Etat de Palestine : non à une reconnaissance unilatérale

L’Assemblée Nationale vote une résolution visant à reconnaître l’Etat de Palestine. Un collectif de responsables politiques de tous bords s’oppose à cette reconnaissance unilatérale et immédiate.
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Jean-Christophe Lagarde, Président de l’UDI, député-maire. Jean-Marie Bockel, Président de la Gauche moderne, sénateur. François Sauvadet, Député, ancien ministre. Hervé Mariton, Député-maire, ancien ministre. Christian Estrosi, Député-maire, ancien ministre. Roger Karoutchi, sénateur. Bernard Accoyer, Député, ancien Président de l’Assemblée nationale. Frédéric Lefevbre, Député, ancien ministre. Philippe Vitel, Député, Vice-président de la commission des affaires étrangères. Valérie Boyer, Députée-maire. Laurent Hénart, Président du Parti radical. Sophie Joissains, sénatrice, vice-présidente du groupe UDI au Sénat. Didier Quentin, Député-maire. Jacques Kossowski, Député-Maire. Rudy Salles, Député. Meyer Habib, Député. Christophe-André Frassa, sénateur. Laurence Arribagé, Députée.
Responsables politiques de différentes sensibilités, nous sommes favorables à une résolution négociée du conflit israélo-palestinien fondée sur la coexistence pacifique et la reconnaissance mutuelle de deux États vivant en paix et en sécurité. Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas d’alternative à la négociation et que seule la voie du dialogue permettra aux Israéliens et aux Palestiniens d’avancer sur le chemin escarpé de la paix.
Nous sommes appelés à nous prononcer le 2 décembre prochain sur un projet de résolution invitant «le gouvernement français à reconnaître l’État de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit».
Contre toute logique, cette démarche inverse les priorités en posant comme préalable à la reprise des négociations une reconnaissance unilatérale et immédiate de la Palestine.
Ce faisant, elle rompt de manière inopportune avec la position constante de notre pays qui œuvre depuis plus de trente ans en faveur d’une paix fondée sur le principe des deux États au terme d’un processus de négociation qui implique de part et d’autre des concessions.
Frappée au coin du bon sens, cette ligne diplomatique a fait l’objet d’un large consensus politique au-delà des clivages partisans. Elle repose sur un nécessaire équilibre entre les exigences et les préoccupations de nos amis israéliens et palestiniens. Gage de la crédibilité de notre diplomatie et partant de son efficacité, cette position historique est inutilement remise en cause par cette initiative intempestive.
Conformément à la lettre et à l’esprit de l’ensemble des accords qui lient l’autorité palestinienne et Israël – résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations Unies, Accords d’Oslo-, la reconnaissance d’un État palestinien ne peut être que l’aboutissement d’un processus de négociation. Il ne peut voir le jour sans qu’un accord ne soit conclu avec l’Etat d’Israël puisque le règlement des questions relatives au statut final (Jérusalem, réfugiés, frontières, eau, sécurité) en délimitera les contours et par conséquent la viabilité.
“Nous regrettons par ailleurs qu’il n’ait pas été possible de trouver une formulation susceptible de rassembler l’ensemble de la représentation nationale sur le modèle de la motion votée à l’unanimité par nos homologues espagnols. Celle-ci a insisté à juste titre sur le fait que la reconnaissance d’un État palestinien doit être «…la conséquence d’un processus de négociation entre les parties qui garantisse la paix et la sécurité pour les deux États…».
Nous rappelons à toutes fins utiles que la France, tout comme l’ensemble des pays de l’Union européenne, s’est portée garante de ces accords. Nous ne pouvons donc nous soustraire à nos engagements sans porter gravement atteinte à la crédibilité de notre action diplomatique et au droit international qui lui en fournit l’indispensable assise.
Nous regrettons par ailleurs qu’il n’ait pas été possible de trouver une formulation susceptible de rassembler l’ensemble de la représentation nationale sur le modèle de la motion votée à l’unanimité par nos homologues espagnols. Celle-ci a insisté à juste titre sur le fait que la reconnaissance d’un État palestinien doit être «…la conséquence d’un processus de négociation entre les parties qui garantisse la paix et la sécurité pour les deux États…».
