Chronique de la haine ordinaire sur Internet, par Sarah Cattan

Voilà. Dimanche 13 mars. De midi trois à midi quarante trois. Si vite.

La preuve en plein visage d’une haine sans nom. Anonyme. Lâche. Assassine. Infinie.

Gilles Clavreul vient d’annoncer dans un tweet, photo à l’appui, à midi zéro trois minutes, qu’à Sarcelles, un hommage a été rendu devant la stèle qui honore la mémoire de Jonathan Sandler, de ses deux enfants, Gabriel et Arié, et de la petite Myriam Monsonégo, lâchement assassinés devant leur école à Toulouse le 19 mars 2012, parce que juifs., une stèle sur cette place qui porte leur nom à Sarcelles, ville où vit Eva Sandler, avec son unique fille toujours en vie.

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Midi vingt. 17 minutes plus tard. Le tweet de la haine d’un pauvre diable inculte et lâche, autoproclamé Biffle Man : Trou de balle va. Dès que je remonte à Sarcelles je pisse sur ton machin. PD. Et toi je sais où te choper salope.

Midi quarante trois, Gilles Clavreul réplique : La haine pure c’est simple comme internet.

S’en suivent des commentaires écœurés. Que fait la police.

Biffle Man. @ Tiberdanie. Ancien catcheur Talliban. De la Team Oussama. Surfeur à Tora Bora. Aujourd’hui retraité de la CIA.

 

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En face, Gilles Clavreul. Délégué Interministériel à la Lutte Contre le Racisme et l’Antisémitisme (DILCRA), dont la mission est de donner une nouvelle impulsion à l’action publique en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Gilles Clavreul qui a déjà déclenché la polémique en dénonçant plusieurs collectifs antiraciste proches de Tariq Ramadan, ce qui lui valut les remontrances de Libération et de L’Humanité, entre autres.

 

On comprend vite la raison du bashing organisé sur les réseaux sociaux #Dilcragate. Car de quoi Clavreul est-il coupable? Le délégué antiraciste qui n’aime pas certains antiracistes a, dans un texte publié sur sa page Facebook, éreinté Tariq Ramadan, le Parti des Indigènes et un certain nombre de collectifs antidémocratiques, racistes et antisémites, qui recevraient à son sens le concours ou la bienveillance de certaines organisations d’extrême gauche et syndicats professionnels.

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Cette opposition idéologique entre Clavreul et une partie du monde associatif n’est pas nouvelle. Dans un portrait que lui consacrait Libération au printemps, l’énarque s’en prenait à tous ces gauchistes qui jouent, sans vergogne, le jeu du communautarisme. Mais une phrase lâchée lors de cet entretien lui colle depuis à la peau et ne cesse d’être ressortie par ses détracteurs : Tous les racismes sont condamnables, mais le racisme anti-Arabe et anti-Noir n’a pas les mêmes ressorts que l’antisémitisme dans sa violence. Il faut être capable de dire la particularité de l’antisémitisme.

Tout était dit : voilà de quoi Clavreul était coupable.

LA DÉFERLANTE DE HAINE

D’où la déferlante de haine. Et nos réactions, dérisoires, à l’image de notre impuissance. Infinie. Certes l’Association Respect Zone propose de transformer automatiquement chaque insulte en emoji, mais peine à convaincre les Entreprises.

Insultes, agressions, racisme, antisémitisme, homophobie, diffamation, appels à la haine : certes en 2015, 27% des millions de commentaires postés sur les sites d’informations et sur les pages Facebook ont été retirés. Soit plus d’un sur quatre. Un chiffre en constante augmentation qui pose la question des efforts à réaliser pour lutter contre la cyberviolence, à la fois à l’école et en Entreprise.

200.456 insultes en un jour, soit plus de deux par seconde : c’est le résultat d’une étude inédite, baptisée 24 heures de haine sur Internet et réalisée par l’agence d’analyse du web Kantar Media du vendredi 22 janvier à 18h au samedi 23 janvier à la même heure. Un jour comme les autres sur la Toile. Un chiffre qui en dit long sur l’étalage de haine qui se déverse en permanence sur Internet.

Et encore l’étude s’est-elle concentrée seulement sur les commentaires publics, postés sur les sites, blogs, forums et réseaux sociaux les plus populaires, laissant de côté les commentaires privés et de nombreux autres sites.

