Un point de vue israélien : «il faut revoir le mode opératoire» du contre-terrorisme

Les conditions de l’intervention de la police, vendredi soir, lors de l’attaque terroriste au Bataclan commencent à susciter des questions, en particulier quant au délai d’intervention de la BRI et du RAID. Nous publions une contribution de Noam Ohana, franco-israélien, réserviste dans une unité d’élite de l’armée israélienne. Au début des années 2000, il a pris part à des dizaines d’opérations anti-terroristes pendant la deuxième intifada. Il continue de s’intéresser de très près au contre-terrorisme.

Les forces de l'ordre autour de la salle du Bataclan, le 13 novembre 2015.  (CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS)
Les forces de l’ordre autour de la salle du Bataclan, le 13 novembre 2015.
(CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS)

Les lendemains de tragédies sont rarement des moments opportuns pour poser des questions difficiles, mais certaines doivent d’ores et déjà l’être, même s’il faudra attendre les résultats de l’enquête pour pouvoir rentrer dans les détails.
Au vu de ce qu’il s’est récemment déroulé, il semble en effet que l’un des éléments de la doctrine anti-terroriste française est que lorsqu’il y a une prise d’otages et même lorsqu’il y a un tireur «actif » (qui a déjà commencé à ouvrir le feu sur les civils) les ordres donnés aux premières forces de l’ordre qui arrive sur place sont de ne pas intervenir directement. A l’Hyper Casher comme au Bataclan on a pu voir des policiers établir un périmètre de sécurité et attendre l’arrivée des groupes spécialisés du RAID et de la BRI.
Dans le cas de l’Hyper Casher, cette approche a pu fonctionner uniquement grâce à Coulibaly qui aurait très bien pu tuer tous les otages un par un mais avait décidé de faire durer les choses après en avoir abattu quatre. Il n’y a aucun doute pourtant sur le fait que si Coulibaly avait continué à faire feu et vidé ses chargeurs sur les otages, le nombre de victimes aurait été très élevée étant donné le temps qu’il a fallu au RAID pour passer a l’action.
Dans le cas du Bataclan c’est exactement ce qui s’est passé. Les terroristes n’avaient nullement l’intention de négocier quoi que ce soit. Ils ont commencé leur carnage immédiatement et ont tout fait pour maximiser le nombre de victimes tout au long de ces deux heures d’un huis-clos atroce.
Il est urgent de changer d’approche et de reconsidérer ce mode opératoire. Il n’y a pas dans la nouvelle forme de terrorisme suicidaire et apocalyptique que nous confrontons beaucoup de place pour « l’attente ». L’attente c’est la mort certaine. Il faut accepter que dans certains cas une intervention immédiate de forces de l’ordre déjà présente et bien moins bien formées que le RAID et le GIGN peut être la moins mauvaise des solutions. Et le RAID et le GIGN pourraient tout à fait être impliqués dans ce processus de décision (faut-il les attendre ou bien commencer l’intervention ?). Lorsque le commissaire de la BAC arrivé le premier sur les lieux au Bataclan a été au contact des terroristes et en a abattu un sans attendre les renforts, il a fait exactement ce que l’on attend des forces de l’ordre dans une telle situation.
Cela veut dire qu’il faudra former certaines forces de police. Il n’y a pas de raison de penser que la BAC par exemple ne puisse pas recevoir une formation spécifique pour intervenir de manière systématique en cas d’urgence absolue. Il faut rappeler ici que beaucoup de ces terroristes ont été des criminels avant d’être des terroristes et que les forces de polices sont déjà parfois confrontés a l’hyper-violence de certains criminels qui n’hésitent pas à leur tirer dessus à l’arme de guerre.
Il faut également poser la question de la formation des unités militaires déployées dans le cadre du plan Vigipirate. S’il n’y a pas lieu de douter de la qualité de leur formation militaire, il faut s’assurer qu’elles reçoivent un entrainement anti-terroriste spécifique pour qu’elles puissent elles aussi intervenir en cas d’urgence. La particularité de cette formation est d’apprendre à intervenir dans un environnement où les terroristes sont au milieu de nombreux civils.
Enfin à l’heure où les autorités parlent de l’importance de la résilience de la population civile, il faut poser la question de l’éducation de cette population civile. Vivre avec le terrorisme s’apprend et c’est un travail de longue haleine. Il faut enseigner la vigilance et les gestes qui sauvent très tôt – probablement à partir du collège et certainement à partir du Lycée. Il ne s’agit bien sûr pas de former des petits soldats mais tout simplement de bons citoyens. Il faut rappeler ici que l’écrasante majorité des victimes de ce type d’attentat meurent d’hémorragie. Il y a bien sur toujours des blessés qu’on ne peut pas sauver mais il y en a beaucoup d’autres qu’un simple garrot appliqué correctement et immédiatement peut sauver.
On ne transformera pas de simples gardiens de la paix en super-gendarmes du GIGN, ni de jeunes étudiants en urgentistes mais on peut et on se doit de commencer à changer les mentalités quand il s’agit du terrorisme. La crème de la crème de l’antiterrorisme ne sera pas toujours là au bon endroit au bon moment. En les attendant, ce seront les Français du quotidien qui seront les véritables remparts contre ce terrorisme. Des civils vigilants, des gardiens de la paix, des serveurs de cafés et des jeunes gens qui choisissent de se dresser contre cette nouvelle barbarie.
Noam Ohana
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