La solution à deux États est très largement plébiscitée, y compris en Israël. La question ne porte donc pas sur le principe d’une telle reconnaissance mais sur les conditions pratiques et le contexte politique de sa mise en œuvre.
La reconnaissance de l’État palestinien ne peut être imposée de l’extérieur au détriment et en l’absence de l’une des parties au conflit. Elle contredirait alors les deux principes au nom desquels elle a été formulée et qui en garantissent l’effectivité, à savoir la symétrie et la réciprocité.
En préjugeant de manière arbitraire du résultat de la négociation, cette démarche illusoire se condamne à l’impuissance. Elle ne peut qu’aboutir à proclamer l’existence d’un État virtuel, privé de véritable assise territoriale, politique et juridique.
En effet, aucune des conditions indispensables à l’avènement de cet État telles que définies par la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des Etats n’est actuellement réunie. L’Autorité palestinienne n’exerce pas son autorité sur l’ensemble de la population palestinienne et ne contrôle pas la totalité du territoire sur lequel elle entend établir sa souveraineté. En outre, le gouvernement palestinien dispose d’une autorité limitée puisque la bande de Gaza est sous le contrôle des islamistes du Hamas, une organisation terroriste reconnue comme telle par la communauté internationale qui refuse l’existence même d’Israël et ne cesse d’appeler à sa destruction.
Par ailleurs, la résolution ne fait état d’aucune garantie concrète en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne la démilitarisation de la bande de Gaza, le renoncement au terrorisme et à l’incitation à la haine. Elle est donc incomplète et par conséquent déséquilibrée. Le récent massacre commis dans une synagogue d’un quartier juif de Jérusalem-ouest où cinq fidèles ont été sauvagement assassinés au couteau et à la hache illustre tragiquement la nécessité de donner à Israël de solides garanties en matière de sécurité sans lesquelles ce dernier ne sera pas enclin à faire des concessions.
Cette démarche est par ailleurs contreproductive et dangereuse. Elle encourage les parties à s’exonérer des contraintes de la négociation sans laquelle il n’y aura ni paix, ni État palestinien. Cette stratégie de contournement prolonge et exacerbe le conflit en le répercutant sur le terrain diplomatique.
Cette initiative est en outre inopportune. Dans un contexte de recrudescence des tensions dans la région et d’importation du conflit israélo-palestinien en France, elle ne pourra que jeter de l’huile sur le feu. Soumettre notre politique étrangère aux contingences et aux calculs politiques, c’est risquer de creuser davantage les fractures identitaires qui abîment notre République et mettent en péril notre démocratie.
Enfin sur un tel sujet, nous estimons qu’il est essentiel d’adopter une position commune avec nos partenaires européens. Or l’Allemagne est opposée à cette initiative. La France ne doit pas mettre en péril les progrès accomplis ces trois dernières décennies en fragilisant l’action extérieure de l’Union européenne par des déclarations d’intention qui desservent la cause de la paix et qui rendront plus criant l’écart entre les réalités du terrain et les attentes suscitées par une proclamation restée lettre morte.
Les conditions pour parvenir à un accord de paix définitif sont connues de tous. Mais la paix ne se fait pas par procuration. Elle ne se décrète ni ne se proclame. Elle ne s’impose pas au détriment et en l’absence de l’une des parties. Elle se condamnerait alors à n’être que la continuation de la guerre par d’autres moyens.
Il n’y a pas d’autre chemin que celui de la négociation et du compromis. C’est aux protagonistes qu’il revient au premier chef de l’emprunter. La France, dont la voix résonne sur la scène internationale, peut les y aider. Elle pourrait saisir l’opportunité qu’offre paradoxalement la crise géopolitique actuelle pour lancer avec nos alliés européens, américains et arabes, une initiative de paix impliquant l’ensemble des pays de la région. Cette initiative pourrait faciliter en l’accompagnant le retour à la table des négociations, condition sine qua non pour parvenir à une paix authentique qui permettra aux Israéliens et aux Palestiniens de retrouver l’espoir et d’édifier une vie meilleure pour leurs enfants.

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