Poutine, les Juifs et Israël, par Lali DERAY

Pour beaucoup de personnes déçues par le président américain Barak Obama, Vladimir Poutine est parvenu à hisser son pays au rang de grande puissance mondiale, malgré la crise économique qu’il traverse.
Sa fermeté, son image entretenue de guerrier sans peur, son implication au Moyen Orient ont fait de Poutine, et par extension de la Russie, un des acteurs principaux sur la scène internationale.putine_juifs
A Jérusalem et Moscou, les relations naviguent entre admiration mutuelle, intérêts convergents et suspicion perpétuelle.
Mais pour la communauté juive orthodoxe de Russie, Poutine est surtout celui qui combat l’antisémitisme, admire le judaïsme qui le passionne et permet aux Juifs russes de pratiquer sans crainte leur religion, le tout avec en toile de fond une augmentation constante de la alya. Russie a longtemps été synonyme d’enfer pour les Juifs : pogroms, interdiction de pratiquer, déportations au goulag et antisémitisme d’Etat ont ponctué l’histoire de ce pays durant des siècles. Mais il semble qu’une nouvelle ère soit arrivée, avec la montée au pouvoir de Vladimir Poutine, qui a entamé en 2012 son troisième mandat à la présidence de la Russie.

Une guerre sans merci contre l’antisémitisme

Le président russe a en effet déclaré une guerre sans merci contre l’antisémitisme dans son pays : des lois sont promulguées, les arrestations de néo-nazis sont régulières et Poutine affiche un niveau de tolérance zéro face aux actes prenant pour cible la communauté juive de son pays. « Chers rabbins, je m’engage devant vous à me battre de manière ferme contre toute manifestation d’antisémitisme sur la terre de Russie. Je m’engage également à renforcer la sécurité des communautés juives et à leur offrir toute liberté d’agir. La Russie continuera de dire un non ferme à l’idéologie néo-nazie et aux idéologies fascistes, quelles qu’elles soient », a ainsi déclaré Poutine en juillet 2014, devant le Congrès des rabbins d’Europe.
Mais en marge de ces démarches pour « éloigner le mal », Vladimir Poutine agit aussi pour « faire le bien » : jamais, au cours de l’Histoire russe, un leader n’avait autant prouvé son admiration pour le judaïsme, ses us et coutumes, mais aussi, jamais un président n’avait démontré autant de respect pour les dirigeants de la communauté.
Ainsi, en août 2014, Poutine remettait la médaille du Président, la plus haute distinction russe, au Grand rabbin de Russie, Berl Lazare, ’’pour son action en faveur de la nation’’ lors d’une cérémonie qualifiée d’historique. Dans son discours, le rav Lazare a souligné à quel point le changement pris par la Russie, du point des relations entre l’Etat et la communauté juive, était « émouvant ». « Je tiens à remercier le Président Poutine, ainsi que son gouvernement, pour le changement ressenti ces dernières années, à l’encontre des citoyens juifs de Russie et pour le respect et l’admiration dont ils font l’objet », a-t-il alors déclaré.

