Je bénis cette extraordinaire Nation d’Israël, par José Boublil

Je bénis cette extraordinaire Nation d’Israël.

Je le fais depuis hier, plus qu’à l’accoutumée. Depuis tant d’années, pas plus ni moins que beaucoup d’autres, je dis mon admiration de mon pays. Cette terre dont je n’étais qu’un potentiel occupant, et que j’aimais tant, me donnait envie de lui dire mon affection, sans que je comprenne pourquoi cet élan irrationnel, chauvin, presque mesquin.

Certes, un jour ou l’autre, nous passons par des phases critiques, tellement salutaires pour débattre avec soi-même sur l’éthique de ce soutien inconditionnel. Puis, nous passons à ce besoin d’avoir, nous-aussi, notre terre. De nous raccrocher à notre histoire bien chaotique, pour justifier de notre droit moral sur des débris de croûtes arides.

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Nous cherchons à justifier pourquoi nous restons à Paris, d’autres à Montréal, certains à Miami, à New York, même à Papeete, à Lomé, ou encore certains à Tunis. Puis, une fois arrivé dans un pays qui a l’air de ressembler aux autres, nous cherchons à fustiger ceux qui ne viennent pas, qui n’ont rien compris à la vie. Et nous leur expliquons que nos tomates et nos oranges sont formidables, et qu’à elles seules elles justifient le grand départ. Puis nous listons les petits détails de la minuscule vie: le ciel bleu, le soleil, les juifs plus nombreux qu’ailleurs, moins de circulation qu’à Paris, plus de places de parking.

A force de tourner, 12 ans en ce qui me concerne, 12 ans que je remercie mes parents de m’avoir appris à aimer Israël, que je remercie mes enfants de m’y avoir entrainé, que je remercie ma femme d’avoir accepté. Et ce périple intérieur, aux tréfonds de moi-même, me fait découvrir la vraie beauté de ce pays. Car au fond, s’il ne s’agissait que d’une beauté physique, ce qu’on peut chercher chez une femme, pour juste commencer, il y a longtemps que le débat eut été clos: la France est sans doute l’un des plus beaux pays du monde, par sa nature, et ses bâtiments, ses châteaux et ses ciels d’orage ou ses crépuscules d’arrière saison. Bien sûr que oui. Ne perdons pas de temps à vouloir arranger les choses pour démontrer l’indémontrable.

Mais j’aurai dû, avant cela, rester dans un autre “plus beau pays du monde”, la Tunisie, Iffriquia . Moi, l’amateur des bleus de cobalt, des turquoises , et des vertiges de la transparence, j’aurai dû retenir mes parents, les convaincre que nos belles racines ne peuvent pas être sectionnées sans dommages.

Et étonnamment, on ne se pose que rarement les vraies questions. On passe à côté.

J’ai vu autour de moi les brisures de l’âme causées par la nostalgie . Quitter un décor , aussi laid soit-il est destructeur. A fortiori lorsqu’il est magnifique. Alors quitter les rivages de Carthage ou de Nabeul, les vieilles ruelles pavées de Sidi Bou Said, les murailles d’Hammamet, ou même celles de Goulette vieille, furent une indicible souffrance. Aller vers la pâleur et la fraîcheur de cette France qui ne nous souhaitait pas franchement. Puis rebelote, nous avons jubilé, après quelques années d’épreuves, à l’arrivée des premiers flocons, à la température des côtes
Méditerranéennes, au luxe merveilleux des petits déjeuners 5 étoiles, ou encore aux douves de mon lycée-château au nom d’un peintre célèbre (Jean-Baptiste Corot).

Ainsi, après tant de temps, j’ai réalisé (je suis lent) que la nostalgie ne recouvrait aucune dimension humaine, ou presque pas. Ce qui va mal c’est l’arrachement à un cocon purement physique, géographique. Et pour cause. Qui d’entre nous s’est plaint de la perte d’amis ? Lorsque nous sommes partis de Tunisie, en quelques années tout le monde nous a rejoints, mais la nostalgie ne nous quittait pas. Puis, lorsque nous avons quitté Paris, pas une seconde mes amis ne m’ont manqué au point d’en devenir douloureux. Peut-être que je savais que, petit à petit, ils nous rejoindraient.

