Cazeneuve : le bail le plus court, par Richard Liscia

Bernard Cazeneuve a été nommé Premier ministre par François Hollande, juste après que Manuel Valls eut remis sa démission au chef de l’État. L’ex-ministre de l’Intérieur est le meilleur choix que M. Hollande pût faire dans son vivier de talents. Cependant, il ne restera que cinq mois à l’Hôtel-Matignon.

Photo : Wikimedia Commons
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CONFORME à lui-même, le président de la République n’a pas choisi, pour diriger le gouvernement, un homme qui aurait pu être l’exact opposé de M. Valls. M. Cazeneuve a fait, là où le devoir l’appelait, du très bon travail, au Budget par exemple, et encore plus à l’Intérieur où il a réunifié les services de sécurité et s’est battu avec acharnement contre le terrorisme islamiste. Il s’entend fort bien avec M. Valls, et on ne peut pas dire que sa nomination contienne une once de rancœur présidentielle à l’égard de son précédent Premier ministre, celui qui, de facto, l’a empêché de se présenter pour un second mandat. Les autres nominations, celle de Bruno Le Roux à l’Intérieur, celle d’André Vallini aux relations avec le Parlement et celle de Jean-Marie Le Guen au Développement et à la Francophonie, confirment la ligne social-démocrate de M. Hollande sans accentuation à gauche. Le remaniement gouvernemental est l’acte ultime d’un président qui s’apprête à sortir de l’histoire, et souhaite le faire dans la dignité, mais aussi dans la discrétion. Il n’y a pas de projet de loi sur la table de l’Élysée et ainsi sera évitée toute bataille parlementaire.

Tout pour le présent, rien pour l’avenir.

La nomination de M. Cazeneuve a été accueillie par un concert d’éloges. Le nouveau Premier ministre est même épargné par la droite. Cet homme de 53 ans est un modèle de dévouement, de sérieux, d’intégrité. Il a été, avec Jean-Yves le Drian à la Défense, l’un des meilleurs ministres de François Hollande. Il représente aussi celui qu’il fallait nommer en cette fin de mandat crépusculaire où le travail du gouvernement consistera essentiellement à maintenir une légitimité que les échéances électorales risquent d’entamer à la fois sur les plans intérieur et extérieur. Il fallait un peu d’abnégation à M. Cazeneuve pour accepter une mission aussi courte, même dans le cadre du deuxième emploi national, et il lui faudra de la ténacité pour imposer la crédibilité d’une équipe qui va gérer une fin de mandat sans après, sans prolongation, sans espoir de jours meilleurs. Il est très difficile de gouverner le présent sans rien attendre de l’avenir. Le modeste Cazeneuve ne pouvait être plus adapté à un tel job.

Valls alpiniste.

De son côté, Manuel Valls se lance dans une aventure qui ressemble beaucoup à l’ascension d’une montagne. Un sondage Ifop-Fiducial de ce matin le place en cinquième position au premier tour de la présidentielle avec 10 % des suffrages, après Fillon, Le Pen, Macron et Mélenchon. Il fait néanmoins un meilleur score que Montebourg (6 %) et que Hamon (4 %). Certes, il ne faut voir dans les sondages qu’une indication approximative, surtout à cinq mois de l’élection et avant une campagne susceptible de changer les opinions. Mais cette enquête dit autre chose, elle décrit l’état actuel de la gauche, qui est désastreux. Non seulement les candidats de gauche sont trop nombreux, mais ils se partagent un électorat qui a fondu depuis 2012, au profit du Front national. Le principal défaut de la gauche est moins sa gestion catastrophique du pays pendant près de cinq ans que sa contribution à l’irrésistible montée de l’extrême droite. De sorte que, pour lui faire barrage, on ne peut pas compter sur les sortants. Aujourd’hui, les candidats de la gauche s’efforcent de démolir par tous les moyens l’image de François Fillon. Cela ne leur profitera pas. Le candidat de la droite et du centre reste, pour le moment en tout cas, le seul rempart contre un basculement de la France dans une mésaventure historique.

Richard Liscia

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