Pécresse et la race blanche : Bartolone plus communautariste que républicain

En tenant des propos polémiques sur Valérie Pécresse , candidate qui “défend la race blanche”, le socialiste Claude Bartolone a-t-il exposé certaines ambiguïtés communautaristes du PS, loin des “valeurs de la République” si fortement vantées?

Étrange fin de campagne pour le socialiste Claude Bartolone. La polémique qu’il a initiée en s’en prenant à Valérie Pécresse, accusée de faire campagne en faveur de la race blanche a comme révélé d’un coup toutes les ambiguïtés communautaristes du Parti socialiste, ambitguïtés qui se retrouvent, de fait, étalées d’un coup en place publique. Et c’est pour le moins perturbant.bartolone
Dans l’Obs, Claude Bartolone a dénoncé Valérie Pécresse, tête de liste Les Républicains en Île-de-France, sa rivale de second tour, en des termes inattendus : “Elle tient les mêmes propos que le FN, elle utilise une image subliminale pour faire peur”. Et d’ajouter “Elle défend en creux Versailles, Neuilly et la race blanche”. Fichtre. Valérie Pécresse en adepte de Nadine Morano? Claude Bartolone ose tout. Et il assume, puisque sur Itélé ce vendredi, il a proclamé ne pas regretter ses propos, se justifiant en avancant les attaques subies par Christiane Taubira depuis des mois, ou bien encore les critiques de la situation sociale qui prévaut en Seine-Saint-Denis, département dont il est le socialiste emblématique depuis des années.
Bien évidemment, cette sortie pour le moins étonnante a été aussitôt exploitée par Les Républicains. “C’est abject, j’ai honte pour la politique” a rétorqué sur Radio classique Valérie Pécresse qui se retrouve accusée de faire dans le racialisme et l’apartheid rampant. On peut la comprendre.
On peut aussi ajouter que le propos de Claude Bartolone, “en creux” comme il le dit lui-même, est de nature à laisser entendre qu’il est le candidat d’autres “races”, et qu’il serait opposé à la candidate, toujours en “en creux”,  de “la race blanche” repliée sur Versailles et Neuilly. A deux jours du scrutin, il est aujourd’hui très aléatoire de mesurer les conséquences de cette sortie sur le résultat d’une élection qui s’annonce très serrée. Mais elle est de nature à susciter, pour ceux qui auront suivi l’affaire de près et s’apprêtaient à voter socialiste en Île-de-France, quelques interrogations.

Pécresse n’est pas la sœur cachée de Morano

Un socialiste en campagne peut reprocher bien des choses à Valérie Pécresse. Son conservatisme versaillais. Sa drague de la Manif pour tous. Ses sorties sur les fraudeurs du métro qui vont finir dans le terrorisme. Il peut même être autorisé, comme Claude Bartolone, à ironiser sur les serre-têtes BCBG que voudrait imposer la candidate Les Républicains en région Île-de-France au cas où elle l’emporterait. Mais il est pour le moins aventureux de la considérer comme la petite sœur cachée de Nadine Morano.
La sortie de Bartolone dérange parce qu’elle ne s’inscrit pas, “en creux” dans “les valeurs de la République” tant vantées par les socialistes en cette année 2015. Elle est le reflet d’une vision de la politique qui n’aspire guère à incarner cette essence républicaine défendue par quatre générations de socialistes depuis la fin du 19e siècle, de Jaurès à Hollande en passant par Blum et Mitterrand.
Loin de la recherche de l’universalisme, ou de la construction d’une majorité politique identifiée à une majorité sociale, Claude Bartolone paraît se présenter en candidat d’une communauté contre une autre, voire de communautés contre d’autres. “Versailles, Neuilly, et la race blanche” seraient donc opposées à Clichy, Bagnolet et d’autres races? Est-ce cela le socialisme républicain en 2015?

Quel type de socialiste est donc Bartolone ?

Ainsi naît le doute en politique. La charge de Bartolone est de nature à conduire bien des électeurs de gauche, instruits de l’affaire, à se poser quelques questions au moment de voter éventuellement pour ses listes en Île-de-France dimanche. Pour quel type de socialiste vont-ils voter? Pour un héritier de Jaurès, Blum et Mitterrand? Ou pour un clientéliste électoral prêt à tout et n’importe quoi pour additionner les voix?
D’autant plus que Claude Bartolone peut se voir aussi attaquer sur un autre front. D’un côté, il se pose en adversaire d’une candidate  – Valérie Pécresse – présentée comme avocate électorale de “la race blanche” ; et de l’autre il  laisse passer sans réagir un appel à meeting lancé par l’une de ses colistières issue du Front de Gauche, Clémentine Autain, en faveur d’un meeting avec Tariq Ramadan en guest star et organisé par des associations ou mouvements communautaristes contestent le principe même de l’existence d’une République laïque aspirant à l’universel.
Les cyniques diront que le besoin de remporter une élection régionale à n’importe quel prix est sans aucun doute la cause du grand écart affiché par Claude Bartolone en ces dernières heures de campagne.

Une embardée court-termiste

On empile les voix, on additionne, et, à la fin, on gagne contre une droite coupée en deux, entre FN et Les Républicains, incapable elle, de concilier le tout et le n’importe quoi sur liste commune.
Sur temps court, dans la dernière ligne droite, cela peut passer. La polémique de fin de campagne opposant la tête de liste socialiste à la tête de liste Les Républicains devrait peser à la marge sur le résultat final.
En revanche, sur temps long, il en va différemment. Depuis quelques années, la politique de certains grands élus du PS dans la construction des édifices politiques qui les mènent à des victoires électorales locales passent souvent par une forme d’accommodation communautariste. On drague des clientèles culturelles et non pas sociales pour les agréger à une majorité politique. L’an passé, à Vaulx-En Velin, dans une ville conquise par le PS lors des dernières élections municipales, on a pu constater les dégâts que pouvait causer la promotion de certaines personnalités susceptibles de commettre des dérapages préjudiciables pour le Parti socialiste.
Dès lors, viendra bien le moment où il faudra bien poser la question qui peut fâcher : Claude Bartolone est-il le symptôme apparent d’un PS qui parle république et pense communautarisme?
Un socialiste du niveau de Claude Bartolone peut-il encore vanter “les valeurs de la République” tout en accusant son adversaire, Valérie Pécresse, d’être la candidate de la défense de la “race blanche” ?
La gauche en général, et le Parti socialiste en particulier ne fera pas l’économie de ce débat, qui met en jeu la laïcité, confrontée à la montée des communautarismes. A quand la clarification ? Il est bien des électeurs socialistes ou de gauche, pour qui le legs de Jaurès, Blum et Mitterrand possède encore une valeur sentimentale et politique, qui aimeraient bien le savoir. Certes, “On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment” comme le disait le cardinal de Retz, mais on ajoutera aujourd’hui : “à condition de ne pas en abuser”.
bruno_roger_petit-challengeBruno Roger-Petit
http://www.challenges.fr/politique/20151211.CHA2633/pecresse-et-la-race-blanche-bartolone-plus-communautariste-que-republicain.html

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