Face à Netanyahou et à Donald Trump, l’OLP menace et s’essaie à la résilience

Il s’agit d’un texte reprenant un discours de Saeb Erekat, négociateur en chef palestinien qui a réussi à ne rien concéder pendant une négociation qui avait duré 9 mois sous les auspices de John Kerry : du grand art mais il nous apparaît important que ce texte soit publié pour que nos lecteurs sachent toute la complexité du conflit.SaebErekat

« Personne n’a autant profité des négociations de paix que les Palestiniens » : Saeb Erekat,  Secrétaire général du comité exécutif de l’OLP, Mardi 7 février 2017 à l’Académie diplomatique internationale.

Comment exprimer sa colère, après tant d’avanies? Comment esquisser une riposte qui paraisse crédible? Comment se faire entendre, à l’ombre des puissants…..

Saeb Erekat n’ignore rien de ces questions. Cet ancien négociateur palestinien est l’un des meilleurs connaisseurs des arcanes diplomatiques où se joue, en partie, le sort de son pays. A partir de 1995 et pendant près de quinze ans, il a été de toutes les discussions sur l’autonomie partielle de certains territoires palestiniens. Proche du leader historique palestinien Yasser Arafat, il a joué un rôle clé dans les négociations de Camp David (2000) et de Taba (2001) qui, sous la houlette du président américain Bill Clinton, se sont approchées le plus d’un accord de paix global entre Israël et l’OLP.

Secrétaire général du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), cet élu de Jéricho, ville vieille de 9000 ans, conserve une position clé dans le système politique palestinien. Il était à Paris mardi 7 février dans la délégation accompagnant le  président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui a rendu visite à François Hollande. La veille, le parlement israélien – la Knesset – avait adopté une loi permettant de déclarer israélienne des terrains privés palestiniens de Cisjordanie. Un vote qui provoqua un tollé dans le monde entier car il ouvre la possibilité d’une annexion par morceaux de la Cisjordanie. Le président Donald Trump, en revanche, n’a pas réagi, lui qui recevra le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou le 15 février.

Devant une cinquantaine de personnes – diplomates, chercheurs, journalistes – réunis à l’Académie diplomatique internationale, Saeb Erekat a protesté contre cette « soi-disant loi » – qui pourrait être invalidée par la Cour suprême israélienne. Et il a défendu coûte que coûte la piste d’une solution du conflit fondée sur le scénario de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité – scénario pourtant rendu de plus en plus difficile par la colonisation.

Le nombre de colons en hausse

Selon des chiffres rendus publics jeudi 9 février par Yesha, la principale organisation des colons, plus de 421 000 colons israéliens vivaient fin 2016 en Cisjordanie, un chiffre en hausse de 3,9% par rapport à l’année précédente. Et selon le Jerusalem Institute for Israel Studies, plus de 203 000 autres vivaient dans des quartiers de colonisation à Jérusalem-Est, en 2014.

« Je ne regrette aucune de toutes ces minutes passées à négocier »

« Pour reprendre les négociations entre Palestiniens et Israéliens, il n’est pas besoin de réinventer la roue », commence Saeb Erekat. « Nous les Palestiniens, nous l’OLP, nous avons reconnu le droit d’Israël à exister, en paix et en sécurité, sur 75% du territoire de la Palestine mandataire britannique. A partir des accords d’Oslo en 1993, nous avons négocié de bonne foi avec les Israéliens. Je ne regrette aucune minute de tout ce temps passé. Personne n’a autant profité des négociations de paix que les Palestiniens. Et personne n’aurait autant à perdre d’une abrogation des accords conclus que les Palestiniens ».

« Nous n’avons pas d’armée, pas d’économie »

« Ces accords nous octroient des droits, alors que le rapport de force militaire nous est totalement défavorable. Nous les Palestiniens, nous n’avons pas d’armée, pas d’aviation, pas de marine, pas d’économie ».

« La loi du 6 février, un premier pas vers l’annexion »

« L’option de paix sur laquelle nous travaillons, et qui est toujours la mienne, c’est la solution à deux États. Mais Benjamin Netanyahou n’a pas arrêté de vouloir la détruire depuis qu’il est devenu pour la première fois premier ministre en 1996, et même dès 1993. Et il a vraiment fait du bon boulot !! La soi-disant loi votée lundi 6 février en est un bel exemple. Si elle n’est pas cassée par la cour suprême israélienne, elle permettra de légaliser les colonies illégales, elle autorisera le vol et le pillage du sol palestinien. Ce serait un premier pas vers l’annexion des territoires de la Cisjordanie. Un deuxième coup après l’annexion de Jérusalem-Est par Israël en 1967″.

