Les séries TV, soft power d’Israël

Le 12 mai 2016 (le 5 Iyar du calendrier hébraïque), les Israéliens ont fêté le 68e anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. C’est ce jour-là que David Ben Gourion proclama la Déclaration d’indépendance devant les membres du Conseil national.

Si le Vieux Lion a toujours été considéré comme un visionnaire, on peut toutefois observé qu’il n’a pas mesuré la puissance médiatique de la télévision. Ben Gourion s’y est résolument opposé, estimant qu’il s’agissait d’un instrument d’abrutissement des masses. Il faudra donc attendre le 2 mai 1968, c’est-à-dire cinq ans après le départ définitif de Ben Gourion du gouvernement, pour que la télévision israélienne diffuse ses premières images.

Be Tipul (In Treatment Israel) ©JCS/Shelag

Le Vieux Lion n’aurait sûrement pas misé un Shekel sur le succès actuel des séries télévisées israéliennes. Bien que la littérature et le cinéma demeurent encore des expressions majeures de la culture israélienne, les séries télévisées ont réussi à se hisser à une dimension mondiale en touchant des millions de spectateurs aux profils et aux origines très variés. Ancrées dans une réalité pourtant israélienne, ces séries ont capté les émotions des opinions publiques à travers le monde.

Le mouvement a été initié avec Betipoul. Cette série de Hagaï Levi consacrée à la thérapie de cinq patients avec leurs psychanalystes a inspiré ensuite la chaîne américaine HBO qui en a fait In treatment (En analyse). Quelques années plus tard, le même auteur israélien a été directement employé par la chaîne américaine Showtime pour écrire le scénario de The Affair, une série explorant les conséquences d’une liaison extraconjugale entre un professeur et une serveuse de restaurant après leur rencontre dans une station balnéaire de la Côte Est des Etats-Unis. La série qui a propulsé les séries télévisées israéliennes sur la scène mondiale, c’est évidemment Hatoufim de Gideon Raff. Diffusée sur Keshet en Israël, elle suit le retour en Israël de deux soldats libérés après 17 ans de captivité en Syrie. Elle décrit de manière remarquable les difficultés de la réinsertion et les traumatismes engendrés par les mauvais traitements infligés durant la captivité. Showtime a alors créé le très populaire Homeland d’après le scénario de Hatoufim. Depuis lors, d’autres séries télévisées sont produites en Israël pour être diffusées ensuite dans le monde entier. Ces séries ont en commun de saisir et de restituer en plusieurs épisodes la complexité de la société israélienne et d’exprimer ses tourments et ses paradoxes.

Consciemment ou inconsciemment, les scénaristes de ces séries confèrent à Israël une capacité de séduire et de persuader les opinions publiques mondiales, sans avoir à user de la force ou de la menace. C’est ce que le théoricien américain des relations internationales Joseph Nye appelle Soft power. Il s’agit d’une forme de pouvoir dans la vie politique internationale contemporaine qui ne fonctionne pas sur le mode de la coercition, mais sur celui de ressources intangibles comme le degré d’ouverture d’une société, l’attractivité de sa culture et de ses idées, son rayonnement scientifique et technologique.

Et la force des séries israéliennes est précisément de puiser dans les paradoxes (coercition religieuse, poids de l’armée, etc.) et même les faiblesses (occupation, racisme, etc.) de la société israélienne et de les exposer au monde entier. Seule une démocratie peut se livrer à cet exercice. Ni les Russes, ni les Chinois, ni les Turcs, ni les Qataris ne pourraient le faire. On n’aurait pas rêvé mieux comme force de démonstration de la vigueur démocratique israélienne. Là où tous les tenants du soutien inconditionnel à Israël s’interdisent d’émettre la moindre critique de peur de faire le jeu des anti-Israéliens, les scénaristes de ces séries ont réussi à « vendre » Israël en jouant sur les problématiques les plus controversées auxquelles ce pays est confronté. Une leçon à méditer dans toutes les chancelleries israéliennes à travers le monde.

Source cclj.be

 

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*