charles Rojzman le faiseur de paix, par Sarah Cattan

A l’origine de la thérapie sociale, Charles Rojzman est appelé de par le monde pour résoudre des conflits, qu’ils s’exercent au sein de villes, dans des services publics ou encore des entreprises, tous déstabilisés par ces violences et haines intestines d’origines diverses, nées de l’extrémisme politique, du désir d’imposer la charia ici ou là, de conflits identitaires entre autres.

Ce faiseur de paix qui va de La Courneuve à Dresde, partout où ces conflits éruptifs risquent de dégénérer en guerre civile, publie Vers les guerres civiles, Prévenir la haine[1], où il s’interroge d’emblée sur la nature de cette violence explosive sécrétée par nos sociétés, doutant que le leitmotiv du vivre-ensemble suffise à l’endiguer et se demandant comment s’en sortir. En recréant les conditions d’une règle du jeu commune et d’une démocratie heureusement conflictuelle, nous répond paradoxalement celui qui, in fine, conclura par l’éloge du conflit.

Citant Jules Romains, Charles Rojzman évoque ce duel à mort inédit qui oppose un corps d’idées diamétralement adverse, et l’urgence d’un combat qui consiste en une révision sans complaisance de nos idées, pour mettre fin à la régression terrifiante qui, s’emparant de plusieurs peuples, a fait d’eux un péril pour le monde. C’est qu’il se demandait déjà, en 1944, Jules Romains, comment lutter contre cette maladie où toute une partie des forces morales et matérielles du monde s’était funestement engagée.

L’INVENTEUR DE LA THÉRAPIE SOCIALE

Partant du projet fou de Dresde où il prétendit arrêter cette guerre civile à l’échelle d’un quartier, l’inventeur de la thérapie sociale veut tenter de guérir ces folies collectives en déminant, grâce à un processus de mise en confiance et de confrontation, une situation humaine explosive. Ce médecin des âmes prétend guérir la folie du monde, lui qui a identifié les trois principales maladies de l’époque : cette dépression générale née de l’absence de sens et de projet commun, cette compétition qui n’accepte ni les perdants ni les vaincus, et cette paranoïa collective et réciproque  qui oppose les représentants autoproclamés du bien et du mal.

Des guerres civiles se préparent dans l’ombre, répète-t-il, opposant communautés, groupes ethniques ou religieux, clans idéologiques. L’auteur les explique par l’absence d’espoir, la perte des repères et le désarroi dans lequel chacun est plongé, au plus intime de sa vie, annonciateurs de la montée des extrémismes religieux ou idéologiques marqués par la haine de l’autre. Nous sommes collectivement malades, assène-t-il, et la France elle aussi est touchée par cette maladie née de rancœurs accumulées, qui progresse de façon insidieuse, et que tous s’accordent à voir comme une menace sur la démocratie tout en l’envisageant quasiment comme née d’une fatalité mystérieuse.

Charles Rojzman nous rappelle à bon escient que les hystéries collectives naissent toujours du sentiment des hommes d’être malheureux, la faute à un ennemi mal identifié, et la voilà l’occasion rêvée pour que surgisse un leader incarnant mieux que d’autres ces tendances paranoïaques et hystériques. La France multiculturelle est devenue une société multiraciste, la xénophobie incarnant le mieux la violence de notre société conflictuelle qui ne sait plus vivre ensemble, grâce à des espaces et des outils où ces conflits s’exprimeraient sans violence.

CETTE FRANCE COUPÉE EN DEUX

Se méfiant du vivre-ensemblisme, Rojzman explique que le conflit faisant partie de la vie, le nier serait avoir une image fausse et idéalisée de la vie collective. Ces oppositions irréductibles, elles sont la guerre invisible de notre pays, celle qui se dit notamment dans l’isoloir et qui dessine cette France coupée en deux. Pour Rojzman, cette guerre civile qui est déjà dans les têtes, loin d’opposer musulmans et non-musulmans, se joue entre deux France qui s’opposent en tous points sur les questions d’identité, d’immigration et sur la place de l’islam en Occident, les premiers, s’autoproclamant citoyens du monde,  dénonçant l’islamophobie du clan d’en face, ces autres qu’ils diabolisent de facto, ces deux France s’unissant dans le sentiment d’être manipulés par les propagandes et conditionnés par cette société qui les calme à coups de panem et circenses, ne leur offrant pour toute représentation de l’autre que des images caricaturées et simplifiées à l’extrême.