« Nous combattons le sionisme, pas le judaïsme »

« Mais d’accord ! Faisons comme si Netanyahou avait gagné et qu’il avait détruit la solution à deux États », enchaine Saeb Erekat, en puisant dans l’art de la rhétorique. « Il nous a vaincus, nous les Palestiniens modérés, et tous les Arabes modérés, et le camp de la paix israélien. Que se passera-t-il après? Les Palestiniens, qui sont musulmans et chrétiens, se convertiront-ils au judaïsme? Certainement pas. Attention ! Nous ne sommes pas en guerre contre le judaïsme, qui est une des plus grandes religions du monde. Mais nous combattons l’Israël nationaliste, le sionisme, l’accaparement des terres. Notre conflit est politique, il est pour le contrôle de nos territoires, l’affirmation de notre nation ».

« S’il n’y a qu’un seul État, comment fonctionnera-t-il? »

« Ce sont Netanyahou et ses alliés extrémistes qui veulent nous entrainer vers un conflit religieux. Car s’il n’y a qu’un seul État, comment fonctionnera-t-il? Comme un État démocratique où tous les citoyens, juifs et arabes, seront à égalité? Quand on dit cela, Netanyahou nous accuse de menacer le caractère juif d’Israël ! »

« Netanyahou et consorts se rapprochent de tous les suprématistes »

« En fait, pour les Israéliens qui prône la solution d’ « un État, deux systèmes », il n’y a pas d’autres options que celui d’un régime d’apartheid, avec nos villes enfermées dans des enclaves, le vol de la terre, les démolitions de maisons, les punitions collectives,un contrôle généralisé… Netanyahou et consorts voudraient-ils que nous acceptions un tel sort en remerciant Dieu d’être ainsi placés sous l’occupation israélienne? Pourquoi essaient-ils donc de se rapprocher de tous les suprématistes et extrémistes de droite en Europe et aux États-Unis si ce n’est pour créer une alliance contre l’Islam, contre les Arabes et in fine contre les Palestiniens? »

« Un terrible constat »

« Mahmoud Abbas, lui, refuse la violence », affirme Saeb Erekat. « Il croit à la solution à deux États. Mais si Israël n’y croit pas, si nous arrivons à la conclusion que Netanyahou ne veut pas de cette solution, ce sera un terrible constat. Car nous ne participerons pas un système où il y aurait deux cartes d’identité différentes, l’une pour les juifs, l’autre pour les Arabes; deux plaques d’immatriculation différentes, l’une pour les juifs, l’autre pour les Arabes ».

« Nous ne coopérerons pas à un régime d’apartheid »

« Notre réaction sera d’abord l’enracinement : j’y suis, j’y reste ! Puis l’abandon de la reconnaissance d’Israël. Car enfin, si Israël ne veut pas d’un État de Palestine, pourquoi reconnaitrait-on Israël? Cela mettrait fin à toutes nos relations officielles, politiques, sécuritaires, économiques entre l’Autorité palestinienne et Israël. Lorsque nous disons cela, Netanyahou nous accuse de recourir à la menace. Mais quel choix nous laisse-t-il? Nous n’accepterons pas de coopérer à un régime d’apartheid ».

« Un État sans Jérusalem-Est comme capitale n’a aucun sens »

« Même chose si le président américain Donald Trump décidait de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem. Si les Américains ou qui que ce soit déménagent leur ambassade, c’est un fait accompli, c’est la reconnaissance de l’annexion de Jérusalem-Est par Israël, point final. Or pour nous, Palestiniens, avoir un État sans Jérusalem-Est comme capitale n’a aucun sens ».

« A la puissance occupante de payer pour l’occupation »

« Si nous nous réveillons un matin, allumons Fox News ou CNN et apprenons que quelqu’un a pris la décision de déménager l’ambassade, le jour même, la reconnaissance par l’OLP de l’État d’Israël sera révoquée et l’État de Palestine demandera son accession à seize organisations internationales auxquelles il peut prétendre. Et nous dirons à la puissance occupante israélienne d’assumer ses responsabilités. Vous les Européens, vous n’aurez plus besoin de nous envoyer de l’argent. Car selon le droit international, ce sera la responsabilité de la puissance  occupante de payer les salaires de nos instituteurs, de nos policiers, de nos éboueurs. Et puis nous irons devant les Nations-Unies et nos demanderons que l’adhésion d’Israël, pays qui n’obéit à aucune résolution, à aucune loi internationale, soit suspendue jusqu’à ce que son comportement change ».

« Ne nous mettez pas dans la situation où nous n’avons plus rien à perdre »

« Nous disons à Netanyahou, à Trump, ne nous mettez pas dans la situation où nous n’avons plus rien à perdre. C’est le cas déjà avec la loi du 6 février, qui est un crime de guerre. Pour la contrer, nous ne recourrons pas à la violence mais au droit international. Nous saisirons la Cour pénale internationale. Israël n’en est pas membre mais c’est un État qui doit se soumettre à la loi commune ».