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Par ailleurs, les insultes racistes ou antisémites, qui représentent une grande part des propos injurieux, n’ont pas été prises en compte par l’agence, qui s’est limitée à une liste de 200 mots. Et pour cause: les termes juif, musulman et arabe ne sont évidemment pas des insultes. Pourtant, ils sont bien présents dans une multitude de commentaires haineux.

Recrudescence donc des propos racistes et des appels à la haine. Alors qu’on pourrait penser que l’année 2015 difficile que nous avons vécue avec les attentats de janvier et de novembre aurait ressoudé les Français, c’est le contraire que l’on observe, pointe Philippe Coen, le président fondateur de l’Association Respect Zone, qui lutte contre les cyberviolences, et le nombre de commentaires supprimés par les agences de modération ne cesse de progresser : selon l’agence Netino, qui a pignon sur rue dans cette activité, 27% des millions de commentaires postés sur les sites d’informations et sur leurs pages Facebook ont été retirés en 2015. Soit, tout de même, plus d’un message sur quatre !

Dans le détail, les insultes représentent 22% des commentaires supprimés, suivi par les commentaires agressifs (20%), les propos racistes (19%), diffamants (15%) et les appels à la haine et à la violence (15%). Enfin, les spams, publicités, propos pornographiques ou irrespectueux envers une victime représentent 7% des retraits.

Seule consolation : les commentaires de nature homophobes, qui avaient explosé cette année-là à la suite de l’adoption du mariage pour tous,  sont en baisse par rapport à 2014, s’élevant à 2% du total des commentaires. Ces chiffres mettent bien en relief les crispations de la société française : les propos racistes et les appels à la haine progressent par rapport à l’an dernier.

Face à ce constat alarmant, quelles réponses apporter ? L’éducation est la clé pour changer les comportements sur Internet, et à terme, les comportements dans l’espace public, affirme Pascale Garreau, la responsable du Programme Internet Sans Crainte de la Commission Européenne.

Mais le problème de fond perdure. Et ces comportements se retrouvent aussi dans le reste de la société, chez les adultes. D’où la nécessité de les éduquer par le biais de l’Entreprise. Car les sites fréquentés par des adultes, comme lemonde.fr, où les commentaires ne sont accessibles qu’aux abonnés, sont autant touchés par les propos haineux que les réseaux sociaux pour ados. Jérémie Mani, le Directeur de Netino, en a lui-même fait l’expérience : en début d’année, il a reçu des menaces de mort.

L’association Respect Zone, qui se revendique indépendante, apolitique, désintéressée et non-religieuse, a décidé de s’attaquer au problème par les deux bouts et propose aux écoles et aux Entreprises de s’engager contre les cyberviolences via un label et une charte. Son pari ? Sensibiliser et informer les élèves comme les employés permettra de diminuer les actes sur le long terme, affirme Philippe Coen.

Respect Zone aura peut-être davantage de succès avec sa deuxième initiative, l’action Licornes vs Haters : il s’agit d’inciter les fournisseurs de services sur Internet, comme les réseaux sociaux, forums, blogs et médias destinés aux adolescents, à remplacer chaque insulte par des émoji kawaï : licornes, petits cœurs, arcs-en-ciel et autres symboles très prisés par les jeunes : en plus de bloquer les cyberviolences en transformant une insulte raciste ou homophobe en un défilé de personnages enfantins, ce système permettrait de ridiculiser les agresseurs, ce qui les obligerait à s’auto-modérer. C’est une façon virale et décalée de sensibiliser tous les adolescents et de les dissuader de commettre de telles offenses, indique l’Agence de Communication JWT, qui promeut le projet.

Serez-vous étonnés si je vous dis que, pour l’heure, les grands services prisés par les ados comme Snapchat ou Facebook ne se sont pas montrés intéressés. Ce serait pourtant très facile à mettre en œuvre techniquement, surtout pour une opération coup de poing d’une semaine ou d’un mois, mais ces acteurs sont difficiles à convaincre, en partie car des sites comme Facebook ont déjà leur propre politique vis-à-vis des propos injurieux, indique l’agence. Mais certains n’y ont pas intérêt, la liberté des propos tenus, y compris les excès de ceux qui savent qu’ils pourront se lâcher, assurant à ces sites une audience certaine.