Prétendant nous faire entendre en les faisant se confronter ces paroles conflictuelles, les mettre en somme en résonnance avec d’autres paroles pour avoir enfin une idée de cette réalité si complexe qu’est le monde d’aujourd’hui, et projetant, pour ce faire, d’utiliser les outils de la thérapie sociale, Rojzman voit là le seul moyen de lutter contre les guerres civiles qui sourdent et contre la tentation totalitaire qui séduit aujourd’hui de nombreux musulmans, cet islam politique et radical qui veut imposer, par la terreur,  sa foi et ses lois au reste de l’humanité, notamment à ces démocraties faibles et malades qui oscillent entre guerre, déni, passivité, voire collaboration.

La guérir, cette démocratie à bout de souffle, lui donner les outils pour qu’elle redevienne une démocratie vivante et conflictuelle au sens positif du terme : telle est la visée de la thérapie sociale.

Après avoir répertorié les signes annonciateurs, à savoir comment l’islam fut pris en otage par les religieux totalitaires ou comment se constitue l’électeur du front national, après avoir évoqué l’unanimisme suspect qu’on tenta de nous vendre après la mort tragique des dessinateurs de Charlie, et ce par le biais du logo Nous sommes tous Charlie créé par le webdesigner Joachim Roncin, l’auteur, citant Voltaire,  analyse la barbarie de ces monstres inhumains  et propose de l’expliquer par le retour à cette époque où seuls comptent la satisfaction des pulsions et des désirs mégalomaniaques, ce fanatisme guidé par la haine, la perte des acquis des Lumières, finissant par dénoncer l’assentiment silencieux du massacre par une partie bien plus importante qu’on ne le croit d’Européens de culture judéo-chrétienne  d’une part et de musulmans d’autre part, qui partageraient  l’idéologie et les ressentiments qui sont à l’origine de tels passages à l’acte.        

Tentant de comprendre la diabolisation d’Israel par des personnes qu’on ne peut  taxer d’antisémitisme, l’auteur émet l’hypothèse que, prenant systématiquement et aveuglément le parti des opprimés ou de ceux qu’ils ont décrétés comme tels, leur amour de la justice et de la liberté a paradoxalement mené ceux-là à rejoindre dans leur combat ces vrais antisémites qui ne voient dans Israël que le Juif éternel, dominateur et sanguinaire, accusant de concert l’Etat hébreu de colonialisme et d’apartheid, opérant ce rapprochement entre le diable et les Juifs déjà à l’œuvre chez les apôtres Jean et Marc et incontestablement présent dans le Coran et les hadiths, alors qu’il n’existe pas dans le bouddhisme et l’hindouisme : un monstre diabolique est ainsi créé, bel exemple de projection au sens psychanalytique du terme , de la part de ceux qui veulent aujourd’hui dominer l’univers.

Une deuxième partie, Raisons et Déraisons des guerres civiles, évoque les nouvelles formes de fascisme présentes dans le monde arabo-musulman, résultante de l’alliance entre frustrés et déshérités. Rojzman rappelle que le terme islamophobie, employé pour la première fois par l’ayatollah Khomeini, signifie la peur de la folie meurtrière et du fanatisme des sectateurs d’Allah, et que seul l’antiracisme dévoyé craint de paraître islamophobe. Lui dénonce sans ambages cet islam qui prétend exiger le triomphe du dieu unique, et l’assimile à un mouvement totalitaire et fasciste qui, se nourrissant de violences urbaines, chante la tentation djihadiste, promettant de rétablir les exclus dans leurs droits et gravant le rejet des juifs dans l’inconscient collectif musulman.

Evoquant le temps des imposteurs, l’auteur décortique la stratégie islamiste qu’il qualifie de plan islamiste: diviser pour régner, notamment en tentant d’entrer dans la logique terroriste, véritable stratégie militaire.