« Israël fait partie de la culture américaine »

« Je sais que ce jour-là, le Congrès des États-Unis entrera en guerre contre l’OLP, nous déclarera terroriste, fermera notre bureau à Washington. Car Israël fait partie intégrante de la vie politique des États-Unis, et même de leur culture et de leur religion. Nous, non ! Mais ceux qui pensent que les colonies sont légales, que l’annexion de Jérusalem-Est est légale, sont dans un déni de réalité. Ils nous ignorent mais pensent-ils pouvoir nous faire disparaître? Les colonies sont en violation des résolutions de l’ONU, des conventions de Genève, du droit international. Cela relève des crimes de guerre. Les États-Unis doivent se convaincre que la solution à deux États fait partie de leurs intérêts vitaux. »

« Netanyahou veut dicter sa solution »

« Cela passe par des pressions sur Netanyahou, qui a toujours fermé la porte aux négociations. Quand François Hollande l’a invité à venir à Paris en même temps que Mahmoud Abbas, il a refusé. Idem quand Poutine les a invités. Il ne veut pas négocier. Il veut dicter la solution. Il veut nous convaincre de céder à ses attentes, nous contraindre de vivre sous apartheid. Ne l’encouragez pas! »

« Les colonies violent le droit international »

« Les colonies doivent être totalement boycottées. Elles violent le droit international. L’Union européenne a décidé d’un étiquetage spécial pour les productions qui en viennent. Mais c’est comme si elle disait : attention, nous vous signalons que ce produit est volé mais si vous le voulez, vous pouvez l’acheter quand même ! Il faut refuser tout contact avec les entreprises ou les instituts de recherche israéliens basées dans les colonies. Savez-vous que chez moi, à Jéricho, je suis obligé de payer mon eau à une compagnie israélienne qui me la vend un dollar le mètre cube alors qu’à quelques kilomètres, une colonie élève des alligators dans un lac artificiel? ».

« La France doit reconnaitre l’État de Palestine »

« Quant à la France, elle a voté la récente résolution 2334 du conseil de sécurité de l’ONU. Mais pourquoi ne reconnait-elle pas l’État palestinien? Elle est pour la solution à deux États, mais pourquoi n’en reconnait-elle qu’un seul? Celui d’Israël et pas celui de Palestine? Si elle veut sauver l’option à deux États, ne devrait-elle pas sauver l’État de Palestine? Ce serait la meilleure preuve de soutien. C’est ce qu’a fait la Suède, mais aussi les parlements britannique, espagnol, portugais et français !…. Aujourd’hui, à l’heure de Facebook, personne dans le monde n’ignore le conflit israélo-palestinien, ni les positions des uns et des autres. Et c’est aussi un conflit qui alimente la propagande de Daech, Al-Qaïda et les autres djihadistes ».

« L’Autorité palestinienne tient le cap de la démocratie »

« Quant à nous, Palestiniens, nous sommes comme tout le monde. Il y a parmi nous des gens bien, des gens mauvais, des gens normaux. Nous vivons sous occupation et cela nous marque, évidemment. Mais l’Autorité palestinienne tient le cap de la démocratie. On compte 26 partis ou forces politiques palestiniennes; les enseignants étaient en grève l’an dernier; les médias nous critiquent tout le temps !! »

« Organiser des élections »

« Il faut que nous organisions des élections. Pour cela, nous devons constituer une gouvernement d’union nationale avec le Hamas, pendant environ six mois. Ce n’est pas simple car si le Hamas est bien un parti palestinien, c’est aussi un membre de l’organisation des Frères musulmans, qui refuse l’idée d’État national et prône un État panislamique. Mais il y a un point sur lequel nous devons trouver un accord : c’est de régler nos différends par le vote, et pas par les armes. C’est ce que Mahmoud Abbas a dit à Ismaël Haniyeh et à Khaled Mechaal quand il les a vus en octobre dernier à Doha ».

« Un seul État, un seul drapeau, une seule Autorité »

« Nous connaissons tous la complexité de la région du Proche et du Moyen-Orient. Dans un tel contexte, en tant qu’OLP et qu’Autorité palestinienne, nous espérons que tout le monde comprendra que la seule façon d’avancer, c’est l’unité nationale : un seul État palestinien, un seul drapeau, une seule autorité pour la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza ».

Source blogs.la-croix

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1 Comment

  1. «Ces accords [Oslo] nous octroient des droits, alors que le rapport de force militaire nous est totalement défavorable. Nous les Palestiniens, nous n’avons pas d’armée, pas d’aviation, pas de marine, pas d’économie».
    ————–

    Tout est dit… merci la gauche israélienne! N’oublions pas aussi le droit de commettre en Israël des centaines d’attentats depuis 1993…

    La seule solution viable est qu’ils deviennent jordaniens et qu’une partie de la Judée-Samarie où se trouve la majorité des arabes soit rattachée à la Jordanie, avec transfert de population et échange de territoire là où ce sera nécessaire.

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