C’est l’été : let’s dance avec David Jewsalsa, par Sarah Cattan

Sur sa carte de visite, David el Shatran, Troubadour Circoncis ambianceur. Marieur aussi, ajoute David Pergament, qui vous explique que son nom veut dire parchemin en yiddish.

Cet énergumène qui mène le bal avec ses sept musiciens a créé Cigarillos en el Shtruddle, une véritable petite pépite, un groupe qui raconte une culture juive éclectique, une culture toute de contrastes, associant judaïsme et salsa, culture latine et danse juive, Klezmer et moderne : fallait y penser ? David el Shatran, il l’a fait.

Ce pianiste et prof de salsa passionné a réussi à combiner ses deux passions en créant à la fois son groupe, Cigarillos en el Shtruddle, et l’association Jewsalsa, qui réunit de plus en plus de passionnés chaque année et dont on parle aujourd’hui hors de nos frontières. Jewsalsa, nous dit David, permet de diffuser et transmettre la culture juive à travers la danse, c’est une manière de partager nos valeurs avec des Juifs et des non Juifs : J’aimerais que les gens aient un regard sur l’identité juive au-delà des pratiques religieuses, de l’alyah ou encore de la lutte contre l’antisémitisme, centralités communes à la plupart des communautés juives de France.

Objectif atteint, car aujourd’hui, David et ses Cigarillos en el Shtruddle participent à de nombreux festivals, organisent des soirées sur la culture juive à Paris, proposent chaque été des animations à Paris Plage et les jeunes qui viennent à leur rencontre, d’où qu’ils soient, semblent tous se fondre en une Jewish Community centrée seulement sur la danse et la musique.

Vous dites mais c’est qui ceux-là ? Alors, sachez que pour fêter la sortie de leur second album, Somos los Cigarillos, produit par le label IEMJ, les Cigarillos en el Shtruddle se produisirent tout bonnement au New Morning à Paris, preuve qu’elle était assurée, la relève du genre Jewish Latin music qu’on croyait trusté par les seuls Irving Fields ou Juan Calle, rois du Yiddish mambo : là, dans cette formation française, dans ce combo d’inspiration cubaine avec ses huit à neuf musiciens, David reprend le flambeau avec une inventivité époustouflante, créant des ponts naturels entre salsa, cumbia, Klezmer et liturgie juive. La salsa ? Pour David, c’est un vecteur de lien social qui vous prend au piège, un des plus puissants outils fédérateurs qui puissent exister, en particulier pour celui qui n’aime pas danser. C’est une extension naturelle de son éducation, reçue de parents aimant le jazz, la musique classique autant que le Klezmer et l’ayant éduqué dans un judaïsme avec des valeurs et des cultures, confie-t-il en soulignant l’importance du pluriel dans les cultures. Il ajoute que son père est un ashkénaze de Pologne et sa mère une sépharade de Tunisie, si bien qu’à Pessah, il y avait toujours au sein d’un même repas poisson géilte et raifort qui flirtaient avec msoki et harissa : J’ai connu les avantages de la fusion depuis l’enfance.

A l’origine chercheur en intelligence artificielle, déposant des brevets sous son nom de naissance David Pergament, il a juste dévié son chemin, David, au cours de cette année sabbatique qu’on a la sagesse et le luxe de parfois savoir s’offrir. Faire les deux, puis ne plus faire que ça, voilà le choix de celui qui confie s’enivrer du silence nocturne, cette mélodie enivrante qui lui est source inépuisable d’inspiration. Oui il est fier que ce deuxième album ait eu les honneurs de Télérama et que Jewsalsa ait pris une dimension internationale. Mais voilà, pour sa mère, ça le fera seulement lorsqu’il passera sur TSF JAZZ. Il donnera 3 concerts cet été à Tempo Latino, le plus gros festival de Salsa en France ? Ben il en faut davantage pour faire kiffer sa mère et ses deux sœurs Jessica et Melissa.