Analysant la haine de ces électeurs du Front National issus de la gauche, ceux qui affirment qu’il faudrait tous les zigouiller, Rojzman, loin de la justifier, propose de comprendre comment naissent et prospèrent ces haines : Nous sommes en guerre, contre ceux qui espèrent régner un jour et qui, dans ce but, cherchent à provoquer haine et ou méfiance à l’égard de tous les musulmans, auxquels ils pourront dire qu’on ne veut pas d’eux.

Pour l’auteur, c’est l’écroulement des sociétés patriarcales et autoritaires et leur inadaptation face à la modernité qui a engendré les monstres fascistes et totalitaires. Ainsi, pour lui, la crise des banlieues, qui n’existait pas il y a vingt ans, augmente le risque de voir s’installer à la place du vide laissé par l’inadaptation de nos institutions les pires tentations extrémistes et contribue à forger le monstre qui risque de nous dévorer tous.

Décortiquant ce qui constitue le totalitarisme, il explique comment cette mouvance a toujours valorisé la pureté, l’authenticité face à la corruption et la cupidité, fabriquant une image repoussante et méprisable de notre démocratie dépeinte en proie au relâchement moral et à la corruption.

Proposant de réviser l’idée démocratique, Rojzman mise sur l’utilité du conflit puisqu’on ne peut éliminer la pensée de l’autre en la qualifiant de sous-pensée : à nous de repenser notre démocratie pour refaire société, en recréant par exemple des environnements réparateurs, en écoutant les douleurs chuchotées, en opérant un travail politique pour résoudre des problèmes collectifs. L’auteur parle là d’information circulante, et en arrive à un éloge du conflit, qui aura fait émerger l’intelligence collective, cela grâce à la thérapie sociale, qu’il voit comme une continuation des idéaux des Lumières, le règne de la raison critique l’emportant contre le fanatisme : il nous faut apprendre à vivre dans une société où le conflit est devenu incontournable, dans la mesure où il illustre la crise de sens, celle de l’autorité, du travail ou encore celle du lien.

UNE SOCIÉTÉ QUI NE RÊVE PLUS EST CONDAMNÉE À LA VIOLENCE

Les méthodes de prévention de la haine préconisées sont la parole, la rencontre, et l’existence de projets , une société qui ne rêve plus étant condamnée à la violence, l’importance du lien enfin, né d’un véritable processus d’éducation démocratique, entendez un lien qui doive se construire à travers le conflit et n’occulte en rien les différences. Voilà comment la thérapie sociale, au service du combat contre la pensée totalitaire, devient bien continuation des idéaux des Lumières, cherchant à nous rapprocher de la réalité et ne sachant donc exister dans un monde où la diversité des idées serait interdite : Le vivre-ensemble  et la fraternité ne se décrètent pas et ne sauraient faire l’objet d’une injonction morale. Pour y tendre cependant, œuvrons vers une fraternité qui ne soit pas un choix moral mais plutôt une disposition intérieure qui inclue le conflit et la lucidité par rapport à la réalité, qui nous apprenne à combattre sans haine ce soldat ennemi. La voilà, l’occasion urgente d’un véritable débat sur les valeurs, accompagné de son corollaire: l’apprentissage de l’esprit critique.

Un leadership démocratique qui fasse autorité par sa compétence , qui accepte les remises en cause sans réagir par la violence, une pratique démocratique qui s’exerce grâce à la circulation d’une parole vraie rendue possible par la rencontre et dans le conflit, grâce à de véritables contrats entre les protagonistes, une aide pour sortir de la victimisation, principale cause des violences entre les personnes et les groupes, voilà comment, conclut Charles Rojzman, émergera une communauté nationale qui fasse obstacle aux menaces totalitaires : le XXIème siècle sera le siècle de l’apprentissage démocratique ou il ne sera pas.  

[1] Vers les guerres civiles, Prévenir la haine, Lemieux éditeur, décembre 2016.

Sarah Cattan

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1 Comment

  1. Un peu de bon sens ,mais la mission est impossible ,la france est submergee par les musulmans qui ne partagent pas .
    Le vivre ensemble ,c est a la mosquee .Toute la classe des ” elites ” collaborent avec l occupant, la loi du nombre a fait le reste , ce pays autrefois france n existe plus , les pays voisins suivront .

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