Aucun manque humain. C’est fou.

Eh bien, je sais pourtant que, si je devais quitter Israël -que Dieu m’en préserve- je ne survivrai pas. Non, aucune nature, aucun bâtiment, aussi fort soit-il dans notre conscience collective, aucun lieu, ou paysage, aucune source ni aucune portion de désert, ne me causerait de réels dommages. Or, vous ne pouvez imaginer mon attachement, même physique, atavique, à ma terre. En fait, cette étrangeté reflète des notions relativistes: en théorie, je pourrai être nostalgique de l’environnement naturel.

En réalité, ce qui me touche ici, qui me fait fondre d’amour, tous les jours, c’est ce peuple incroyable qui m’entoure. Je répète, pour être plus clair, je ne parle pas d’individus mais de peuple, de collectivité. Nous sommes comme tous les autres populations du monde, avec des gens individuellement formidables , et d’autres franchement insupportables.

En revanche, et là c’est éblouissant, lorsque la Nation est en danger, lorsque des individus sont en danger, le peuple se lève. Il s’élève . Et là, plus rien ne me vient en dehors de mots d’amour.

Voyez-vous, tout ça pour accoucher peut-être d’une souris mais pour moi de l’essence de la Nation idéale.

Depuis hier, j’ai dû passer quelques heures à l’hôpital auprès de mon dernier petit-fils, qu’HBH le protège et le renforce.

En deux sessions courtes à l’hôpital de Jérusalem, j’ai écarquillé les yeux 10 fois, ou 15. Des groupes de jeunes, garçons et filles pour les moins stricts religieusement, garçons d’un côté et filles de l’autre, chez les plus orthodoxes. Des moins jeunes aussi, des plus grisonnants aussi. Tous arrivent par vagues de générosité . Dans tous les services de l’hôpital; mais bien entendu la palme de l’amour est réservée aux salles des enfants. Les uns avec leurs guitares, leurs violons, leurs voix .

Les autres avec leur sourire direct ou planqué par du maquillage blanc et des nez rouges. D’autres avec des beignets de Hanoucah, et autres douceurs à 4 kilogs les 100 grammes.Des boites circulent également avec des cadeaux pour les petits, qui retrouvent un peu de leur sourire. C’est un défilé permanent , et l’âge m’aide à craquer et à m’émouvoir pour ces actes gratuits , ces gestes qui renouent avec les seules valeurs de l’homme qui ont un sens. Ce qui est le plus fort ici c’est cet esprit d’équipe, ces groupes de 8, 10 voire 15 personnes qui débarquent d’un coup .

Alors, vous me direz, en France aussi on connait ça. Et je confirme, pour avoir aussi expérimenté pendant la même période  un hôpital pour enfants .Il y a des associations formidables, avec leurs bénévoles, leurs cadeaux (ma fille avait un peu plus de deux ans et leur avait dit “moi je n’y ai pas droit car je suis juive”: elle voyait que les cadeaux étaient pour Noël). Il y a les clowns qui passent, et tout le monde est adorable .

Seulement il y a deux choses qui changent avec ce que j’ai vu ici. Les gens qui viennent ici sont particulièrement nombreux pour les enfants. Mais ils sont aussi là en nombre important pour les gens de tout âge, notamment les plus vieux , et/ou les plus gravement malades.

L’autre point , déterminant, c’est qu’ici il ne s’agit de rien d’organisé, de coordonnée. Tout est spontané: c’est la population entière qui défile . Une proportion que je n’ai jamais vue de ma vie. Ça, c’est une force d’Israël qui nous préserve de tous les maux : avec cette union dans les moments difficiles , nous devenons imbattables . En tous cas inatteignables .

José Boublil

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