Madame Pergament, ils étaient et retourneront encore à Cuba avec la communauté juive de La Havane à l’occasion de Pourim,  nos 12 Jewsalseros. Même qu’il nous raconta, votre fils, à quel point ce qu’il avait vu à Cuba avait influé sur la façon dont il fit évoluer la communauté Jewsalsa, actant ces   liens entre la Yiddish Mama et la Mama Cubana, entre l’histoire de la salsa et celle des danses du Shtetl, cette même place laissée à l’improvisation, la complexité des structures rythmiques, l’amour commun pour la transe, et qu’il nous apprit ses influences : El cantante Hector Lavoe, et puis le pianiste et chef d’orchestre Larry Harlow, surnommé par ses pairs Le juif merveilleux.

En 2018, Jewsalsa aura 10 ans : ce sera l’occasion d’une tournée aux USA  en janvier 2018, d’un retour à Cuba pour y fêter Pourim, et puis une foultitude de projets, comme tenter une Jewsalsa engagée où leurs valeurs seraient retranscrites dans les textes de leurs chansons.

Mais ils garderont leur âme, et fusionneront toujours Klezmer et salsa, entre danse de Rabbi Jacob à la sauce cubaine et thème de Zorro ralenti en une de ces complaintes dont on ne sait même plus par quel miracle elle fait couler des larmes. De ces larmes bienfaisantes. C’est que David et ses Cigarillos en el Shtruddle, faut pas chercher à comprendre : c’est drôle, c’est guincheur, et qui que vous soyez, vous bougerez, si ne dansez, au son de la clarinette yiddish ou des congas latinas, et peut-être même vous laisserez-vous emporter dans la hora tant il swingue, ce Klezmer sauce salsa ponctué ça et là des sonorités envoutantes des tambours Batá. Car il est là, le groupe le plus chaud de la scène Klezmer parisienne, dans ce mélange de musiques juives et de rythmes d’Amérique latine, ce méli-mélo d’espagnol et d’hébreu, dans cet improbable mélange de talons aiguille et de talith, de sexy et de sacré,  pour citer l’excellent Douglas Kiman d’Akadem.

Et ça fonctionne, explique David : Ce qui bougeait à cuba, la salsa cubaine, et des choses plus spirituelles, la façon dont la religiosité se vit au quotidien, des paroles en yiddish, des paroles en hébreu, certaines sacrées, certaines profanes, on a mis ça sur ces rythmiques qui incarnent la spiritualité cubaine. Y a du rythme argentin, de la salsa : ça voyage. Ça danse ! J’ai voulu mettre sur ces rythmiques qui parlaient à mon corps des musiques qui parlaient à mon esprit, mettre des voix jazz  puis des voix gospel.

Pour info, composé des mots hébreux kley et zmer signifiant instrument de chant, le terme Klezmer en yiddish prend le sens de musicien professionnel, ces musiciens constituant une sorte de caste héréditaire, avec des kapelyes, ensemble de musiciens, parfois constituées des membres de la même famille, pères et fils, qui jouent du violon, de la flûte, de la clarinette, de la contrebasse, de la trompette, et du tsimbl, une sorte de cymbalum. On apprend encore que la hazanout, chant liturgique synagogal, la chanson populaire yiddish et les nigunim, mélodies hassidiques, ont exercé une profonde influence sur la musique instrumentale Klezmer. Le genre décline après la Shoah, avec le tarissement de la source européenne de potentiels échanges musicaux, mais dans les années 1970, de jeunes musiciens recommenceront à explorer cette tradition musicale Klezmer

Encore pour info : l’association Jewsalsa propose des cours de salsa et des soirées, notamment au rendez-vous hebdomadaire du dimanche, la  Balagan Salsa Party, au Café 6, 19 rue des Canettes, Paris 75006, de 17h à 21h. Pendant Paris Plage, du 20 juillet au 4 septembre, Jewsalsa enseigne la danse entre le Pont des Art et le Pont Neuf et affiche son identité avec fierté : à notre événement, il est écrit partout Jewsalsa : Sur les chapeaux Borsalino du personnel, sur nos bannières.

La danse sociale, conclut David, contribue à abattre les barrières qui se sont dressées à la suite de la terreur dévastatrice qui a prévalu sur Paris. Dans la communauté juive, nous sommes une organisation qui rend possibles les choses impossibles.

Sarah Cattan

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