Et comme si cela n’était pas assez, les réseaux de la haine sur internet s’alimentent encore de supercheries intellectuelles et de théories du complot visant à laisser croire que les communautés n’ont d’autre destin que de s’affronter, que certaines dans leur ensemble posent problème et que la suspicion doit céder la place au dialogue.

Mais ce soir 14 mars a un goût de victoire : un tweet de Gilles Clavreul. Le compte twitter du dit Biffle Man a été supprimé. Certaines victoires n’ont pourtant pas la saveur qu’on aurait espérée, venant juste trop tard. Les mots ayant été écrits.

Sarah Cattan

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2 Comments

  1. Le mal français est la vanité.
    Le triomphe de la vanité c’est le souvenir du mai 68 étudiant et des vertus, inoffensives et sans danger personnel, de ses anciens combattants implantés, de façon perpétuelle, sur le côté beurré de la grande tartine des media. Il s’agit bien de GAUCHISME, attitude idéologique sans projet ou responsabilité politiques, du gauchisme qui assure non seulement la supériorité morale mais la suprématie morale.

    La gauche (hors PS) et l’extrême gauche ayant une influence politique très faible, je n’apprécie pas de voir toujours dénoncer, sans référence précise, leurs méfaits. Ces deux courants historiques ont participé à la création du génie politique français, il est nécessaire qu’ils retrouvent une influence électorale, si nous voulons éviter l’apathie ou le désespoir du seul affrontement FN/UMPS. Pour ces raisons, je souhaite que ces individus soient dénoncés sous leur véritable tunique de gauchiste.

    Puisque nous trouvons un énarque qui sait raisonner, denrée très rare qui suscitera rapidement la convoitise du secteur privé, il faut reprendre, sans relâche, la vérité que l’antisémitisme est le plus dangereux des racismes. Comme tout ce que l’on présente comme racisme, il peut s’agir d’une intolérance culturelle, sans idée de race. Mais cette intolérance, sans passer par la forme raciale (ou d’apparence raciale, les juifs n’étant pas une race) se transforme facilement en haine politique.

    La haine du “peuple déicide” survit à l’évolution théologique.
    C’est une haine irraisonnée du juif ressenti comme étranger à la communauté nationale, ou toute communauté. La haine des juifs dénoncés comme complices d’Israël est une haine unique. Personne n’aurait pensé à dénoncer les amis des Etats Unis comme complices de la guerre du Vietnam.
    Contrairement aux idées lénifiantes de BHL, la haine allemande des juifs était une haine généralisée, en peu de temps, la pensée socialiste et communiste étant liquidée. Les juifs devenaient des sous-hommes qui souillaient l’Allemagne, de la même façon qu’ils étaient dénoncés, et massacrés au Moyen Age, comme éléments extérieurs.

    La violence du refus Suisse d’accepter PAR PRINCIPE des réfugiés juifs en danger de mort évident, et de ne les accepter que PAR EXCEPTION peut surprendre aujourd’hui, l’argument économique ne tenant pas. Il faut savoir que cette politique, acceptée par les deux chambres était fondée sur l’idée de LA PROTECTION DE L’ESSENCE NATIONALE SUISSE, menacée par le caractère fondamentalement étranger des juifs, même les juifs riches qui ne pouvaient être suspectés d’idées communistes. Il ne s’agit pas du délire de quelques fasciste Suisses mais de la politique officielle, exprimée ouvertement dans les rapports officiels.

    Les juifs se laissent trop souvent intimider par l’idée d’une “exploitation” de l’Holocauste. Il faut, sans cesse, expliquer le passé et sa liaison évidente avec l’actualité.
    Je ne crois pas aux vertus de l’enseignement, encore moins à la propagande dans l’entreprise. La réflexion politique est l’affaire de tous les citoyens et l’action politique est l’affaire de tous les citoyens. Les politiques officielles sont dangereuses. Les vérités officielles sont dangereuses. Les comités trucs et machins, les réformes truc-machin du pouvoir socialiste ont montré leur caractère illusoire.

    Les Français doivent retrouver des partis politiques, l’action polique et la parole politique.

  2. Que fait la police????????????????
    La police a peur. Elle prefere se cantonner selon les ordres Hollandiens aux PV qui rapportent de l’atgent a l’etat/=.
    De plus La Hollanderie a besoin des voies musulmanes pour se maintenir au pouvoir.
    Alors le reste ils s’en foutent royalement.
    Nous diriges par des degeneres de tous bords (droite et gauche)

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