Les leçons de vie des rescapés de la Shoah

Exposition : A travers la peinture, l’artiste Alain Husson-Dumoutier a trouvé un autre moyen de transmettre l’héritage des anciens déportés.husson-dumoutier

«Ne parlez pas de moi mais de mon exposition, de ce qu’elle dit aux autres générations.» Cette supplique est celle d’Alain Husson-Dumoutier. L’artiste français était à Genève dernièrement pour raconter l’histoire des trente-cinq tableaux exposés en ce moment dans la salle des Pas perdus du Palais des Nations dans le cadre de l’exposition «Les rescapés de la Shoah, courage, volonté, vie». En 2007, ce sociologue de formation a entrepris de rencontrer des survivants de l’holocauste pour recueillir leurs témoignages.

Son humanisme rivé aux tripes et son émotion d’artiste en bandoulière, l’homme a voulu comprendre comment des femmes et des hommes, rescapés de l’enfer, étaient parvenus à se reconstruire, et pour certains à mener de brillantes carrières, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Un travail de transmission à travers la peinture pour asseoir le caractère universel du message transmis par les survivants. Jamais un peintre n’a consacré autant de temps et autant de tableaux au thème de la Shoah.

Comprendre l’après

Aucune des œuvres exposées ne laisse indifférent. «Ces tableaux ne sont pas là pour faire plaisir mais pour faire réfléchir», explique Alain Husson-Dumoutier. Pour l’artiste, une peinture doit toujours contenir une part «d’impalpable» si l’on veut qu’elle porte un questionnement ou une prise de conscience. Trente-cinq tableaux, ce sont trente-cinq histoires différentes. Alain Husson-Dumoutier est devenu le confident d’une poignée de survivants. Au départ, quelques-uns ont manifesté de la réticence. Puis, l’artiste a pu se confronter aux récits à la fois précis et dépouillés des témoins et victimes de l’indicible. Pas pour restituer l’image des camps. Pour essayer d’en comprendre l’après. Comment survit-on ou revit-on quand on revient de l’enfer?

Alain Husson-Dumoutier a des milliers d’anecdotes. Mais aucune ne parvient à exprimer ce que portent ses toiles. Ou plutôt si. Une chose résume peut-être tout. C’est une petite voix que l’artiste ne parvient pas à couvrir. C’est celle de son attachée de presse, Gisèle, arrêtée à 12 ans, dénoncée parce qu’elle était juive. A 85 ans, elle est là, pleine de vie, un regard pétillant. Sa casquette rivée sur la tête, les mains dans ses dossiers de presse, elle n’hésite pas à reprendre l’artiste lorsqu’il omet un détail. Rien n’est dit mais tout est dit. Ceux qui ont échappé à la mort ont épousé la vie.

C’est parce qu’elle explore cet autre pan de la Shoah que l’exposition présentée actuellement au Palais des Nation est unique. Accolée à chaque portrait ou illustration, une citation ou une phrase qui renvoie au récit d’un rescapé: «pardonner pour vivre», «la vie est belle», «vivre pour témoigner», «construire», «amour de la vie»…

Un combat d’aujourd’hui

Pour l’artiste, il importe de regarder cette exposition à l’aune de ce qui se passe dans le monde aujourd’hui. «Haïr un enfant juif, c’est haïr un enfant arabe», lit-on au-dessous d’un tableau qui représente l’aigle impérial nazi empoignant deux silhouettes par la tête. Cette phrase est de Hravka Folman, une survivante devenue institutrice et qui a consacré sa vie aux enfants, qu’ils soient juifs ou musulmans.

«L’histoire de tous ces survivants doit inspirer ceux qui sont en souffrance aujourd’hui. Ils peuvent s’en sortir, se reconstruire. Rien n’est perdu», explique l’artiste. L’esprit de résilience des victimes ne dédouane pas pour autant de leurs responsabilités ceux qui vivent dans l’opulence. «Dites-le dans votre article: il y a 50 millions d’enfants réfugiés dans le monde aujourd’hui! On ne peut pas accepter cela.» Ne rien faire, c’est piétiner leur dignité et la nôtre, dit l’artiste.

Exposition jusqu’au 28 septembre 2016.

http://www.husson-dumoutier.org/              http://rescapesdelashoah.org/

Source TDG

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