Il ajoute une note de yiddishkeit

Contacté par Hamodia, Yéoushoua Deutsch, qui dirige le centre de ‘hessed’ juif à Moscou, et qui vit depuis plus de quinze ans en Russie, affirme : « Poutine est le leader politique n°1 au monde et de ce fait, il est d’autant plus impressionnant de constater à quel point il a ouvert son cœur à la communauté ». Deutsch raconte ainsi que deux fois par an, le président russe envoie une lettre adressée personnellement aux Juifs de Russie, dans lesquelles il se montre particulièrement au courant de la signification des fêtes juives : « Il ne se contente pas de souhaiter une bonne fête. Il ajoute toujours une note de yiddishkeit, comme par exemple lorsqu’à Pessah, il a souhaité que les inquiétudes ’’passent au-dessus de nous’’, référence à l’une des explications du mots Pessah. Il cherche toujours la signification profonde des fêtes et insiste tout particulièrement sur son engagement à permettre à la communauté de vivre pleinement son judaïsme ».
Pour Deutsch, il ne s’agit pas seulement de manœuvres politiques : « Non, je pense que tout simplement, il investit du temps pour étudier un sujet qui l’intéresse et qui force son respect ». D’ailleurs, selon la presse juive russe, Poutine aurait été particulièrement prolixe durant sa rencontre avec le rav Lazare, pendant Hannouka : « Il nous a épaté par ses connaissances. L’entretien avec le rav Lazare s’est déroulé bien au-delà du temps imparti et le rav a vraiment ressenti que le Président avait plaisir à débattre avec lui des miracles de cette fête et de ce qu’elle symbolise ».
Deustch, on le voit, ne cache pas son admiration, et va même jusqu’à déplorer qu’en Israël, on ne partage pas son enthousiasme : « Lorsque Vladimir Poutine à rencontré le Premier ministre israélien, Binyamin Netanyahou, à Paris, lors de la conférence sur le climat, il y a quelques jours, il lui a souhaité de bonnes fêtes de Hanoukka et lui a parlé longuement de cette fête, qu’il a qualifié de victoire de la lumière sur l’obscurité. Où a-t-on rencontré un homme d’Etat, de la stature de Poutine, parler ainsi de judaïsme ? Car ce n’était pas à l’Israélien que Poutine parlait, mais au Juif. Malheureusement, j’ai le sentiment qu’en Israël on ne saisit pas la portée de ce genre d’anecdote ».
Comme exemple de l’engagement russe en faveur de la communauté, Deutsch cite l’inauguration, le 10 décembre dernier, du nouveau centre communautaire juif à Moscou, dirigé par le rav Alexander Leib Barda, un complexe impressionnant comprend une synagogue pouvant contenir jusqu’à 250 personnes, mais aussi une salle des fêtes, un bain rituel, des classes d’étude, une auberge de jeunesse, une garderie pour enfants, une bibliothèque et un restaurant casher.
Selon le directeur du centre de hessed de Moscou, l’attitude de Poutine résonne sur la population non-juive qui apprend elle aussi à respecter la communauté : « Désormais, tout élève du système scolaire officiel doit obligatoirement visiter le centre culturel juif où ont été investis plus de 60 millions de dollars par les autorités. Ces élèves apprennent l’histoire du peuple juif mais aussi les bases du judaïsme. Après une telle visite, je suis sûr qu’ils ne pourront pas devenir antisémites ».

La menace antisémite reste entière

Mais malgré l’enthousiasme de Yéoushoua Deutsch, la menace antisémite en Russie reste entière, si on se réfère aux données du ministère israélien des Affaires étrangères.
Selon un document publié il y a quelques semaines par le site Walla, à Jérusalem, on craint que si la situation économique et politique en Russie allant en s’empirant, les juifs seront les premiers à en subir les conséquences. Selon cette enquête réalisée par le ministères des Affaires étrangères, la situation économique des Juifs russes s’est détériorée et, suite à la crise ukrainienne, leur situation politique est également menacée.
Pire encore, les propos antisémites seraient devenus de plus en plus fréquents sur les médias locaux contre la communauté juive, accusée de privilégier les intérêts ukrainiens sur le compte de leur fidélité à la Russie. Preuve de ce malaise : on enregistre une augmentation de 90% du nombre de Juifs envisageant leur alya dans un avenir plus ou moins proche. D’ailleurs, nous confie Ygal Palmor, porte-parole de l’Agence juive, le nombre des Olim de Russie a considérablement augmenté ces dernières années, passant de 3 000 personnes en 2008 à près de 6 000 cette année.
« La motivation première de cette vague d’alya est économique. Quoi qu’il en soit, Vladimir Poutine n’est pas antisémite ou en tous cas ne se comporte pas comme tel. Mais on peut se demander s’il n’utilise pas la communauté juive à des fins politiques », confie-t-il.
Malgré cet état des lieux peu rassurant, le ministère des Affaires étrangères affirme que le gouvernement Poutine est bon pour les Juifs et souligne que le nombre d’actes antisémites violents reste très bas par rapport à d’autres pays et stagne depuis plusieurs années. En outre, à Jérusalem, on félicite la détermination de Poutine à lutter contre l’antisémitisme sous toutes ses formes.

L’énigme Poutine reste entière

L’énigme Poutine reste donc entière : athée, mais profondément respectueux de la religion juive, particulièrement dur avec ses adversaires mais fidèle à ses alliés, le président russe a réussi à hisser son pays au rang de grande puissance mondiale, malgré la crise économique très dure qu’il traverse. En 2015, la communauté juive orthodoxe jouit d’une proximité remarquable avec le pouvoir. Une proximité qui la place dans une situation relativement confortable. Les pessimistes diront : pour le moment.
Lali Deray/ Hamodia
 

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